Dernière modification:  16/09/2013

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le petit train appelé "le Tramway"
L'histoire de Lembeye par André Anglade


Un peu plus de précisions
 sur
l'historique de Lembeye.

(Joël Perrin 1979)

   

Lembeye * est de nos jours un de ces chefs-lieux des cantons un peu dépeuplés du Nord-Est du Béarn. À quelques 3 kilomètres à vol d'oiseau de la Bigorre, perché à l'extrémité d'une colline dominant de deux côtés une vallée profonde, c'est un site défensif naturel dont les pentes sont très escarpées au Sud, à l'Est et au Nord-ouest Ce fut autrefois la capitale du Vic-Bilh (Vicus Vetellus), l'un des centres les plus anciennement peuplés du Béarn. Le nom de Lembeye n'apparaît pourtant qu'assez tard dans les textes. La ville est citée pour la première fois, à notre connaissance, dans le testament de Gaston VII, vicomte de Béarn, daté de 1286 (1), par lequel il lègue le Béarn à sa seconde fille Marguerite, femme du comte de Foy. Il y déclare qu'il peut aliéner sa vie durant tout ce qu il possède en Béarn à l'exception de certaines villes et places fortes importantes, dont le château de Lembeye.

Si l'existence de Lembeye n'est pas attestée avant ce texte, le village voisin d'Escurès, lui, semble avoir eu une importance qu'il perdra totalement par la suite. C'est au XI° siècle le siège d'un château vicomtal important (2) et de la cour de justice de la noblesse ...

*    Présentation résumée d'un dossier de la Commission régionale d'inventaire d'Aquitaine.

(1). P. de MARCA, Histoire de Béarn, Pau, 1912,- Il, p. 436 FAGET de BAURE, Essais historiques sur le Béarn, Paris, 1818, p. 210.

(2). En 1170 (d'après MARCA, op. cit., Il, p. 175, 179), Marie, vicomtesse de Béarn, donne en gage au roi Alphonse d'Aragon un des trois châteaux qu'elle possède en Vic-Bilh: Cadillon; Escurès ou Maubec On ne sait pas où était situé-le château d'Escurès qui ne peut être assimilé aux mottes se trouvant actuellement dans la commune d'Escurès Celles-ci, en effet sont dans un lieu-dit qui pendant tout l'Ancien Régime était une communauté particulière appelée Castet, avec une église distincte de celle d'Escurès. Castet dépendait de l'abbaye de Saint-Pé depuis la fin du XI° siècle, à la suite d'un acte de donation par le vicomte de Béarn, et jusqu'à la fin de XVI° siècle, époque à laquelle cette abbaye vendit ses droits seigneuriaux, dont la motte à un seigneur particulier. Documents historiques relatifs à l'abbaye de Saint-Pé, dans Annuaire du Petit Séminaire de Saint-Pé, 1881 p 174, 175; 1883, p 199; 1885, p. 250-25l, 309-310; 1887, p. 263; 1888, p 402-411.

 

…du Vic-Bilh : la cour « deus Cassous » (des Chênes) (3), et dès le XI° siècle s'y tenait un marché (4) au sujet duquel Marca a cette phrase significative « L'on peut remarquer en passant que le marché se tenait pour lors au lieu d'Escure distant d'un quart de lieue de la ville de Lembeye qui n'était pas encore bâtie ». Il semble donc qu'à la suite de la création du bourg dans des circonstances et à une date que nous ne connaissons pas, Lembeye ait complètement supplanté Escurès dans tous ses rôles : château vicomtal, siège de la cour de justice et marché.

