Dernière modification: 16/09/2013

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suite témoignages... (page 3)



La gare terminus place de la République à Pau.

 

Mon père le contrôleur.

Mon père a été le dernier contrôleur sur la ligne Pau-Aire du P.O.M après avoir été maître d'hôtel sur un paquebot puis contrôleur de train à la compagnie du Midi.

Quand j'étais enfant, il m’est souvent arrivé de lui porter un panier-repas à l'arrêt facultatif qui se trouvait chez Pin (Cazenave). Le train ralentissait et je lui tendais le panier qu'il prenait en marche.

J'ai pris assez souvent le train. Dans la côte de Garlin, de petits tas de sable étaient disposés tout le long de la voie . Quand il gelait, les roues de la locomotive patinaient sur les rails gelés. Mon père descendait et jetait des pelletées de sable sur les roues.

Mon père racontait souvent des histoires qui s’étaient passées dans le train, par exemple la triste fin du pauvre domestique de chez Merlou qui s’était endormi sur la voie et qui avait été écrasé.

Mais c'était très souvent des histoires de resquilleurs qui essayaient de descendre sans payer.

Comme mon père est resté si longtemps sur la ligne, qu'il connaissait presque tous les passagers qui n'étaient pas très nombreux. Il savait exactement qui avait payé.

Un jour, une dame déjà âgée a sauté du train en marche pour ne pas payer. Je ne sais pas si mon père la surveillait, mais il 1'a vue tomber et rester étendue par terre. Aussitôt, il a sifflé et le train s’est arrêté. On a relevé la vieille dame qui heureusement n'avait rien. (L'histoire ne dit pas si elle a dû payer...)

En 1931, quand la ligne de chemin de fer a été fermée, mon père aurait pu continuer dans les autobus qui ont remplacé le train,mais il a préféré prendre une retraite proportionnelle pour reprendre la ferme de son père malade.

André Courrèges de Garlin.

(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)
Gare de Garlin : on distingue très bien la roue du puits qui alimentait le château d'eau.
On faisait le plein des machines à vapeur.

Quand j’étais enfant, le tram qui circulait entre Pau et Aire sur Adour était encore en activité. Mon père était maçon à Taron et il se faisait livrer les matériaux (sable et chaux), par wagon, à la gare de Claracq. (avant le passage du tram, les seuls matériaux utilisés pour la construction provenaient des ruisseaux les plus proches et de fours à chaux locaux).
Le matin, le tram laissait le wagon à la gare et il fallait le décharger dans la journée. Mon père organisait une « ajuda » avec les voisins. Ils venaient avec les boeufs et le tombereau et ils transportaient les matériaux sur le chantier ou en dépôt. Ainsi, le train pouvait reprendre le wagon le soir.
Le train servait aussi au transport des premiers engrais utilisés dans nos campagnes : guano, chaux et scories.
Les jours de marché de Garlin, il était toujours chargé, surtout de femmes qui allaient vendre oeufs, poulets, lapins,… Les hommes qui en avaient les moyens venaient au marché en voiture à cheval et défiaient le tram, à la course, sur la route parallèle à la voie ferrée. Certains jeunes pratiquaient le même sport, à bicyclette !

Le tram ravitaillait les commerces de Garlin : Bayeu, Jaudet, Piot, … La gare de Garlin était équipée d’une pompe et d’un réservoir d’eau qui permettait de faire le plein de la locomotive, et d’un quai pour décharger les wagons. L’hiver, quand il gelait, la loco patinait et il fallait parfois que les voyageurs descendent et qu’ils poussent pour pouvoir atteindre le haut de la côte de Garlin. A partir de 1928/1929, les autos, camions et autobus apparurent sur les routes, faisant concurrence au train qui n’était plus rentable : la ligne fut supprimée.
A nous, les enfants, il nous manquait le sifflet du tram entrant en gare…

Laurent Lanne-Touyagué de Garlin. (né en 1923)

 

Jeannot Castérot était trop jeune pour avoir vu le tram, mais il sait ce que sont devenus les rails de la voie ferrée. Quand la ligne a été démontée, l’énorme quantité de rails a été bradée aux riverains. Le plancher du moulin de Touret est solivé en rails et il ne risque pas de s ’écrouler ! La pachère (digue) du moulin avait été renforcée par des rails et un petit supplément avait servi à construire un pont sur le baniu ( le canal ) : c’est du solide !

