Mandalay Ayeyarwady Myanmar

Retour au Sommaire du voyage

Retour à l'Index (page d'accueil)

Pour un meilleur confort de lecture: appuyez sur ( Ctrl - + ) pour agrandir le texte
et sur F11 pour voir les images Plein écran.

Cliquez sur les mots en couleur et sur les photos.

page précédente

Lundi 10 janvier 2011.

Pyin U Lwin - Mandalay.

Cinq heures, je suis réveillé par les éclats de voix d'une famille avec un enfant qui partent certainement en bus. Ici, on ne se soucie pas le moins du monde du sommeil des autres. Quand les gens se lèvent, quelle que soit l'heure, ils parlent à haute voix comme s'il était midi. J'allais me rendormir, et c'est le bruit de la pluie qui se fait entendre sur le toit. Il fait froid comme chez nous en avril, et les passants sont emmitouflés comme prêts à affronter les frimas du Grand Nord. Je vais encore me faire remarquer avec mon T-shirt manches courtes. Je dois dire en toute honnêteté que je supporterais quelques degrés de plus.

Je veux revenir à Mandalay en taxi, car le pick-up avec des sacs de riz sous les pieds, ça ne me tente guère. De plus, avec la pluie qui menace encore et le froid, le voyage serait trop inconfortable. À l'hôtel, la patronne me propose un taxi à sept mille kyats, mais en me rendant moi-même à la station, je trouve une place à côté du chauffeur pour cinq mille. La place du mort, c'est légèrement plus cher que les places des deux grands brûlés derrière. Le chauffeur klaxonne sans arrêt, car il n'a que deux passagères derrière, et normalement, il prend quatre personnes. Il se manifeste pour que les clients, sur le bord de la route, lui fassent signe. Il conduit davantage en regardant sur les bords que devant. Heureusement, la route est dédoublée, et à part quelques motos, personne ne vient en face. Soudain, une averse nous force à rouler au pas. On n'y voit plus rien : tout disparaît dans une brume bleutée. Les motocyclistes se sont arrêtés sous les arbres. Nous entamons une descente en lacets. Les camions vont au pas. Comme ils sont souvent un peu trop chargés, les chauffeurs descendent les côtes au frein moteur. Ils serrent à droite pour nous laisser doubler. J'ai remarqué une grande correction entre les usagers de la route. Heureusement, car le code de la route n'est pas très respecté. À cause du mauvais temps, je ne distingue pas les lointains, et je ne peux donc pas apprécier le panorama. C'est dans ce secteur que le train progresse un coup en avant un coup en arrière.

Après deux heures de trajet, nous arrivons à Mandalay. Le train, lui, met cinq à six heures. Il est midi, la circulation est démentielle, chacun roule où il trouve un peu de place, se faufile. Aux carrefours, on avance lentement, les usagers venant de notre droite nous contournent jusqu'à rouler sur la voie en face, mais on finit par traverser, et le même manège se répète à chaque intersection. Parfois, des voitures, des motos, des cyclistes et même des piétons essayent de passer tous en même temps, et c'est alors le chaos... mais ça passe, et sans que personne ne s'énerve. Par contre, le concert de Klaxon est assourdissant.

Quand le chauffeur me dépose devant le « ET Hotel », je me sens un peu fatigué. Je sais déjà que je ne vais rien faire cette après-midi, si ce n'est aller m'énerver sur Internet avec d'insurmontables problèmes de connexion ! Un soleil tout pâle sort à quatre heures, il ne fait pas trop chaud, c'est bien.

    

 

Mardi 11 janvier 2011.

Mandalay.