Gaston VII, dans le testament duquel Lembeye apparaît pour la première fois, fut certainement l'un des plus grands vicomtes béarnais, tant par la longueur de son administration (1229-1290) que par ses grandes réformes judiciaires ; il fut à l'origine d'un certain nombre de créations de villes neuves, dont par exemple, en 1281, Bellocq (5) sur la frontière gasconne et Montaner (6) sur la frontière de la Bigorre ; c 'est à lui que l'on peut avec vraisemblance attribuer la fondation de Lembeye située, comme Montaner, sur la frontière de Bigorre (7). Peu après sa création, l'importance militaire de la ville de Lembeye est démontrée par deux textes. Dans le premier, Marguerite, vicomtesse de Béarn, demande l'arbitrage du roi d'Angleterre car son fils Gaston 1er, comte de Foix, s'est emparé par la violence de deux de ses châteaux « Invidia » (c'est-à-dire Lembeye) et Sauveterre. Le roi d'Angleterre en 1312 impose à Gaston de Foix de les rendre (8). Dans le second texte, son testament (1319), Marguerite de Béarn prend soin de…

(3). P. ROGE, Les anciens fors de Béarn, Toulouse, Paris, 1908, p. 133, n° 4, p 141-142. P. TUCOO-CHALA, Le livre des hommages de Gaston Fébus, Zaragoza, 1976, p. 23-25, 51-54. C'est le berger d'Arrode qui est chargé de convoquer les nobles à la cour deus Cassous d'Escurès le mercredi après la Noël 1343. Cette cour se tiendra à Lembeye. D'après le Censier de Lembeye daté de 1540 (Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, B 724), il existe un « parsan » (quartier) deus Cassous à cheval sur Escurès et Lembeye, et un « parsan » d'Arrode à cheval sur Lembeye et Vauzé. Arrode est le siège de la seigneurie de Vauzé, et une importante motte située à la limite de la commune de Bassillon-Vauzé et de celle de Lembeye (dénombrement d'Alexandre de Miossens, Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, B 654).

(4). MARCA, op. cit., Il, p. 126.127; et Documents historiques relatifs à l'abbaye de Saint-Pé, dans Annuaire de Saint-Pé, 1881, p. 175; 1885, p. 245, 260-261, 323-325; 1887, p. 266.

(5) D'après C. LACOSTE, Les bastides de Béarn, dans Bull. de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1971, p. 87-88.

(6) MARSEILLON, Monographie de la commune de Montaner, dans Congrès scientifique de France, Pau, 1873, p. 275-276.

(7).Les relations entre bastides et frontières sont un problème qui préoccupe beaucoup les historiens actuels (voir en particulier les travaux de Ch. HIGOU-NET, et pour le Béarn, P. TUCOO-CHALA, Les bastides et « villeneuves » dans les Pyrénées occidentales. dans Annales du Centre départemental de documentation pédagogique des Pyrénées-Ailantiques, mars 1973, n° 2, p. 2-3.

Un certain nombre d'autres bourgs fortifiés, mais dont on ne connaît pas les dates de fondation et qui sont en cours d'étude, ont été repérés lors des campagnes d'Inventaire sur la frontière de Bigorre : Bétracq, Moncaup, Momy, Mongaston (commune de Lamayou), Monségur (?), et sur les frontières avec la Gascogne anglaise  Conchez, Tadousse, Portet, Moncla, Garlin, Clarac, Lème, Thèze.

(8).Rôles gascons, IV, p. 264-265 (n° 977) et Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, E 295.

 

…noter qu'elle confie le château de Lembeye à un seigneur fidèle, Raymond Arnaud de Gerderest, jusqu'à ce que son successeur (Gaston Il) ait atteint l'âge de 25 ans (9). Parvenu à sa majorité, ce même Gaston Il accorde en 1326 à la ville de Lembeye le droit de tenir boucherie (10). C'est pourquoi l'on trouve dans les censiers des XVIe et XVIIe siècles, au milieu du bourg principal, une « place » que l'on appelle le Mazet, c'est-à-dire la Boucherie, et pour laquelle les habitants doivent payer 20 sols jacques à chaque fête de Toussaint (11)

