ALPHONSE MONGE, À SIMACOURBE

Au village, l'instituteur possède une moto avec laquelle il se déplace souvent. J'apprendrai plus tard qu'il porte des messages destinés à tel ou tel groupe de résistants. En un mot, il sert de boîte aux lettres.

Lembeye.

Au mois de juillet 1944, la troupe allemande passe, mais ne s'arrête pas, le village n'est pas fouillé.

Sur la place centrale, se trouve un grand hangar, plein à ras-bord d'armes pour les Allemands.

Un jour, alors que je suis à Lembeye, j'assiste à une manœuvre d'attaque. Des hommes poussent des canons au pas de course sur la route d'Aire-sur-l'Adour. Sur la place, des otages sont rassemblés. Pour ces malheureux, la situation paraît délicate. De longues tractations s'engagent, mais la tension persiste et pas dans le bon sens. Finalement, les otages seront libérés.

Le bal clandestin de Simacourbe.

Bien souvent dans les villages, les jeunes, par petits groupes, se rassemblent autour d'un bal organisé avec les moyens du bord. Par un bel après-midi de dimanche de juin 1944, ici à Simacourbe, un groupe de jeunes assiste donc à un bal, ce qui est interdit par les autorités de Vichy et par les occupants. Il y a un tourne-disques « La voix de son maître », des disques en cire et le haut-parleur installé dans un arbre. L'ambiance est joyeuse, mais ça ne dure pas bien longtemps. Sortis d'on ne sait où, quatre hommes, revolver au poing, rassemblent tous les jeunes. L'un d'eux, paraissant être le chef, se lance dans un discours moraliste. Il n'est pas normal que des gens dansent et s'amusent pendant que d'autres se font casser la figure pour la liberté. L'un d'eux, ayant trouvé un marteau sur place, casse le tourne-disque alors que les autres brisent les disques sur le rebord d'une charrette qui se trouve à côté de l'arbre. Comme le haut-parleur est bien accroché, ils ne peuvent pas le démolir. Henri Mathieu, qui est le propriétaire du matériel brisé, pleure beaucoup après cet acte déraisonnable. Si on tire une conclusion de cet acte de bêtise, il apparaît que ces quatre soit disant résistants portent un grand tort aux autres.

Monassut.

Le jour de la fusillade de Monassut, le convoi allemand vient de Lembeye et se dirige sur Pau. Dans le convoi se trouve une voiture munie de deux haut-parleurs et de ce véhicule sort la Marseillaise à tue-tête. Il ne fait pas de doute que ce sont des miliciens qui sont derrière ça, mettre l'hymne national au service de la propagande nazie.

Un peu après le passage de la colonne, mon père revient d'aller chercher du pain à Conchez avec son vélo. Je lui dis que les Allemands viennent de passer avec de la musique. « Oui, oui, me dit-il, on va les faire musiquer ». Quelques minutes s'étant écoulées, on entend une grande fusillade : mitrailleuses, canon, le tout en direction de Pau. Mais on ignore où cela peut se passer. On apprendra vite que c'est à Monassut.

La bataille est sanglante pour les deux camps. Les Allemands ont de grandes pertes. Quand tout est fini, ils récupèrent les victimes sur des camions conduits par des Français réquisitionnés. Ces quelques camions sont dirigés vers Pau, seuls sur la route. Les Allemands ont peur, ils ne suivent pas et restent en arrière. Les Français qui conduisent les camions se sont arrêtés à Morlaàs, à l'hôtel de France. Le sang ruisselle dans le caniveau. Le lendemain, Radio-Londres annonce 60 morts allemands au cours de cet accrochage. D'après certains, le nombre de victimes se rapproche plutôt de cent.

Un officier allemand veut faire creuser une fosse commune pour y jeter les corps des résistants. Le curé s'y oppose fermement en disant qu'il y a au village un menuisier qui a assez de planches pour fabriquer un cercueil à chacun. L'officier, excédé par la détermination de l'homme d'église, lui rétorque de faire ce qu'il veut.

 d'après "les cahiers du Vic-Bilh" Maxime Malompré - Carole Nicolas.