Dernière modification: 05/07/2012

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de Surin à Ayutthaya.

Du lundi 23 au jeudi 26 janvier 2012.

Surin.

Je viens de passer une semaine à ne rien faire. Aller au marché ou en ville n'a plus rien d'exotique et je m'ennuie. Il fait chaud l'après-midi et cela ne me rend pas très dynamique. Aujourd'hui jeudi, je suis allé faire un petit tour dans le quartier. Au fond du chemin bordé de maisons singulièrement disparates, je distingue le grand portique surmontant le portail d'un temple. La cour est encombrée de parpaings, de sacs de ciment, de matériel divers, car des ouvriers travaillent à la construction d'un nouveau bâtiment. En Thaïlande, les temples sont en constante évolution, contrairement à nos églises qui, une fois bâties sont seulement entretenues. Ici, les bonzes récoltent des sommes conséquentes, parfois faramineuses. Le record est détenu par le Wat Sothon de Chachoengsao avec plus de quatorze millions de bahts par an ( 350000 euros ). En trente ans, j'ai ainsi vu évoluer le Wat Phra Kaew de Bangkok, j'ai vu dorer ses statues de fonte ou de bronze, j'ai vu se couvrir de mosaïques de verre les murs du wat.

Malgré les travaux, le petit temple perdu entre rizières et village reste ouvert. J'entre et je découvre une vaste salle encombrée d'une montagne de sacs de vingt kilos de riz, derrière laquelle la présence d'une statue dorée surprend presque. Au début, ce sont les sacs qui m'ont paru n'avoir rien à faire en ce lieu, et maintenant, voilà que c'est la présence du Bouddha lui-même qui semble incongrue. C'est la statue d'un de ces vieux bonzes adulés, ayant vécu dans le temple, et considérés comme vénérables, ayant atteint l'illumination. Les bouddhistes les appellent Bouddha, car le terme devenu nom propre veut dire « illuminé », c'est à dire qui a atteint le détachement de ces choses matérielles qui nous font tant envie à nous pauvres gens ordinaires. En contournant la pile de sacs, je découvre un vieux bonze assis dans la position du lotus. Il ne me voit même pas, il psalmodie des litanies à mi-voix, les yeux baissés. Devant lui, tels des momies enveloppées dans un linceul blanc, quatre corps immobiles. Je pense qu'ils sont allongés sur le dos, car leurs pieds forment une bosse à l'une des extrémités. J'en déduis que la tête est tournée vers l'officiant. La raideur cadavérique des corps, leur immobilité complète ne laissant même pas deviner une respiration m'intriguent. Comment quatre personnes, vu leur taille, des adultes, ont-elles pu trouver la mort en même temps ? Le bonze les asperge de temps en temps avec une balayette qu'il trempe dans un pot rempli d'eau. Une femme de ménage va et vient en poussant doucement sa serpillière sur le carrelage, et elle semble intriguée par ma présence. Que peut bien venir faire cet Occidental dans ce temple isolé, hors des circuits touristiques ? Je me sens mal à l'aise et comme fasciné par le spectacle de ce prêtre aspergeant quatre linceuls derrière des sacs de riz dans un vieux temple. Tout à coup, l'un des « cadavres » remue imperceptiblement les pieds. Je crois même avoir sursauté. Le bonze n'a rien remarqué, il continue à psalmodier d'une voix monocorde. Peut-être suis-je en train d'assister à une résurrection, un miracle... Je préfère m'enfuir, car vu toutes les tracasseries dont a été victime Bernadette Soubirou, il vaut mieux ne rien dire ! Je rejoins Amnoay qui attendait dans la cour. Elle m'explique que les quatre personnes que j'ai vues sous le drap blanc sont des gens malades qui viennent voir le bonze pour qu'il les aide à surmonter leur maladie. Finalement, je suis déçu, j'aurais préféré que ces gens soient en train de ressusciter, et du coup, ce que je raconte ici me semble bien banal !

 

     

 

Vendredi 27 janvier 2012.