En 1338, dans une consultation des communautés de Béarn, Lembeye est cité après les quatre principaux bourgs du Béarn : Morlàas, Orthez, Sauveterre, Oloron (12). Peu de temps après, la mort de Gaston II, les 30, 31 décembre 1343 et 1er janvier 1344, Aliénor de Comminges et son fils, le jeune Gaston III, reçoivent à Lembeye l'hommage de cette communauté et des communautés voisines qui, comme elle, relèvent directement du vicomte (13) Ils reçoivent aussi l'hommage des nobles de la cour des Chênes d'Escurès dûment convoqués par le « beguer » (viguier) d'Arrode (14). En retour, parvenu à sa majorité, Gaston III se rend à Lembeye et renouvelle aux communautés son serment (1346) (15) Un texte cité par Raymond Ritter (16) et daté du 5 juillet 1374, par lequel Fébus afferme un terrain situé à Lembeye, borné par le chemin public, le « barat deu senhor » (le fossé qui appartient au vicomte) et « lo portau deu borguet de la biele » (la porte du Bourguet de la ville), semble faire référence, non pas comme le croyait R. Ritter à la porte fortifiée de Lembeye qui existe encore, mais à la porte d'une excroissance de la ville, parallèle au bourg principal et dont le nom de Bourguet est attesté du XVI° siècle à nos jours. Ce texte nous fournit un terminus ante quem pour la datation du Bourguet et par là même de la place du Marché (la clausou deu Marcadieu du censier de 1540) qui fait partie, comme nous le verrons, plus loin, du même système de fortifications et est englobé dans les mêmes fossés que le Bourguet. Dès avant 1374 (17), la ville trop à l'étroit s'était agrandie et avait presque…

 9. Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, E 296.

10. Ainsi que nous l'apprend la Déclaration générale de la ville de Lembeye, 18 mars 1675 (Arch dép. Pyrénées-Atiantiques, B 649, fol. 213 V°-243).

11. Livre censier de Lembeye, 24 décembre 1540 (Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, B 724, fol. 3 V°). Le Mazet semble avoir été l'objet d'un réajustement d'affièvement fait le 23 mars 1522 par le seigneur d'Andoins alors sénéchal de Béarn.

12. P. ROGE, Les anciens fors de Béarn, Toulouse, Paris, 1908, p. 106-107, n° 3.

13. Conchez-de-Béarn, Tadousse, Moncaup, Vialer, Lespielle, Peyrelongue, Abos, Momy.

14. P. TUCOO-CHALA, Le livre des hommages, op. cit., p.43-45.

15. Id., p. 109.

16. R. RITTER, Les constructions militaires de Gaston Fébus en Béarn, dans Revue régionaliste des Pyrénées, 1922, p. 232.

17. Il est probable que cet accroissement de population s'est produit avant la grande peste de 1348.

 

…doublée par rapport au bourg principal originel. Le fait que dans le dénombrement de 1385 on compte 159 maisons à Lembeye (18) alors qu'il n'y a que 115 « places » habitables dans le bourg principal (19) confirme l'extension de ce bourg. Au XV° siècle, Lembeye disparaît des textes, ayant perdu son intérêt stratégique, la frontière avec la Bigorre n'étant plus d'une grande importance.

Cependant, la ville dut accroître légèrement sa population puisqu'en 1540 le censier dénombre 209 maisons dont 24 seulement hors la ville. Chaque « place » bâtie ou non, tant dans le bourg que dans « la Clausou deu Marcadiu et en la Carrere et parsan aperat Coteihon » (20) et autres parsans de la ville, doit payer 4 ardits à la fête de la Toussaint. Chaque « place » doit mesurer 60 arases de long et 14 de large, soit 6,44 m de largeur sur la rue et sur les fossés pour 27,60 m de profondeur (21) Les habitants ont en commun, outre la boucherie dont nous avons parlé plus haut, une parcelle de terre située au milieu de la place du Marché qui leur avait été récemment baillée à fief avec permission d'y construire une maison commune et halle (22).

