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Sihanoukville. Samedi 18 février 2012. Kompong Som. Je reviens au "D.D Canada" pour déjeuner. Le "fantôme de Bachelet" est assis au même endroit avec une bière sous le nez. Le patron est vautré dans le canapé et il crie après un employé qui a l'air de s'en soucier comme si on lui chantait une chanson dont il connaît les paroles par coeur. Il a devant lui un cahier dans lequel il place quelques factures. Je lui demande, puisqu'il est francophone, s'il sait où je dois acheter le billet de bus pour Phnom Penh et où se trouve la gare routière. Il me répond qu'il ne sait pas, qu'il ne prend jamais le bus et qu'il n'est pas une agence de renseignements, que son travail consiste à vendre des pizzas et à louer des chambres. Il rajoute que d'ailleurs il n'a pas le temps. Vu le nombre de clients dans son établissement, je lui dis que je le comprends et que je lui conseille de prendre un comptable. Il me regarde avec des yeux tout ronds en se disant que les touristes sont vraiment des imbéciles. L'attitude de ce patron, je la trouve caractéristique de la plupart des expatriés que j'ai pu rencontrer un peu partout... Ils deviennent des colons, s'imposent parce qu'ils ont un peu de pouvoir et de l'argent, deviennent racistes, mais ils oublient que maintenant, dans leur « pays d'accueil », le « bougnoul » c'est eux ! Je vais en bord de mer et je m'installe pour quelques jours au GBT3 guest house. Une belle chambre au quatrième étage avec une immense terrasse avec panorama sur la plage devant la porte de ma chambre. C'est un peu plus cher que la chambre d'hier soir ( 15$ ), mais c'est plus agréable. Le ciel noircit, de gros nuages sont traversés d'éclairs à l'horizon, et soudain, des trombes d'eau s'abattent sur le secteur. Des cascades tombent des toits sans gouttières, des torrents dévalent la rue vers la mer. Le bruit des gouttes martelant les toits de tôle produit un vacarme sourd. La mer est devenue terne, glauque et les quelques barques amarrées le long de la plage se perdent dans une brume grisâtre. Quand l'averse cesse, le soleil réapparaît timidement, mais la plage reste déserte. Le soir, je vais manger un succulent filet de bœuf sauce poivre vert au « rêve bleu », un restaurant tenu par deux Marseillais avenants.
Dimanche 19 février 2012. Kompong Som. Une journée plage ? Pourquoi pas, mais je sais déjà que je ne vais pas rester longtemps au soleil ! Je m'attendais à ce qu'il y ait un monde fou sur la plage, hé bien non, la capitale est trop loin pour que les citadins puissent profiter de week-end au bord de la mer. Par contre, dans quelques années, quand il y aura l'autoroute... J'attends la fin de l'après-midi pour sortir et longer la plage... Pas pire ni mieux qu'ailleurs... Je me demande si je ne m'ennuie pas un peu !
Lundi 20 février 2012. Kompong Som. C'est mon dernier jour au bord de la mer, ma dernière occasion de me baigner. L'eau est si chaude que ça ne me rafraîchit même pas. De plus, elle est trouble et je heurte quelques gravats traînant sur le fond, je croise une poche en plastique, et je n'ai pas grand plaisir à faire trempette dans ce qui ressemble à de l'eau de vaisselle. Je vais vers le bout de la plage, là où il n'y a plus personne, et ce n'est pas mieux. Dans cette zone, derrière un petit bosquet de tamaris, une forêt de piliers en béton de trois à six mètres de haut m'intrigue. C'est sinistre, on dirait les ruines d'une prison, un cimetière, les colonnes de Buren. Après renseignements, j'apprends qu'un promoteur avait fait ici un superbe golf qui n'a jamais marché. Il avait envisagé de construire un immense hôtel, mais il a fait faillite... Cela arrive ici aussi ! Quand le soleil décline, je m'installe à une table placée sur la plage, et, enfoncé dans un fauteuil en rotin parmi les coussins moelleux, je savoure une bière fraîche. La mer s'assombrit, le ciel passe de l'orange au rose, puis au rouge. Les nuages deviennent des taches sombres ourlées d'or ou de pourpre. Les touristes prennent des photos, certains même au flash ! Une odeur de brûlé me rappelle que les petites vendeuses de calmars grillés ont allumé leurs petits barbecues. Je me demande comment les gens peuvent aimer ces petits calmars qui puent, ont la consistance du pneu de vélo et un horrible goût de brûlé. Tout à l'heure, chaque café rivalisera de décibels avec le voisin, et une insupportable cacophonie de rythmes « techno » viendra abrutir les clients. Une subtile odeur de « gancha » ( hashish, marijuana ) remplacera peu à peu la puanteur des barbecues et les feux d'artifice feront une pétarade presque ininterrompue. Il y aura aussi les jongleurs avec leurs massues enflammées et les cracheurs de feu. On trouve les mêmes exhibitions ridicules en Thaïlande. Ils répandent une affreuse odeur de pétrole. Alors, quand on savoure son poisson, c'est un peu gênant. Je préfère revenir au restaurant français « le rêve bleu ».
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