Dernière modification: 05/07/2012

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Bangkok

Lundi 13 février 2012.

Surin.

Je prends le train de nuit à 20 h 59, ce soir. Le fils d’Amnoay, Chulomphon vient nous chercher. Nous mangeons au restaurant situé devant la gare à un prix excessif pour la Thaïlande. Je raye donc l’établissement de ma liste de favoris ! Le train n’a pas de retard à Surin. J’ai pris une place en couchette air conditionné. La nuit n’est pas trop longue.

 

Mardi 14 février 2012.

Bangkok.

J’arrive à six heures, je prends le métro, je marche un peu dans Sukhumvit jusqu’au Crown où ma chambre est réservée. Je consacre ma journée à faire des achats. Il fait chaud, une chaleur lourde, souvent insupportable, et en marchant dans la rue, je sens parfois des bouffées d’air frais sortant des magasins climatisés lorsqu’on en ouvre la porte. Je vais d’ailleurs me réfugier dans quelque banque ou dans quelque grand magasin, de temps en temps pour me rafraîchir. C’est comme de boire frais : ça fait du bien sur le moment, mais la chaleur est encore plus difficile à supporter ensuite.

Les embouteillages sont tels que je me débrouille pour ne pas avoir à emprunter un transport circulant sur les avenues encombrées. Bangkok, c’est infernal, et pourtant j’aime m’y retrouver de temps en temps.

 

     

 

Mercredi 15 février 2012.

Bangkok.

En quittant Surin, j’ai mis, par inadvertance, les médicaments d’Amnoay dans mon sac. Je vais donc à la gare Hualamphon de Bangkok, et je les donne au contrôleur du train partant pour Surin. Il me promet de les donner à Amnoay.

Le reste de la journée, je ne fais pas grand-chose sauf lire un peu dans ma chambre climatisée et faire la sieste. Hiver rigoureux en France, saison torride ici.

Ce soir Amnoay me téléphone : le contrôleur du train n’a pas paru et ne lui a pas remis les médicaments. Je ne lui ai rien dit ce matin, mais il avait, dès dix heures, une haleine un peu alcoolisée... Le chef de gare lui a assuré qu’il allait essayer de récupérer les médicaments.

Ce soir, je passe par le « Soi Cow-boy ». C’est ainsi qu’on appelle une rue animée de la ville. Son nom viendrait du premier bar se trouvant là et portant le nom de « bar Cow-boy ». On l’appelle aussi « le petit Patpong ».