Pendant les guerres de Religion, Lembeye, place protestante, semble avoir été ravagée plusieurs fois. En 1569, la ville fut envahie par les catholiques  « Le sieur de Peyre [Henri de Navailles] et Goas sont entrés dans le pays par Lembeye et Conchez qu'ils ont saccagés... » (23), et la même année, « le sieur de Gerderest [Gabriel de Béarn] …

18. Publié par P RAYMOND, Dénombrement général des maisons de la vicomté de Béarn en 1385, dans Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, Basses-Pyrénées, VI, 1874, p. 133-134 et P. TUCQO-CHALA, Les communautés béarnaises en 1385, dans Bull. de la Soc. des sciences, lettres et arts de Pau, 1959, p. 17-25. Lembeye est alors la 11° ville du Béarn pour le nombre de feux, après Orthez (436), Oloron (368), Larreule (321), Morlàas (304), Monein (268), Salies (231), Arthez (227), Sauveterre (226), Lucq (180), Gan (171) et avant Lescar (156) et Pau (124).

 

19. D'après le censier de 1540, op. cit., et celui de 1675 (Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, B 649, fol. 258-340). Quelques « places » ne sont pas habitables ce sont l'église et son cimetière, et le Mazet ou boucherie.

20. La Clausou est la partie d'une ville fermée, c'est-à-dire enceinte d'un fossé ou d'un mur. « La carrere et parsan aperat Cotelhon » : la rue et quartier appelé Cotelhon correspond à ce qu'en 1693 on appelle le faubourg (Estimation des maisons de Lembeye, Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, C. 1047) et à ce que l'on nomme encore aujourd'hui Cotillon. C'est dans le prolongement de la rue principale du bourg à l'est de l'autre côté des fossés un petit ensemble lui-même entouré de fossés. Ceux-ci sont attestés par les confronts du censier de 1675 et par quelques restes encore visibles sur le terrain au milieu de jardins, du côté nord de ce faubourg. Sur les autres côtés, les fossés ont été remplacés par des rues.

21. Nous retrouvons exactement ces chiffres à Conchez-de-Béarn (censier de Conchez, Arch. dép. Pyrénées-Atiantiques, B 730). À Labastide-Villefranche, par contre, on a 13 arases (5,98 m) sur 80 (36,80 m) LABAIG, Histoire de Labastide-Villefranche, dans Congrès scientifique de France, 1873, Il, p. 311.

22. Censier de 1540, op. cit., fol. 3, r0-v0 Les habitants doivent payer 10 sols jacques à chaque fête de Toussaint pour ce nouvel affièvement. Le vicomte de Béarn possède en outre un moulin sur le Lèes où les habitants doivent aller moudre leur grain.

23.           Lettre de Salles, gouverneur de Navarreax, à la reine de Navarre alors à La Rochelle, 4 avril 1569, d'après Notes manuscrites du docteur Doleris. Arch. privées.


… accompagné de la noblesse du Vic-Bilh se saisit de deux ministres protestants de Lembeye... » et pille tous les protestants. « Par la suite nous verrons Montespan, Peyrelongue et Guillassot [catholiques] à la recherche des troupes d'Anos et de Montanat [protestants] envahir Lembeye et tuer quelques paysans » (24) Poey-davant (25) rapporte qu'en 1587 « les jurats de Lembeye représentent que le pays était foulé par plusieurs compagnies de gens de guerre tant à pied qu'à cheval vivant à discrétion et faisant divers ravages dans toute la contrée...». En 1606-07, les habitants de Lembeye demandent aux Etats de Béarn secours « pour réparations aux maisons incendiées » (26) ; de plus, on parle des « universels embrasements que la ville de Lembeye a soufferts » (27). La ville a donc, pendant toute la durée des guerres de Religion, été fortement malmenée et en partie détruite par le feu, ce qui explique sa décadence soulignée par tous ceux qui y passent au XVII° siècle (28) En effet, en 1675, il n'y avait plus que 135 maisons dans l'enceinte des fossés (29), et en 1693, 126 maisons parmi lesquelles 87 sont tout ou partie en torchis et 85 couvertes tout ou partie de bardeaux ou de chaume (30).