Aujourd'hui, je pars à l'aventure dans Mandalay. Je longe la vingt-troisième rue jusqu'au fleuve lrrawaddy ( j'ai du mal à l'appeler de son nouveau nom Ayeyarwady ). Dès que je m'enfonce dans le quartier en direction du fleuve, ça devient un capharnaüm extraordinaire. La bande goudronnée faisant office de chaussée devient plus étroite, bordée de tas d'immondices, puis on trouve des hommes sales, déchiquetant de la ferraille à coups de masse, soudant sans aucune protection, torse nu. De vieux cars rouillés, cabossés, plusieurs fois repeints, aux vitres cassées ou opaques garés sur un parking poussiéreux repartiront demain matin, avant le lever du jour, vers des villages là-bas, dans la montagne. J'arrive au bord d'une mare à l'eau glauque dans laquelle surnagent quelques poches et bouteilles en plastique. Une grenouille n'arrive même pas à survivre dans ce cloaque, seuls les moustiques peuvent s'y sentir bien ! Tout autour, des maisons bancales en bois noirci, couvertes de tôles rouillées arborent des frises colorées de linge séchant sur des balcons. Que ces chemisettes soient propres, dans un environnement aussi délabré, me surprend. Comment peut-on vivre ici ? Des jeunes filles me crient « hello ! » et s'enfuient en pouffant de rire, des enfants pieds nus jouent au football avec un vieux ballon crevé, des petites filles portent des seaux d'eau. Quand j'arrive au bord du fleuve, je distingue d'abord de petites cabanes de bois couvertes de paille, comme des troupeaux d'animaux trapus, sur l'immense plage de l'autre rive. Personne alentour ; seule une paire de bœufs attelés à une charrette me laisse supposer que ce campement est habité. Je m'approche de la murette du bord de route, et je découvre un véritable chantier : on charge du bois dans des camions, on creuse le sable, on empile des fûts métalliques... Au bord de l'eau, des bateaux sont amarrés, une étroite planche les reliant à la plage. Les uns servent à acheminer des passagers ou des marchandises, les autres de logement à des familles. Ce sont de vieux rafiots de bois à la peinture écaillée. Je pourrais croire qu'ils sont là depuis longtemps, et qu'ils ne bougeront jamais. Je marche sur le trottoir, le long de la murette, et exceptionnellement, il est en état. Le sable apporté par l'Irrawaddy lorsqu'il arrive au ras de la route à la saison des pluies, forme une plage en pente descendant vers l'eau boueuse, presque immobile, du fleuve. Sur cette pente, des familles ont installé un bat-flanc couvert d'un plastique : c'est leur logement. Les femmes cuisinent dans des marmites noires de suie, posées sur un petit brasero ou font la lessive dans l'eau douteuse du fleuve. Les hommes travaillent au déchargement des bateaux, ils se groupent pour porter d'énormes plaques métalliques, ils font des allers et retours en peinant sur le sable mou, un sac de riz ou une lourde caisse sur le dos. Sur l'eau, seule la petite barque du passeur traverse de temps en temps. Je continue vers l'embarcadère de Bagan où de gros bateaux blancs sont amarrés. Des femmes portent sur leur tête, de lourds paniers chargés de sable. Elles font d'incessants voyages entre la rive et le haut de « la plage » où elles déversent leur charge. Elles ne me voient pas. Je ne crois pas que « la misère est moins pénible au soleil »...

   

Demain matin, je partirai à Bagan avec le bateau de cinq heures. Personne ne sait lequel c'est. Pourtant, il est là, avec tous les ferries gros ou petits, prêts à partir au lever du jour. Je reviens à l'hôtel en cyclo-pousse. Nous passons par des rues si encombrées que je me demande comment il fait pour parvenir à circuler. Il est cinq heures, le soleil décline, c'est l'heure de pointe. Pour traverser les rues, il a une tactique toute simple : il ne regarde pas, il ne tient aucun cas des coups d'avertisseurs stridents, juste derrière nous, et il s'engage lentement sans s'arrêter. Quand j'arrive à l'hôtel, je suis soulagé, car je commençais à en avoir assez des cahots qui me meurtrissaient les fesses.

 

Mercredi 12 janvier 2011.

Mandalay - Nyaung U ( Bagan ).