Le « Soi Cow-boy » déborde un peu sur les environs, et plus on s'en approche, dès la nuit tombée, plus les filles parlent fort sur les trottoirs des rues adjacentes et se tortillent sur des talons hauts qu'elles n'ont guère l'habitude de porter. Le soi 23 est devenu bruyant, ses petits restaurants ouverts sur la rue débordent de rires gras de consommateurs accompagnés de jeunes filles aux joues roses sous un fond de teint qui ne réussit qu'à les rendre vulgaires. Soudain, sur ma gauche, une ruelle éclairée d'enseignes multicolores, résonnant de dizaines de musiques se mixant jusqu'à produire une cacophonie bien assortie à l'ambiance du lieu où tout se mélange : les beaux visages presque enfantins et innocents de charmantes hôtesses et ceux empreints de vulgarité des plus anciennes résidentes qui aguichent le « farang » pour qu'il entre dans leur bar, l'odeur des brochettes et celle d'un parfum de femme, la façade éclatante de lumière d'un « gogo » et la noirceur des murs lépreux de l'étage supérieur... Les filles assises par grappes devant l'entrée de leur bar hurlent avec des voix éraillées. Elles sont tellement restées dans un environnement où la puissance sonore de la musique dépasse les cent vingt décibels qu'elles ne savent plus parler normalement. Une charmante hôtesse me prend par le bras : « Tilac ! happy hour ». Cela signifie, à moitié en thaï à moitié en anglais « chéri ! heure heureuse ». Il ne faut pas s'y tromper, l'heure heureuse, c'est seulement pour le bonheur du porte-monnaie. Chaque jour, en début de soirée, les consommations sont moins chères, alors le client boit davantage pour profiter de la réduction, et ensuite, il est plus heureux et moins regardant à la dépense. Ainsi, tout le monde est « happy ». Donc, la gentille hôtesse voyant mes hésitations à entrer dans son gogo et mon regard se tourner vers le Suzie Wong d'en face, tire un peu plus fort sur mon aileron et voyant que le résultat n'est pas satisfaisant, se colle à moi et me regarde avec des yeux de cocker. Je me laisse faire : son bar ou un autre... Elle écarte un lourd rideau rouge, et me voilà dans un antre à la fois étincelant et si obscur que je ne peux que deviner des visages au nez camus sur ma droite. Quatre poupées vêtues de minuscules maillots de bain se tortillent lentement avec des mouvements volontairement lascifs sur une petite piste inondée de lumière, à hauteur du bar et juste devant celui-ci. Mon entrée n'est pas passée inaperçue : les danseuses me lancent des regards amicaux, me sourient, et une aimable hôtesse me conduit vers le bar comme si je n'étais pas capable de choisir tout seul entre le bar et une table « à l'ombre ». La charmante jeune fille aux yeux de cocker à disparu. Il y a bien quelques consommateurs, une demi-douzaine peut-être, et tous sont « accompagnés » de poules qui ne caquettent pas, mais qui jacassent. Dans cette volière, une vieille grue s'esclaffe avec des rires forcés : c'est la « mamasan ». Elle est là pour aider les filles à se placer auprès des clients. En effet, celles-ci dansent à tour de rôle, et celles qui ne dansent pas sont là pour se faire inviter, car elles ont une commission sur les consommations. Il y a une trentaine d'années, on faisait tellement la fête dans ces bars qu'on en sortait désossé à deux heures du matin. Aujourd'hui, la clientèle est plus âgée, et l'argent compte avant tout. Je m'installe au bar, les yeux à hauteur des chaussures à talons hauts des danseuses, et je sirote ma bière avec l'intention de la faire durer, quand deux mains aux longs doigts fins viennent se poser sur mon ventre. Deux bras m'enlacent doucement, et je ne peux pas voir le visage de la personne collée dans mon dos qui a jeté son dévolu sur moi. Je joue les indifférents et redouble d'intérêt pour l'une des danseuses qui me sourit timidement. La fille aux longs doigts desserre son étreinte, s'assied sur le tabouret voisin et me considère d'un air navré. « Butterfly » me lance-t-elle. C'est le terme employé pour désigner une personne infidèle qui « papillonne » d'un coeur à l'autre. La fille est grande, très belle, mais maquillée à outrance. Son nez, presque européen me laisse supposer que la chirurgie esthétique est passée par là. Son peignoir largement décolleté déborde de seins opulents. Soudain, je suis pris d'un doute. Je fais voir que je n'ai pas compris ce qu'elle vient de me dire, et elle répète en se dandinant : « You are butterfly ! » Alors là, je n'ai plus de doute : la tessiture de voix plus proche du baryton que du ténor, la féminité exagérée... J'ai là un superbe spécimen de Katoey ( transsexuel ). Constatant son échec, il me demande le plus gentiment du monde : « You want a lady ? » Sur ces « entre-fêtes », la petite danseuse timide a endossé un peignoir sur lequel figure son badge au numéro 10, et elle vient s'installer à mes côtés. Je lui fais remarquer que « number ten » en Thaïlande veut dire « mauvais » contrairement à « number one ». Elle me dit tristement qu'elle est « bad luck ». Ah, me voilà en présence d'une minette qui sait bien jouer la tristesse, j'en suis convaincu. Je me garde bien de parler thaï, car si elle constatait que je connais bien la Thaïlande, je l'intéresserais beaucoup moins. Elle parle bien anglais, ce qui me laisse supposer qu'elle travaille ici depuis longtemps. En effet, une fille qui a étudié et qui parle anglais passe rarement par le milieu de la prostitution des gogos. Elle a perdu son air timide et veut savoir à quel hôtel je réside ( elle peut ainsi avoir une idée du pouvoir d'achat du farang ). Elle prétend venir de Chiang Mai, et on se met à causer le plus gentiment du monde de son pays. Le volume de la musique est assourdissant. Non seulement je saisis mal ce qu’on me raconte, mais je n'entends même pas ce que je dis. En étant naïf, on pourrait croire qu'elle n'est ici que depuis hier et qu'elle n'a rien à voir avec le katoey et les copines qui chahutent bruyamment avec les clients étrangers. Je remarque trois cicatrices comme des coupures bien parallèles à son poignet gauche. « Accident ? » Elle semble un peu gênée et me répond « brocking heart » Coeur brisé ? Qui va la croire ? Ces filles se mutilent lorsqu'elles sont sous l'emprise de la drogue ou quand elles sont en manque. Je lui demande son nom : « Sao ». Quand elles ont des cicatrices aux poignets, elles s'appellent toujours « Sao », cela signifie « triste ». Et le pauvre farang qui la croit lui envoie de l'argent depuis chez lui en lui demandant de cesser de travailler dans un gogo, et elle lui écrit ( ou fait écrire ) des lettres d'amour. Il existe même un livre avec de nombreux modèles de lettres d'amour qu'elles n'ont qu'à faire recopier, et le farang fou amoureux croit qu'elle a monté un petit atelier de couture dans la banlieue de Bangkok, car il a vu les photos qu'elle lui a envoyées ; et elle, elle est toujours sur sa piste de danse en attendant les versements d'un autre naïf. Certaines filles réussissent ainsi à gagner davantage qu'un professeur ! J'ai terminé ma bière, je mets l'argent dans le petit gobelet où se trouve la note, et je quitte Sao sans lui avoir laissé le temps de me demander de lui payer un pot. Je lui affirme que je vais revenir en fin de soirée, et elle me fait promettre comme si elle n'avait plus que moi dans la vie.

La musique m'a à moitié assommé. Dès ma sortie dans le soi Cow-boy, je suis enveloppé d'une atmosphère chaude et humide, et de belles demoiselles m'interpellent : elles veulent ma présence à leurs côtés. Une jolie hôtesse portant un peignoir rouge au nom de Suzie Wong me prend par le bras, me regarde avec des yeux de cockers et tente de m'entraîner dans son gogo. Tiens, j'ai « déjà vu le film »... Je lui parle en thaï, elle me répond en anglais, et lâche mon bras. Je ne suis pas un client intéressant !

Je rentre à l'hôtel avec l'impression d'être le plus beau : mes succès féminins le prouvent. Ou alors tout est faux : les yeux de cocker, la poitrine généreuse de la « fille » aux longs doigts, la tristesse de Sao, et même jusqu'à son nom. Mais je rentre seul, presque heureux d'être encore séduisant, et me forçant à croire à toutes ces illusions... Mais ce qui est sûr, c'est que je n'enverrai pas d'argent à Sao, même si elle est triste !

 

 

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