Le censier de 1675, très précis, nous a permis grâce aux quatre confronts de chaque parcelle qui y étaient parfaitement notés, de proposer une reconstitution du parcellaire de la ville tel qu'il se présentait à cette date. Nous avons reporté ce parcellaire sur les données d'ensemble fournies par le plan cadastral de 1828 et les restes des fortifications relevées sur le terrain (croquis hors texte). L'on peut ainsi se rendre compte de la morphologie générale de la ville. Le noyau primitif est un bourg allongé de part et d'autre d'une rue centrale, l'ensemble étant surélevé par rapport à un fossé avec un escarpement variant de 3,50 m à 1,50 m environ. Au sommet de cet escarpement devaient se trouver des « paus » (pieux) de bois formant une sorte de rempart (31) desservi au sommet de l'escarpement à l'intérieur de la ville par un chemin qui existe encore du côté Sud. On trouve aussi mention de ce chemin pour la place du …

24. C. LACOSTE, Promenades historiques et archéologiques en Vic-Bilh, dans Rev. historique et archéologique du Béarn et du Pays Basque, 1939 (2° série, XXII), p. 242-246.

25. POEYDAVANT, Histoire des troubles..., Pau, 1819-1821, Il, p. 239.

26. Notes manuscrites du docteur DOLERIS, op. cit.

27. Déclaration générale de la ville de Lembeye, 18 mars 1675, op. cit.

28. L. COULOM, Rivières de France..., Paris, 1644, p. 577-578. L.BATCAVE, Voyage de Léon Godefroy en Gascogne, Béarn et Navarre, 1644-1646, dans Etudes historiques et religieuses du diocèse de Bayonne, 1899, VIII, p. 253. Phrase de l'intendant Lebret citée par C. LACOSTE, 0V. cit., p. 242.

29. Et 232 dans toute l'étendue de la communauté (censier de 1675, op. cit.).

30.           Estimation des maisons de Lembeye, op. cit.

31.           Nous n'avons trouvé aucune mention dans les textes de « mur de ville » et le fait qu'il n'y ait aucune trace d'arrachement sur la Porte de Ville semble prouver qu'elle était isolée et n'était raccordée à aucune enceinte en maçonnerie.

 

…marché dans un texte concernant le couvent des Récollets (32). Sur le côté sud, le fossé a déjà en grande partie disparu sur le cadastre de 1828 et à l'emplacement de ce qui y est appelé « rempart promenade » est venue se loger la route nationale qui a bouleversé le terrain. Au niveau de l'église, une curieuse avancée de la fortification porte sur le cadastre de 1828 un fossé en arc de cercle. Ceci pourrait correspondre à ce qui est appelé dans un confront du censier de 1540 « le frontau deu barat de la vile » (d'après le dictionnaire de Lespy et Raymond, le frontau est une partie avancée d'une fortification). C'est aussi probablement à cet endroit qu'il faut placer la motte qui nous est connue par une délibération du conseil municipal de 1816 (33) et par Raguère qui signale « le tumulus ou motta qui était au levant des remparts fut détruit vers 1830 pour combler une partie des fossés » (34). Il y avait donc peut-être à cet endroit une petite motte qui surveillait cette partie avancée de la fortification ; le fossé principal vient buter contre ce promontoire et un deuxième escarpement vient rejoindre le premier à ce niveau (voir croquis hors texte). Il est doublé en contrebas d'un petit chemin appelé sur le cadastre de 1828, « chemin du bas du rempart » et qui a pu remplacer un second fossé de moindre importance. Tout le flanc sud de la colline, couvert de vignes aux XVIe et XVIIe siècles, s'appelait alors le Parsan deus Embarrats. À l'Est du bourg, les fossés très larges, visibles sur le cadastre de 1828, ont été comblés par la suite (35). L'élément de fortification le plus important du bourg principal est sans contexte la Porte de Ville ; la partie basse de cette porte, en appareil assisé régulier, pourrait remonter à la fin du XIIIe siècle, époque de création de la ville. C'est probablement dans la seconde moitié du XIVe siècle que l'on a surélevé cette porte par un mur de briques et galets couronné de deux créneaux sur chaque face. La plupart des ouvertures ont été remaniées et bouchées au XVIe siècle pour y installer des trous de tir. Isolée au milieu de la ville, elle forme une sorte de donjon-beffroi qui a longtemps servi de prison et de tour d'horloge.

