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Jeudi 16 février 2012. Bangkok - Trat. Je dois absolument quitter la Thaïlande pour renouveler mon visa. Je décide donc d'aller au Cambodge pour quelques heures ou pour quelques jours, je ne sais pas, je déciderai quand je serai sur place. Je dois d'abord me rendre à Trat. Je n'ai pas besoin d'attendre longtemps ; le car air conditionné ( ils le sont presque tous ) part dans vingt minutes. Le chauffeur ne nous assomme pas avec des âneries à la télé ou avec la musique, je n'ai personne à côté, donc j'ai la chance de voyager confortablement. Je peux lire et écouter ma musique. J'ai laissé mon grand sac à dos en consigne à l'hôtel à Bangkok, donc je ne voyage qu'avec un minuscule sac contenant le strict nécessaire. Durant le voyage qui dure cinq heures, on a droit à quelques averses, chose tout à fait anormale en cette saison. De la gare routière de Trat au centre-ville, il me faut prendre un songtaew avec d'autres « farangs ». Nous sommes cinq, et un vieux couple d'Anglais sapés comme pour un mariage princier emplissent presque la camionnette avec quatre volumineuses valises. Moi, avec mon petit sac à dos, ça me fait bien rire. Mais voilà, normalement, je devrais être le premier à descendre, mais à cause des bagages des Anglais, je ne le peux pas, alors je serai le dernier arrivé à domicile, et il me faut « faire le laitier » d'hôtel en hôtel avant d'arriver au Trat hôtel où je prends une chambre à deux cent vingt bahts. La nuit est tombée, il est temps d'aller manger au marché de nuit, mais voilà qu'une pluie incessante vient contrarier mes projets. Les chaises et les tables métalliques n'ont pas été installées en plein air, alors j'achète un quart de canard, et je vais me cacher dans ma chambre pour me goinfrer en Suisse.
Vendredi 17 février 2012. Trat - Sihanoukville. Ce matin, Amnoay a téléphoné pour me dire qu’elle devrait récupérer les médicaments dans la journée, le contrôleur avait oublié de les lui remettre à Surin… Je me rends à la gare routière. Les minibus pour la frontière cambodgienne partent régulièrement dès qu'ils sont complets. Le chauffeur n'attendait que moi pour démarrer. La route est large, parfois à trois voies, et même à quatre. Vu le nombre de voitures en accordéon exposées devant les garages le long de la route, je suppose que les accidents sont parfois graves. Ce qui ne me rassure pas, c'est que notre chauffeur conduit vite et ne respecte aucune signalisation. J'ai même cru, à un moment qu'on allait compléter la collection d'épaves du bord de route lorsqu'il se lance dans le dépassement d'un semi-remorque en suivant une camionnette qui lui cache toute visibilité. Lorsque celle-ci se rabat, on s'aperçoit qu'un camion arrive en face. Notre chauffeur a le réflexe de freiner et de se replacer derrière le semi-remorque, juste à temps. On a parfois des poussées d'adrénaline comme dans les manèges... Arrivé à la frontière, à Hat Lek, je prends le temps de manger une soupe et de visiter le marché. C'est un peu comme nos « ventas », les Thaïlandais viennent acheter des produits en provenance du Vietnam, et les Cambodgiens viennent se ravitailler en produits de première nécessité. Au contrôle de police, je me fais rançonner de cinq cents bahts pour avoir dépassé mon visa d’une journée seulement. J'avais lu sur le tampon d'entrée 18 au lieu de 16... D'habitude, pour un jour le policier se montre clément, mais j'ai devant moi une fonctionnaire qui veut faire du zèle. Alors, je fais comme les Thaïs : j'arbore mon plus beau sourire et je paye ! Je traverse un « no man's land » plein de poches en plastique et d'ordures en tout genre, et j'arrive dans la zone de ces petits mafieux qui sévissent aux postes frontière. Je dois faire mon visa cambodgien ( 1200 bahts ). Un gars me prend le passeport et disparaît. Il revient avec une feuille à remplir, et il veut trois cents bahts de commission pour le service. L'an dernier, à Poipet, j'avais donné quarante, cette année n'ayant pas de monnaie, je suis bien obligé de me montrer généreux : je donne cent. Je passe devant le responsable du service sanitaire, un fonctionnaire arborant des barrettes multicolores sur sa poitrine. Il me fait remplir une fiche où je dois certifier que je n'ai pas de maladie contagieuse, et il fixe devant mon front un de ces pistolets électroniques qui sert à prendre la température. Je lis sur le compteur : 35,5... J'avais de la marge ! Au contrôle de police, je dois poser les doigts de mes deux mains les uns après les autres sur un lecteur d'empreintes digitales, puis les deux pousses... C'est impressionnant, j'ai le sentiment qu'on va m'incarcérer. On me fait placer ensuite devant une caméra biométrique. Je m'attends à ce qu'on me fasse un test ADN, mais non, le policier me rend le passeport tamponné et me fait signe de passer mon chemin.
