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Mardi 27 à vendredi 30 décembre
2016.
Surin.
C’est vraiment la belle saison. Les
Thaïlandais appellent cela la « saison froide » (redou nao)
car il fait 16 degrés le matin et seulement 26 aux heures les
plus chaudes. Par contre, il souffle un vent du nord qui nous
donne l’impression d’avoir très froid. Alors, des motocyclistes
harnachés comme des cosmonautes dans de grosses doudounes
débarquent sur les marchés où les chalands sont vêtus
de légers vêtements d'été... C’est tout le contraste de ce pays
où l’on rit quand on est triste et où l’on sourit quand on est
en colère.
À la télévision, les présentateurs
ou les animateurs sont vêtus de noir, les émissions sont
subitement interrompues par un hommage au Roi défunt.
Officiellement, le fils du Roi, le prince héritier, est le
nouveau Roi. Le Roi est mort, vive le Roi. Peu de gens sont
capables de prononcer son nom, que bien souvent ils ne
connaissent pas, et dans l’esprit des Thaïlandais, le Roi défunt
est resté LE ROI. Le deuil national va se poursuivre pendant un
an. Les hôpitaux, écoles et tous les bâtiments officiels sont
entourés d’un calicot blanc et noir. La crémation aura lieu en
décembre prochain, sur la plus grande place de Bangkok, sur
Sanam Luang. La foule éplorée rendra un dernier hommage au Roi,
à ce seul Roi qu’ils ont connu, durant toute leur existence !
Leur chagrin sera certainement sincère, mais de toute façon,
sourire dans de telles circonstances serait considéré comme un
crime de lèse-majesté ! Ces mêmes gens qui rient aux éclats aux
obsèques d’un voisin ou d’un parent, dans ces cérémonies
mortuaires qui ressemblent davantage à des fêtes, sangloteront
et se montreront inconsolables !
Samedi 31décembre 2016.
Surin – Khorat.
Le ciel est tout gris, et le soleil
ne sortira pas de la journée. Quand nous allumons la télévision,
à sept heures, les images d’embouteillages et les reportages sur
des accidents mortels tournent en boucle. On nous montre des
voitures écrasées, des motos ratatinées, des êtres humains
réduits en charpie, du sang sur le trottoir, du « raisin sur le
macadam », comme disait San Antonio. La violence des images se
veut dissuasive, mais je ne suis pas sûr que cela fonctionne,
car les Asiatiques dans leur ensemble n’ont pas le même rapport
que nous avec la mort, et plus c’est dangereux plus c’est
excitant. Ils adorent côtoyer la mort et ils pensent que le
bouddha qui pend à leur cou les protégera quoi qu’ils fassent.
Avec 23.000 morts sur les routes tous les ans, pour une
population et une superficie semblables à la France ils sont au
premier rang mondial. Nous allons vers l’ouest, vers Bangkok,
en train. Nous nous arrêterons à Korat, et nous allons, comme
d'habitude, à l'hôtel
Fathay, en plein centre. Quand on est dans l'hôtel, on
se croirait un peu à "la Santé"... Nous nous installons donc
dans notre cellule.
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Les vieilles bâtisses
en bois se font rares |
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La cartomancienne
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Dans la ville, il y a affluence
autour du monument de la « Jeanne d’Arc locale » qui libéra la
ville de la menace laotienne à une époque si reculée (j’ai déjà
raconté dans mes carnets précédents) que bien que très fervents
admirateurs, aucun des fidèles se prosternant devant sa statue
ne connaît son histoire ! Amnoay
achète des fleurs et
des bâtonnets d’encens pour aller se prosterner, elle aussi,
mais ses prières, ses souhaits s’adresseront au Bouddha. Cela
fait partie des énigmes que nous ne comprenons pas toujours :
les bouddhistes peuvent très bien déposer des offrandes devant
la statue de Ganesh, l’éléphant sacré du panthéon indien, et
s’adresser au Bouddha dans leurs prières. Je pense que c’est
bien une preuve que le bouddhisme n’est pas une religion dans
laquelle on idolâtre un Dieu particulier représenté par un de
ses prophètes, mais plutôt une philosophie où le Suprême est
tout simplement « la bonne conduite ».
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Non loin de la statue, de nombreuses
personnes se sont regroupées devant un immense portrait du Roi
Rama IX (Buhmibol) qui est mort en octobre. Elles sont assises
sur des nattes, et tout le monde papote en attendant le moment
de prier en commun. Au-dessus de leurs têtes est disposé tout un
réseau de fils, et chaque personne a attaché un de ces fils à sa
tête, à son poignet, ou tout simplement à sa petite bouteille
d'eau. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être pour être relié
au Roi... Il y a des choses qui m'échappent : mais c'est sans
importance, c'est bon parfois de ne pas tout comprendre, ça fait
travailler l'imagination !
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Juste à côté du monument, on a
ouvert un marché. D’un côté de l’allée, on bave devant toutes
sortes de plats plus appétissants les uns que les autres, de
l’autre côté, on trouve toutes sortes de vêtements ou de
babioles, objets usuels de tous les marchés du monde. Nous
mangeons une soupe et un riz frit, c’est notre repas de
réveillon, à huit heures, puis le marché ferme. Je ne sais pas
si les Thaïs vont marquer la fin de l’année, mais rien ne permet
de le dire. Nous rejoignons notre hôtel sans nous préoccuper de
savoir s’il y aura un feu d’artifice. À minuit, quelques pétards
et quelques crépitements, peu nombreux, me réveillent et je peux
dire que d’après ce que j’entends, ce n’est guère mieux qu’un de
ces feux d’artifice de villages, chez nous dans la « France
profonde ».
Dimanche 1 janvier 2017.
Khorat – Bangkok.
Nous prenons le train jusqu’à
Bangkok, six heures dans un train qui s’arrête à toutes les
gares , c’est-à-dire tous les six kilomètres en moyenne, pendant
260 km. Il y a du monde, et un défilé incessant de vendeurs de
fruits, de boissons et de brochettes ou de toutes sortes de
nourritures. Je m’ennuie un peu, car j’ai mal dormi la nuit
dernière, et j’aimerais bien faire une petite sieste dans un
endroit frais. Dans la banlieue de Bangkok, le train s’arrête
sans arrêt, piétine, met un temps fou pour parcourir les
derniers kilomètres. Nous descendons donc à Bang Sue, pour
terminer en métro.
À Bangkok, la ville est relativement
calme en ce premier jour de l’an. Le soir, nous allons dîner
sous le préau du soi 1, et nous nous régalons avec des moules et
un poisson frit à l’ail.
Lundi 2 janvier 2017.
Bangkok.
Nous nous rendons à l’aéroport le
matin pour récupérer notre valise qui a été
endommagée lors du
trajet aller. Elle a été bien réparée, nous sommes contents.
Mardi 3 janvier 2017.
Bangkok.
Je prends le "métro
aérien" jusqu'à l’ambassade de France le
matin, car mon passeport est plein. Plus la place d’y mettre
plus d’un visa. Je prends un rendez-vous pour demain matin.
L’après-midi, nous allons à Tokyu, un énorme supermarché sur
cinq étages. Je remarque que les vendeurs sont de plus en plus
des Arabes ou des Pakistanais. Je ne m’en explique pas la
raison. J'aime bien flâner dans les grands magasins où je
n'achète jamais rien, mais il y règne une atmosphère de
cathédrale, un silence presque religieux, une température
clémente... ça change de l'enfer assourdissant de la rue !
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