À ce bourg primitif est venu s'adjoindre avant 1374 (36) un second…

32. Notes manuscrites du D Doléris, op. cit., acte du 19-2-1719. Les pères Récollets demandent que leur soit accordé tout ou partie du rempart qui borde leur jardin pour construire un mur de clôture. Le corps de ville leur accorde ce droit car on pourra malgré tout passer sur le rempart avec un « cheval et son bat ».

33. Notes manuscrites du docteur Doleris, op. cît... Arrêté du 16 juillet 1816 contre les personnes « qui se permettent d'extraire la terre des terrasses des remparts notamment dans la partie Paumades ainsi que du terrain appelé la Motte ». Le mot paumade se retrouve, dans le censier de 1675, dans tous les confronts du côté sud du bourg principal : « paumade et fossés de la ville », nous ne savons pas à quoi il se réfère.

34. J. RAGUERE, Lembeye, Saint-Sever, 1930, additif p. LXV.

35. Lors des travaux d'adduction d'eau à l'extrémité de la rue, des pelleteuses ont butté sur des murs très épais qui sont peut-être des restes d'une ancienne fortification. Une tradition locale rapportée par Raguère, op. cit., p. XXV, situe le château de Lembeye à l'est de l'église.

36. Voir plus haut.

 

…ensemble : le Bourguet et la place du Marché. On ne trouve trace de fossés séparant les deux derniers éléments de cet ensemble ni dans le censier de 1540, ni dans celui de 1675, ni sur le terrain; ils furent donc réalisés en même temps, vraisemblablement par un vicomte de Béarn ou son représentant. Ils étaient surélevés par des escarpements de 2 à 3 m dominant des fossés. Au Nord du Bourguet, la rue qui a remplacé les fossés porte le nom de rue des Pelams (tanneries) ; dans le censier du XVIe siècle, on trouve mention de plusieurs tanneries à cet endroit. Enfin, à une époque indéterminée, mais avant 1540, est venu s'ajouter à l'extrémité Est du bourg un petit appendice entouré de fossés sans escarpement  le Cotelhon (voir note 20).

À défaut de texte précis concernant le cadre dans lequel s'inscrit la fondation de Lembeye (37) la morphologie actuelle de cette ville rend compte d'une évolution suivie, si ce n'est dirigée, par le pouvoir vicomtal. Du reste, ce type de ville découpée en petites unités généralement allongées, entourées chacune de fossés, et rajoutées les unes aux autres au fur et à mesure de l'accroissement de la population, se retrouve dans tous les bourgs fortifiés importants du Nord-Est du Béarn Garlin, Lembeye et surtout Morlaàs qui au XVIIe siècle ne comptait pas moins de six bourgs. Lembeye dans son tracé urbain ne doit presque rien aux siècles modernes et comme l'ensemble du Vic-Bilh dont elle est la capitale, sa physionomie était, pour l'essentiel, tracée dès la fin du XIVe siècle. Sa création et son évolution s'inscrivent dans le cadre des bouleversements démographiques, sociaux et politiques qui ont marqué le Moyen-âge en Béarn:

centralisation du pouvoir dans les mains du vicomte, organisation du pays autour de villes-marchés, garanties de paix données par l'établissement d'un système défensif à la charge des communautés, libertés accordées aux habitants par les Fors de Béarn.

37. La Déclaration générale de la ville de 1675, op. cit., parle d'un for au sujet de Lembeye, mais ne spécifie pas s'il s'agit du For de Morlàas qui aurait été accordé à cette ville (voir au sujet des villes fondées au for de Morlàas.

L.BATCAVE, Interprétation de la rubrique du for de Morlaàs sur la clôture des maisons, au point de vue de la fortification, Pau, 1905).


Pour en savoir encore plus sur Lembeye...

