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Le corps Franc Pommiès.

Gloire au 49 R.I.
1°MAI 1947.

Le glorieux Régiment de Bayonne, le 49° R.I., est dissous. Reformé avec les éléments du Corps Franc Pommiès après la Libération, le 49° rejoint dès le mois de septembre 1944 la 1ere Armée française sur le front des Vosges, poursuit le combat en Allemagne, participe à la prise de Stuttgart et termine son épopée à Berlin.

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Rien ne pouvait m'être plus agréable que d'avoir à soumettre à l'agrément du conseil municipal de Pau une proposition tendant à dénommer le « Boulevard du Corps Franc Pommiès et du 49° Régiment d'infanterie », l'une des artères de notre ville. Je m'excuse à l'avance auprès de vous de la lon­gueur de ce rapport, mais il me tenait à coeur de faire l'historique complet de cette Unité dans laquelle j'ai eu l'honneur de servir.

Ce n'est pas aux membres de cette Assemblée que j'apprendrai ce que fut, dans un passé récent, cette Unité qui s'illustra des Pyrénées à Stuttgart. Ils savent que sa renommée, franchissant les limites de notre Béarn, s'est étendue jusqu'aux rives du Rhin. Ils savent également que si la Résistance eut la fierté de compter le Corps Franc Pommiès parmi ses meilleures et ses plus importantes organisations de combat l'Armée s'enorgueillit d'avoir consacré sa valeur exceptionnelle lorsqu'elle lui confia, en plein combat, le numéro et le drapeau d'un régiment régulier au passé glorieux, le 49° : fait unique durant la dernière guerre. C'est de haute lutte que le Corps Franc Pommiès acquit ses lettres de noblesse dans la Résistance. C'est de haute lutte aussi qu'il se fit une place de choix au sein de la 1° Armée. Jugez-en plutôt.

À partir du 17 novembre 1942, sans autre aide que de rares parachutages, il recrute et organise clandestinement plusieurs milliers d'hommes dans la zone R 4, c'est-à-dire dans les dix départements du Sud-Ouest situés à l'est de la ligne de démarcation. Pour son équipement, il recourt surtout à des coups de main. Puis, s'enhardissant, il noyaute les Services de Renseignements ennemis, abat des chefs de la Gestapo et exécute des sabotages. C'est ainsi, par exemple, qu'en cinq mois, de fin décembre 1943 à fin mai 1944, il désor­ganise méthodiquement les principaux moyens de transport, d'énergie et de production, au nombre desquels figure l'usine de la Société Française d'Opti­que et de Mécanique de Pau.

Le 6 juin 1944, sur ordre d'Alger, il passe à l'attaque massive du personnel militaire et des moyens de communication. Jusqu'au 14 août, soit en 68 jours, il mène 88 actions contre des postes et des convois ; 344 contre les ponts, les transports, les télécommunications et les lignes de force. Enfin, du 15 au 21 août, il participe aux combats de la Libération, souvent d'une manière décisive. Il en est de la sorte à Cahors, Montauban, Mont-de-Marsan et Bedous ; à l'Isle-Joudain et aussi sur le plateau de Lannemezan où les importantes garnisons allemandes d'Auch et de Tarbes n'acceptent de se rendre qu'entre les mains d'un chef du Corps Franc Pommiès. Les pertes recensées infligées à l'ennemi sont de 1531 tués, 847 blessés et 1300 prisonniers. Les siennes sont heureusement beaucoup moins élevées : 20 déportés, dont 15 n'ont jamais reparu, 189 tués et 18 prisonniers. Encore de nos jours, la recon­naissance populaire se manifeste à l'égard de ses morts : en Béarn, par exemple, des stèles ont été érigées au champ de tir du Pont-Long et à la côte de Berlanne à la mémoire des maquisards fusillés en ces lieux ; en outre, chaque année, les municipalités de Monassut, Monein, Morlaàs et Portet rendent un pieux hommage à ceux qui tombèrent sur le territoire de leur commune. Fin août 1944, le Corps Franc Pommiès se partage en trois fractions : l'une est dirigée sur la Pointe-de-Grave ; une autre participe à la garde de la frontière pyrénéenne entre Hendaye et Luchon, sous les ordres du « Chef » Pommiès, la plus importante fonce à travers le Massif Central, vers le Nord-Est, dans le but de couper la retraite aux Allemands. Malgré d'énormes difficultés de terrain et de transport, cette dernière joue en Côte d'Or un rôle prépondérant qui vaut au Corps Franc Pommiès la citation sui­vante : « Corps Franc à l'effectif d'une Brigade, déjà réputé par ses actions contre l’ennemi dans la région du Sud-Ouest, prend une part décisive dans la poursuite de l'adversaire. Transporté dans la région du Morvan, s’est, par une marche audacieuse et rapide, jeté en travers des colonnes ennemies, les har­celant durant les 7, 8 et 9 septembre jusqu’aux portes d'Autun. A provoqué après de durs combats en liaison avec l'armée d'Afrique la capitulation d'un groupe de 2500 Allemands, dont plus de 850 ont été faits prisonniers par les seules Unités du Corps Franc Pommiès. Brigade très manœuvrière et ardente qui incarne l'esprit offensif des troupes du Sud-Ouest ».