Surin – Ayutthaya

Nous prenons le train à la petite gare de Lamchi, à la sortie de Surin. Jusqu'à Saraburi le paysage est desséché, puis nous arrivons dans la plaine fertile, celle qui a subi les inondations. L'eau est montée jusqu'à cinq mètres par endroits, et ce qui était, il y a encore deux mois, le fond d'un lac est en train de reverdir, les jeunes pousses de riz commençant à sortir. J'admire le courage de ces gens. Avant même que l'eau ne se soit complètement retirée, ils sont revenus planter leur riz avec la constance des fourmis. Si vous donnez un coup de pied dans une fourmilière, le lendemain, elle est reconstituée... Ici, c'est la même chose... « Pas travailler, pas manger » dit Amnoay. Leur récolte est vitale au sens propre du terme.

Ayutthaya grouille de gens venus assister à la fête du dragon donnée pour le Nouvel An chinois. Des lampions rouges décorent les rues, l'hôtel Jit Wilai est complet, et nous allons au Ayutthaya Thani. Nous ne sommes jamais allés dans un hôtel aussi luxueux : un immense hall au carrelage luisant comme un miroir, de la moquette dans les couloirs, une chambre spacieuse avec réfrigérateur, télévision avec chaîne française, eau chaude... Au même étage, je visite une suite : c'est un véritable appartement avec de beaux cadres aux murs et des boiseries lustrées. ( Notre chambre ne coûte que 350 bahts ).

 

     

 

Malgré la chaleur, nous partons à pied vers le Wat Mahatat. Amnoay a un peu de mal à marcher : elle se plaint que « sa jambe ne la suit pas ». Je crois qu'elle supporte la chaleur encore moins bien que moi ! Nous passons devant le Wat Ratburana dont la monumentale porte laisse imaginer la splendeur passée de ce temple détruit par les Birmans en 1765. Le Wat Phra Mahatat est lui aussi bien en ruine, et il faut un peu d'imagination pour reconstituer, dans son esprit, le temple tel qu'il devait être. La chose la plus curieuse, ici, c'est une tête de Bouddha prise dans le tronc d'un arbre presque aussi ancien que les pans de mur qu'il enserre dans ses racines. Cette tête, on la retrouve sur toutes les cartes postales, même sur les plus récentes, à demi submergée durant les inondations.

En revenant vers le centre-ville, nous traversons la grande foire installée dans l'avenue Naresuan devenue piétonne. Dans une odeur de grillades et de crêpes à la banane, on y vend des vêtements et toute sorte de gadgets. De gigantesques dragons chinois en papier de couleur rouge côtoient des éléphants blancs eux aussi fabriqués en papier sur des armatures de bambou. Les musiques les plus diverses vocifèrent et se mélangent pour donner une surprenante cacophonie. Au milieu de ce vacarme, c'est à peine si l'on distingue les annonces publicitaires hurlées dans des haut-parleurs nasillards. Les gens aiment ça, ici, plus il y a de bruit, plus on s'amuse ! Les Thaïlandais aiment le vacarme. Dans le bus, dans les petits restaurants, dans la rue, et surtout lors des funérailles, pour accompagner le cercueil, il faut du bruit, toujours du bruit. Cela doit les rassurer, car chacun sait que les esprits n'aiment pas le bruit. Je ne vais pas critiquer, j'aurais l'air d'avoir mauvais esprit !

 

Samedi 28 janvier 2012.

Ayutthaya.

Nous sommes si bien au Thani Hôtel que nous décidons de rester un jour de plus. Nous revenons à la foire vociférante de la rue Naresuan, et nous allons manger au marché couvert Chao Phrom. Pendant que je me régale avec un canard rôti bien assorti de légumes frits, un gentil rat pas sauvage du tout vient traverser presque entre mes pieds. Il est tout propre, il s'est bien baigné pendant deux mois quand le marché avait les pieds dans l'eau.

Le soir, nous évitons la rue bruyante où la nourriture nous fait pourtant envie : gambas frites, brochettes, crêpes et beignets... pour nous réfugier au Talat Houaro ( marché de nuit ) rue U-Thong, où nous commandons un savoureux poisson frit au pyromane qui met le feu à sa poêle toutes les cinq minutes.

 

     

 

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