LEMBEYE

 

Lembeye, chef-lieu d'un important canton regroupant trente communes, est aussi la « capitale » du Vic-Bilh, cette région de coteaux et de vallées sillonnée par une multitude de cours d'eau qui divergent en éventail sur le plateau de Ger. Lembeye est précisément située sur un de ces coteaux dominant de façon abrupte, au sud et à l'est, la vallée du Léez, à tel point que Monsieur Constant Lacoste a pu la comparer à un nid d'aigle.

Ce site défensif fut sans doute utilisé de façon précoce : un tumulus important situé sur la crête fut détruit vers 1830 pour combler les anciens fossés de la ville. Les origines de Lembeye restent cependant assez mal connues; des vestiges gallo-romains attestent de l'occupation du site à cette époque, mais c'est au Moyen Age que la ville se constitua dans sa forme actuelle.

Située aux confins nord-est du Béarn, face à l'Armagnac et à la Bigorre, Lembeye occupait une position stratégique de ville frontière. Pour résister aux inévitables incursions de ses voisins, le bourg fut aménagé en bastide fortifiée sous Gaston Fébus : la cité fut organisée en village-rue. Un vieux plan, datant de 1820 et conservé dans les archives de la mairie; révèle bien le plan initial de la ville.

Une rue centrale, unique et orientée est-ouest, constituait l'armature de la ville; les maisons, serrées les unes contre les autres et disposées perpendiculairement à la rue, occupaient, avec leurs dépendances et leur jardinet, ce que l'on appelait une « place ». Ces jardins s'étendaient en lanières allongées derrière les maisons et jusqu'aux limites de l'enceinte. Celle-ci était entourée de grands fossés à l'extérieur desquels se trouvait un chemin de ronde. Le tumulus situé à proximité du fossé servait à guetter l'ennemi venant toujours de l'Armagnac ou de la Bigorre. Un second fossé extérieur servait à recevoir le trop-plein du grand. La rue centrale était fermée, aux deux extrémités, par des portes; un pont-levis était tendu sur le fossé et une herse actionnée par un treuil ouvrait et fermait le passage dans la ville. Une de ces portes existe toujours, c'est la tour de l'horloge appelée aussi la « prison » : c'est une construction assez élevée, en briques, sous laquelle se trouve un passage voûté, en pierre de taille; contemporaine de Gaston Fébus, elle a perdu son couronnement primitif suite à des restaurations du XVI° siècle. À l'origine, nous dit Monsieur Raguére, la tour portait les armoiries vicomtales et elle était surmontée d'une corniche à treize créneaux qui devaient représenter les treize principales villes du Béarn, parmi lesquelles se trouvait Lembeye. Le château était situé près de l'église, entouré d'un fossé et de fortifications; il fut détruit, ainsi qu'une. partie de la ville, dans le courant du XVI° siècle. Un autre incendie dut endommager à nouveau la ville au début du XVII° siècle, car, le 3 septembre 1611, le roi confirma, par lettres patentes aux habitants du bourg, les privilèges dont les titres avaient été brûlés.

Par la suite, le village initial fut agrandi vers l'est par allongement de la rue principale et à l'ouest avec la création de la place triangulaire où se tenait, dès avant le XVIII° siècle, un important marché, notamment de bétail; cette place était à l'origine entourée d'arceaux et une vieille halle, bâtie sur piliers, en occupait le centre. Au sud de la halle se trouvait le couvent des Pères Récollet fondé en 1676. Il y avait également à Lembeye un hôpital dépendant de l'abbaye Sainte-Christine d'Espagne dans lequel on recevait les indigents et les pèlerins ; il fut démoli en 1845.

La ville était entourée de quatre quartiers ayant chacun un domaine seigneurial

- le quartier de l'ouest traversé par la route de Pau et le petit Léez, regroupant quelques maisons et un moulin.

- le quartier d'Arsaut, à l'est, portant le nom de Noble Jean d'Arsaut, seigneur du lieu. Il y avait une demeure seigneuriale, une église et un cimetière.

- le quartier Menjolou regroupait des terres et biens ecclésiastiques.

le quartier du Heuga où se trouvait également une église qui était une ancienne petite communauté administrée par des Jurats.