Lever à trois heures et demie... La rue est noire et déserte, je pars en taxi avec Jérôme et Delphine, deux Français que je rencontre pour l'occasion. Nous allons au bord du fleuve, à l'embarcadère des bateaux pour Bagan. Nous montons dans le vieux rafiot que j'avais remarqué hier. Il s'agit du bateau sur lequel j'avais navigué en 1981, et il m'avait alors semblé déjà bien vieux. Les Birmans arrivent, avec leurs sacs, leurs paquets, leurs colis sur la tête. Soudain, la sirène annonce le départ imminent. Elle est si puissante que chacun sursaute. Nous sympathisons avec un couple de Canadiens : Ginette et Rolland. Le jour se lève sur un merveilleux décor : les temples de Sagaing se reflètent dans le fleuve, leurs dorures enveloppées des dernières brumes laiteuses. Une multitude de stûpas, de cônes dorés, de monastères aux toitures superposées en arbre de Noël... Je ne sais où porter mon regard, tout est beau, c'est magique ! C'est cela qui est surprenant dans ce pays : on passe de la pauvreté la plus noire aux dorures les plus étincelantes ! Nous sommes dans un vieux rafiot qui sent l'urine des toilettes, avec des Birmans assis sur un plancher crasseux, au milieu d'un fatras de bagages hétéroclites, de baluchons plus ou moins gros, et nous levons les yeux sur un décor de conte de fées. Le bateau passe sous l'immense pont moderne ( bâti en 2005 ) de Sagaing et sous le pont routier et ferroviaire d'Ava. Le décor devient ensuite plus ordinaire : nous longeons des rives de sable jaune, d'immenses plages désertes. Le bateau louvoie entre les bancs de sable et cherche les eaux profondes. Parfois l'un des employés sonde la profondeur avec une perche. Nous ne serions pas étonnés si nous nous ensablions. Nous avons choisi de voyager sur le bateau lent, moins confortable que le « speed boat », et nous sommes prêts à supporter tous les aléas d'un voyage qui devient un peu monotone, car nous ne croisons que peu de bateaux. Il n'y a pas beaucoup de pêcheurs sur l'eau jaune de l'Irrawaddy et, en cette période de basses eaux, nous ne dominons pas les champs bordant le fleuve. De temps en temps, au-dessus de nous, sur la berge, nous avons droit à la scène bucolique d'une paire de bœufs tirant un char débordant de paille, se découpant sur un ciel d'azur. Mais nous sommes surtout au spectacle lorsque le bateau s'arrête et accoste. On jette une planche entre la rive et le pont, des passagers descendent, d'autres montent, des montagnes de colis et de sacs passent d'un bord à l'autre. Des enfants, accroupis sur le rivage, nous observent, immobiles et leur visage s'éclaire dès que nous leur adressons un geste amical. Lorsque nous repartons, un bébé, sur le dos d'une gamine de huit ou neuf ans, nous fait des signes d'adieu de sa petite main. Et ces scènes se reproduisent à espaces réguliers lorsque nous accostons, précédés du cri assourdissant de la sirène. Les villages que nous longeons sont tous aussi rustiques les uns que les autres, les habitations étant couvertes de chaume. On ne voit guère de potagers autour des maisons, par contre, beaucoup de vergers.

     

        

La nuit tombe brusquement. Le pilote éclaire les rives à l'aide d'un gros projecteur. Je ne sais pas comment il parvient à se diriger, mais il vaut mieux ne pas commettre d'erreur, les bancs de sable affleurant la surface par endroits. Nous nous arrêtons à Pakokku. Nous craignons même, à un moment, de ne pas poursuivre notre voyage, mais la sirène retentit, et nous reprenons la navigation, dans une nuit étoilée, sur une eau reflétant la lune. À part quelques timides falots isolés sur les berges, tout semble désert, noir, sans vie.

À l'arrivée à Nyaung U, près de Bagan, une horde d'enfants et d'adolescents se bouscule pour envahir le pont, fouillant les poubelles laissées par les touristes, à la recherche de quelque objet récupérable. Un stylo abandonné ou quelque bonbon, des fruits ou de la nourriture, tout est bon à prendre. Nous accostons sur une rive sale, en gravissant une pente terreuse, et nous sommes submergés par des conducteurs de calèches, des motocyclistes, des cyclo-pousses qui veulent tous nous emmener vers l'hôtel où ils espèrent récupérer une petite commission. On nous fait passer par un bureau qui nous demande nos passeports et nous allège de dix dollars. C'est un droit de visite. Ce n'est pas cher : il y a quatre mille temples à Bagan. Nous allons à l'hôtel Golden Village. On nous propose de petits bungalows en ciment, propres et agréables, avec un petit balcon pour un prix très abordable. C'est ma plus belle chambre depuis que je suis au Myanmar ! Nous allons dîner au « Shwe Yar Su ». Bien qu'il soit vingt-deux heures, ils nous servent des plats de nouilles et de légumes, des frites à la cannelle, et des bières fraîches... Heureusement, car nous sommes au bord de l'hypoglycémie : nous n'avons rien mangé depuis la veille. Le bonheur est parfois fait de choses simples !

 

Page suivante

Retour au Sommaire du voyage

Retour à l'Index (page d'accueil)

Dernière modification:  20/11/2012