Vers 1935, le curé Camblong a fait construire la fameuse « Maison carrée » au bord de la D42, à l’emplacement de l’entrée actuelle du chemin d’accès au salon de coiffure de Martine. L’ultime vestige en est un bout de rail rouillé qui émerge de la pelouse.

Apparemment, le brave curé avait hérité d’une belle quantité de rails dont il décida d’armer cette maison destinée à loger des locataires peu fortunés ( un H.L.M avant l’heure ). Il fit appel à toutes les bonnes volontés sévignacquaises qui coffrèrent du béton armé de rails sur deux étages.

Tout neuf, « il en jetait », ce gros cube de béton surmonté d’une plateforme entourée d’une balustrade de quilles de 9,en béton, elles aussi. Le curé Camblong n’ignorait sûrement pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions, mais ses connaissances en génie civil étaient plus que rudimentaires ! Très rapidement, la dilatation de ces fers surdimensionnés fit craqueler, puis fendiller et éclater le béton !

Plusieurs familles de réfugiés, un Juif aussi -disait-on-, habitèrent cette maison pendant l’Occupation, puis elle abrita une couturière, fut souvent inoccupée, et le dentiste Marchelot, pour finir, y installa une antenne de son cabinet au début des années 60.

« La maison carrée » se fissurait en accéléré. L’eau s’infiltrait partout et suintait. Les jours de grand vent, des miettes de béton volaient sur la départementale, et on finit par la déclarer dangereuse. Zélien Cambayou la fit raser vers 1965.

Une autre partie des rails de la voie ferrée avait été confiée par la Commune au forgeron Bourg qui les scella avec d’énormes tire-fonds dans le tronc des chênes de la place du marché ( entrée du stade actuel ). Les paysans attachaient les licols de leurs bestiaux à ces rails à la solidité à toute épreuve. Quand le marché « tomba », vers 1960, ces rails devenus inutiles furent arrachés : les vieux chênes survivants s’en souviennent encore dans leur chair …

( à partir des souvenirs de Jean Palu-Castérot_ juillet 2011 )

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Nous rejoignons ici la contribution d ’André Anglade

Le petit train à Lembeye.

Ce petit train qu’on appelait aussi ( peut -être à tort, mais cela faisait plus anglais et donc plus moderne ) « Le Tramway », il est entré dans la légende de Lembeye, du Vic-Bilh …

C’était le petit train qui partait du centre de Pau et venait s’arrêter à Lembeye.

Certains regrettaient qu’il n’aille pas ainsi jusqu’à Madiran, ce qui aurait permis peut-être de l’appeler le P.L.M ( Pau-Lembeye-Madiran )à l’instar d’un illustre rival …

Il ne reste plus grand-chose du petit train, si ce n ’est quelques photos et cartes postales anciennes, le tracé encore précis que l’on appelle toujours « la ligne » et les histoires, plus ou moins légendaires, qu’il nous a léguées.

Car ce petit train en a inspiré des histoires…

Il partait allègrement de la place de la République à Pau, passait à ce qu ’il était convenu d’appeler « la bifurcation », avant de se diriger vers notre Vic-Bilh.

Il peinait paraît-il dans les côtes, celle de Berlanne, celle de Saint-Jammes, celles de Bretagne et Saint-Laurent, celles de Simacourbe et Lembeye surtout. Cela était aussi dur dans la partie inverse du trajet.

Il arrivait, semble-t-il ,que l’on prie les voyageurs de descendre un moment et de suivre à pied, lorsque la machine s’essoufflait un peu trop. Cela ne paraissait pas les incommoder outre mesure puisqu’ils s’y conformaient de bon gré.