Pour fuir les rabatteurs qui veulent me faire payer trois cents bahts jusqu'à la gare routière, je vais boire un soda dans une de ces petites bicoques en planches qui longent la route. Je propose quatre-vingt-dix bahts au mototaxi qui me fait monter dans sa remorque, et nous voilà partis pour huit kilomètres sur une autoroute bétonnée. L'ennui, c'est que les dalles ne sont pas toutes à la même hauteur, et dans la brouette, je suis secoué comme un sac de noix. La gare routière ressemble à un grand terrain vague de terre rouge, décoré de déchets sur tout son pourtour. Deux cars stationnent, et l'un est celui qui va me mener à Sihanoukville. On me demande quinze dollars pour le billet ; je sais que c'est à peu près deux fois trop cher, mais ils ont fini par m'avoir à l'usure : je payerais même plus cher que ça pour me sortir de ce coin mafieux, et aller quelque part où je sais que les Cambodgiens sont honnêtes et accueillants. Il faut cinq heures pour atteindre Sihanoukville. J'ai parcouru le trajet en 2004, alors que ce n'était qu'une piste de terre rouge, véritable patinoire à la moindre pluie, aujourd'hui c'est une bonne route goudronnée. Il y a bien quelques ornières, mais il ne faut plus attendre le bac pour traverser les quatre rias. On y gagne en temps ! Parfois, on peut voir, jusqu'au milieu de la chaussée, des branchages et de grosses pierres. En effet quand un véhicule tombe en panne, on ne place pas de triangle, on l'entoure avec tout ce qu'on trouve à portée de main ; ensuite quand le véhicule repart, on ne se soucie guère d'enlever les branches et les pierres qui deviennent autant de pièges... Alors, il vaut mieux ne pas rouler de nuit ! En vérifiant sur mon GPS, je m'aperçois que nous avons dépassé le carrefour menant vers Sihanoukville. Je commence à m'inquiéter en pensant que le responsable du car a oublié de me faire descendre au croisement. Je me garde bien de dire quoi que ce soit, car cela compliquerait la situation, et puis aller à Phnom Penh, c'est aussi bien, et sans grande importance puisque ce matin je ne savais même pas si j'allais rester quelques jours au Cambodge ou revenir aussitôt en Thaïlande. Soudain le car s'arrête devant un de ces petits restaurants de bord de route. Nous avons fait quarante kilomètres depuis la bifurcation vers Sihanoukville. Le responsable saisit mon sac et me dit de sortir du bus. Il me montre un autre bus d’un rouge éclatant, venant de Phnom Penh, et me dit de monter dans celui-là. Me voilà donc reparti dans l'autre sens sur la route que je viens de faire. Je suis fatigué, j'ai faim je n'ai pas le moindre petit billet pour m'acheter une brochette, et on rallonge mon parcours de quatre-vingts kilomètres, soit une heure et demie de plus que prévu. La nuit se met à tomber brusquement, la pluie aussi. Le chauffer ne fait marcher ses essuie-glaces que quand il y a trop d'étoiles sur son pare-brise. Les Cambodgiens ont vraiment une drôle de façon de conduire. Les moustiques pensent qu'avec l'obscurité ils vont pouvoir sévir en toute impunité : ils se trompent, car les passagers sont partis à la chasse et les gifles résonnent dans tous les coins. Nous arrivons à Sihanoukville que les Cambodgiens appellent Kompong Som. La ville me semble triste et sans caractère. La large avenue éclairée d'enseignes multicolores, luisante sous une pluie battante me semble sinistre. Il est vingt heures et bien que les magasins soient ouverts, il n'y a pas grand monde dehors. Je dépose mon sac à Asean Guest house où pour huit dollars j'ai droit à une chambre toute neuve, mais sans fenêtre et où flotte une odeur de tabac froid ( à moins que ce soit l'odeur du badigeon ). Je vais changer des bahts au bureau de change du supermarché du coin et je me précipite vers un restaurant. Je ne trouve pas mieux que la pizzeria D.D Canada. Il n'y a aucun client sauf un Occidental habillé de blanc et ressemblant au fantôme de Pierre Bachelet, buvant sa bière à petites gorgées entre deux tics. Je dévore une grande pizza qui me semble délicieuse, et je bois ma bière fraîche alors que deux gros rats gris presque blancs, hauts sur pattes vont et viennent entre les tables. Ils allaient vers moi quand soudain me jugeant certainement peu enclin à partager mon repas, changent de direction et se réfugient sous le canapé. Le patron arrive : un petit homme d'une soixantaine d'années, chauve, canadien certainement, et il traite son personnel avec un tel mépris que je trouve les deux rats de tout à l'heure bien plus sympathiques.
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