Comme la plupart des villes du Béarn, Lembeye eut à souffrir des troubles religieux du XVI° siècle en 1569, plus de 100 hommes disparurent, morts ou exilés. La vente des biens ecclésiastiques intervint par ordre des commissaires de la reine Jeanne d'Albret, le 22 mai 1570; l'église servit à loger des troupes protestantes, mais elle fut épargnée par le feu.

Cette église, située sur le point culminant du coteau, ne manque pas de retenir l'attention par sa massivité venant de son important toit béarnais à forte pente et de son clocher tour, l'ensemble étant, en outre, fortifié d'éperons et de contreforts. Cette église construite dans le style ogival du XV° siècle est le plus grand édifice gothique du Vic-Bilh. L'église comprend une nef à cinq travées avec une abside polygonale et des bas-côtés qui se terminent en absidioles. L'édifice n'offre donc pas un plan classique en croix latine. Toute une série de clés de voûte orne les diverses travées de l'église ainsi que l'abside et les absidioles. Les piliers, séparant là nef centrale des nefs collatérales sont couronnés à leur partie supérieure d'une bande décore, et de petits motifs sculptés.

Le portail de style gothique flamboyant est situé au milieu de la façade occidentale et abrité sous un porche extérieur. Le clocher s'élève en tour carrée au-dessus du porche et, de même que les murs latéraux, il est fortifié par des éperons ou contreforts et flanqué d'une tourelle rectangulaire renfermant un escalier en spirale. Souvenir des siècles passés, l'église a conservé la porte d'entrée réservée aux cagots ainsi que leur bénitier et le banc en pierre tout autour de l'église.

Au cours des siècles, Lembeye connut des phases de prospérité assez diverses. Au XVII° siècle, Léon Godefroy, dans ses souvenirs de voyage décrit ainsi le bourg : « cette ville est grandelette, a d'assez belles maisons et une grande place comme aussi de grands jardinages ». L'intendant Lebret, quant à lui, eut cette réflexion peu flatteuse : « Lembeye, dit-il, serait la plus misérable ville du monde si Morlàas ne venait lui disputer cette place ». Et pourtant, à l'époque, Lembeye possédait 300 hectares de vignes sur les pentes dévalant le bourg. Ces vignes disparurent en grande partie dans le courant du XIX° siècle. À la fin du XIX°, cependant, et au début du XX° siècle, le Docteur Doleris, célèbre gynécologue, originaire de Lembeye, y possédait un important vignoble. Passionné d'oenologie, il mit au point un procédé de fabrication de mousseux selon la méthode champenoise dans ses caves du Royal Béarn, situées au pied de la cité de Lembeye. Il avait fait creuser, à même la colline, un souterrain long de 400 m et qui constituait un excellent lieu d'entrepôt et de conservation. Aujourd'hui, ces différentes installations ont été acquises par la coopérative de Crouseilles. Quant aux vignes, elles ont pratiquement disparu.

Cependant, la réduction de l'activité agricole n'a pas été compensée par le développement d'une activité industrielle ou artisanale; jadis, Lembeye était un centre de départ de charrois de vins de Madiran vers Morlàas, dans une première étape, puis vers Bayonne. Au XIX° siècle, une ligne de chemin de fer fut créée entre Lembeye et Pau avec un service de deux trains par jour; depuis 1930, cette ligne a été supprimée et remplacée par un service de cars.

Actuellement, Lembeye, située à l'écart des grands axes de circulation, vit un peu sur elle-même : peu d'industries, quelques activités de service dans une zone d'attraction assez réduite ; un marché qui se maintient, un collège, une fonction de chef-lieu de canton. Il semble que le tourisme pourrait constituer un atout dans les années à venir. Lembeye est le point de départ de la route des vins de Madiran, mais pour cela un développement des activités d'accueil semble s'imposer.

D’après « la vie de mon pays : en Béarn »

En savoir plus sur les CAGOTS.

L'histoire de Lembeye par André Anglade

En savoir plus sur « Le petit train (le tram) » (petit train Pau-Lembeye)

 conseil municipal 1791

 

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