Cela explique peut-être pourquoi j’ai cru ouï dire que certaines élégantes profitaient du parcours pour se changer entre Lembeye et Pau, craignant d’arriver ainsi dans la capitale béarnaise avec des bottines boueuses et de ne pouvoir soutenir une légitime confrontation avec leurs concurrentes citadines …

C’était l’occasion d’un voyage poétique et pittoresque au milieu d’une campagne verdoyante et mystérieuse, entre les collines, les vallées, les taillis et les bois que retrouvaient avec une poignante émotion les exilés béarnais de retour sur le sol natal, car il était fréquent pour nos cadets de l ’époque d’aller chercher fortune ailleurs.

C’était le lieu des conversations et des échanges. C ’était le lien avec le progrès et la vie citadine et c ’était aussi un sujet de fierté pour tout le Vic -Bilh.

Hélas, un beau jour, le petit train a dû disparaître, tué par ce progrès dont il avait été pourtant le symbole, tué par la raison suprême qui, dans le monde actuel domine toutes choses : l’impératif économique, la sacro-sainte rentabilité…

Comble d’ironie et curieux masochisme ou plutôt cruauté finale des technocrates : c ’est le petit train lui-même qui a transporté les matériaux qui devaient servir à établir les solides fondations de sa rivale triomphante : la nouvelle route qui serpentait au travers des collines dédaignant la rudesse native des anciennes côtes, et offrait sa prudente déclivité aux nouveaux et pétaradants envahisseurs : les automobiles.

Le petit train a disparu, les traverses ont pourri, les rails ont rouillé ou ont servi à d ’autres usages, mais « la ligne » existe toujours. Elle est devenue un romantique chemin de promenade au milieu d ’une nature exubérante et triomphante.

Mais le loisir nous est donné encore, sous la voûte reconstituée des arbres centenaires aux lumineuses éclaircies, d’évoquer le temps pas si lointain où dames en crinolines et grands chapeaux, messieurs en gibus et jaquettes amples, conversaient gaiement, aux côtés de nos paysans endimanchés, tout en contemplant la campagne béarnaise alentour où, peut-être, quelque vache aux grandes cornes, surprise dans son ruminement paisible secouait sa tête blonde agacée d’escarbilles.

André Anglade.

 

M.Bernadet, forgeron à la retraite, nous montra, au fond de son jardin, la cuve métallique aux parois rivetées, qui alimentait en eau la chaudière de la locomotive. Il l’avait récupérée pour arroser ses fleurs et ses légumes. Elle avait 100ans et ne perdait pas une goutte d’eau !

Il nous expliqua également comment on retournait la locomotive vers Pau, quand elle était entrée en gare, Lembeye étant en bout de ligne ! On dételait tous les wagons sur une voie de garage. Le chauffeur amenait la locomotive exactement au centre d’une grande plaque pivotante actionnée par la force de six hommes qui poussaient une poutre jusqu ’à ce que la locomotive ait tourné de 180°. On pouvait alors atteler les wagons, charger passagers et marchandises et repartir vers Pau.


1914-1918

Les innombrables Poilus qui prirent ces petits trains qui les drainaient de nos campagnes vers l’abattoir des tranchées. Mon grand-père Urbain Cassagnau de Castetpugon fut mobilisé lors de la Grande Guerre. Il revint deux ou trois fois en permission, avec le tram évidemment. Le plus terrible, c’était quand il fallait repartir, avec la peur au ventre de ne jamais revenir. Au lieu d ’aller prendre le train à la gare de Garlin, cet homme réputé disert et très sociable préférait rejoindre à travers champs, seul avec son cafard, le poteau d’arrêt planté au bord de la voie ferrée, au fond de Moncla, vers chez Lamarcade.

 

Dossier sur "le petit train" réalisé par Alain Cassagnau et ses élèves de l'école primaire de Sévignacq.


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