Signé :  de "Lattre

 

Rejoint fin septembre par la fraction initialement retenue dans les Pyrénées, le Corps Franc Pommiès est intégré à la 1° Armée, sous son nom de la Résistance. Immédiatement jeté dans les Vosges, il participe durant tout l'hiver aux opérations, sans repos, habillé et armé comme au maquis. Puis, au bout de cinq mois, en février 1945, il s'organise en Régiment d'Infanterie, reçoit le numéro 49 et est affecté à la 3e D.I.A., la Division de Choc. C'est alors le franchissement du Rhin et la course victorieuse vers Stuttgart malgré les violentes réactions de l'ennemi. Au terme de cette campagne, une nouvelle et très belle citation lui est décernée qui résume ses hauts faits. Trop longue, je me bornerai à ne vous en citer que quelques extraits :

 « Régiment d'élite composé de jeunes volontaires réunis par le lieutenant-colonel Pommiès dans la clandestinité et entraînés par lui dans les opérations de Résistance, s'est couvert de gloire au cours des Campagnes des Vosges, d'Alsace, de Bade et de Wurtemberg. En dépit de la neige et de la boue, a toujours fait preuve d'un moral splendide et d'un mordant sans relâche, harcelant l'ennemi nuit et jour... Le 29 novembre, s'est emparé par surprise du sommet du Drumont, réalisant le premier la percée du dispo­sitif adverse sur la crête des Vosges... Après avoir libéré Oderen et Fellereing, a obligé l'ennemi à abandonner les hauteurs à l'est de Kruth, en Alsace... Le 5 février a franchi, au cours d'un raid audacieux à travers la montagne et dans la neige, la dernière route des crêtes des Vosges... Entre en Allemagne, par une manoeuvre de nuit hardie et rapidement menée s'empare du quartier nord de la ville d'Eppingen solidement tenue; le lendemain termine brillam­ment la conquête de la ville... Poursuivant sa progression avec brio, manoeuvre sans cesse, enlève Cleebronn, âprement défendue... Placé sur l'Enz, occupe un front de 25 kilomètres et fixe pendant la manoeuvre de Pforzheim des effectifs ennemis très supérieurs aux siens... Le 19 avril, enlève Nussdorf le 20 parcourt 15 kilomètres dans la nuit, brise la résistance adverse à l'est de Dittingen et entre dans Stuttgart le 21 avril au soir... Au cours de toutes ces opérations, a fait plus de 2500 prisonniers et capturé un important matériel ».

Signé :   le Ministre des Armées.

 

 

Pour cette période qui s'étend d'Autun à Stuttgart, les pertes du Corps Franc Pommiès, 49e R.I., s'élèvent à 201 morts et 9 disparus. Les suprêmes honneurs que le Pays accorde à une valeureuse Unité militaire lui sont alors consentis. Le général de Lattre le fait participer à deux « défilés de la Victoire » en hommage à son riche passé : celui de l'Armée française à Paris le 18juin 1945 et celui des Alliés à Berlin le 8 septembre de la même année. Le gouvernement décide que de tous les corps d'Infanterie, le 49e sera le premier à tenir garnison dans l'ancienne capitale allemande.

Deux noms de bataille sont inscrits sur son drapeau : « Pyrénées-Languedoc 1944 » et « Stuttgart 1945 ». Enfin, par faveur spéciale et pour rappeler ses origines, il conserve le béret béarnais, son insigne de Maquis et pour ses hommes l'appellation de « Chasseurs ».

Ajouterai-je que maintes localités ont déjà rendu un hommage durable à l'action du Corps Franc Pommiès, 49e Régiment d'Infanterie, entre le 17 novembre 1942 et le 8 mai 1945 ? Dans les Vosges, Bussang et Fresse ont gravé son nom dans la pierre. Plus près de nous, en Bigorre : Tarbes, Vic, Saint-Pé et Saint-Lary; en Béarn Orthez, Pontacq, Portet, Monassut et Arros-Nay en ont fait autant. Je n'omettrai pas de signaler, bien sûr, qu'en Magnoac, la municipalité de Castelnau veille sur le monument élevé à sa gloire, par souscription publique.

Ajouterai-je aussi qu'il est entré dans l'Histoire ? Pour s'en convaincre, il suffit de lire les œuvres de Robert Aron, du général de Lattre et du général de Gaulle ; ou encore l'éloge funèbre du général Ginestet, prononcé le 27 juin dernier aux Invalides par M. Messmer, ministre des Armées.

Pau, le 26 juillet 1962.

Extrait de « Un siècle à Pau et en Béarn » de L-H Sallenave.

 


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