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Mardi 14 février 2017.
Chong Mek – Paxé. (48 km)
Je passe la frontière à sept heures,
avant l’arrivée des cars et des minibus, ce qui fait que je suis
seul. Au Laos, je trouve une route à quatre voies au revêtement
parfait : il fait frais, je suis heureux. Normalement on roule à
droite, sauf les motos qui arrivent face à moi, et ceux qui
doublent en troisième position. C’est l’anarchie totale, mais ça
va moins vite qu’en Thaïlande, alors je ne suis pas inquiet. Je
passe le pont sur
le Mékong en
roulant sur les dalles de béton du passage pour piétons, et
j’arrive dans Paxé, cette ville aux larges rues où la
circulation est fluide et un peu anarchique. Je vais à « Nang
Noy Guest House », comme d’habitude, mais le prix est passé
de 70.000 à 80.000 kips. Le Laos devient de plus en plus cher !
Je vais manger au restaurant du coin, et en revenant, j’ai crevé
la roue arrière. Cela m’occupe de démonter, réparer, mais je ne
sais pas si la réparation va tenir, car il s’agit d’une rustine
décollée.
Un jour, les bords
du fleuve seront propres et aménagés comme à Vientiane...
Le soir, je vais boire mon verre de
rouge et manger ma portion de frites au Pizzaboy, puis je
vais dîner au « Daolin », toujours aussi correct. Je
rencontre un jeune couple de Bordeaux, et on raconte des
histoires jusqu’à dix heures. Ça me fait plaisir de parler
français : il y a deux mois que ça ne m’est pas arrivé !
Mercredi 15 février 2017.
Paxé – Champassac. (38 km)
Beau soleil, déjeuner copieux, bonne
température, je suis heureux sur la route menant vers Champassac.
C’est un gros village qui avait une grande importance du temps
de la colonisation, quand les bateaux circulaient sur le
Mékong entre
l’Indochine et Luang Prabang. Il ne reste de cette faste période
que de rares maisons coloniales, et une rue de villages où les
habitations traditionnelles en bois ont miraculeusement
disparues. Je remarque un petit magasin vendant des pièces de
tissu ou des sarongs lao au nom un peu « cucul » : « chez
maman ». Comme un Européen d’une quarantaine d’années se trouve
devant la boutique, je m’arrête : « Vous êtes Français ? » C’est
tout juste s’il me répond. « Et alors ? » Je parle un peu avec
lui, je vois qu’il faut lui « tirer les vers du nez » et que je
ne l’intéresse pas. Il est peut-être venu ici pour se couper du
monde dans lequel il ne se sentait pas à l’aise, alors
laissons-le à sa petite vie tranquille. S’il voulait carrément
éviter d’avoir à causer avec ses « compatriotes », il devrait
donner un autre nom à son magasin !
Je vais à la Guest House « Saythong »,
mais le prix est passé de 50 à 80.000 kips. Là, ils exagèrent !
Les prix du restaurant sont trop chers alors le soir, je vais
manger chez la voisine, un plat de nouilles lao très
traditionnel, sur une petite terrasse surplombant le Mékong,
avec un couple de Français que je viens de rencontrer ! Quand je
reviens à l’hôtel, à huit heures, je reste en terrasse avec un
autre couple de Français qui connaissent bien les Pyrénées
Atlantiques. Qui dit que je voyage seul ? Les voyages sont
pleins de rencontres agréables quand on en a envie !
Jeudi 16 février 2017.
Champassac - Paxé. (35 km)
Je pars à sept heures et demie. Un
climat printanier, un petit air frais, une route tranquille… Ce
serait bien si c’était comme ça tous les jours ! Les écoliers se
rendent au collège à bicyclette, tous vêtus de chemises
blanches. Les filles portent un sarong bleu, elles vont en
groupe et elles gloussent en me voyant et me lancent un timide
« hello ! » Les garçons, eux, jacassent, mais bien que plus
bruyants se montrent aussi timides. Ils craignent que je leur
adresse la parole en anglais, car ils se sentiraient tout
honteux de ne rien comprendre. La route a été refaite récemment,
et pourtant je roule sur une bande dessinée. À chaque
accident, la moto et
le motocycliste sont décalqués sur le macadam à la peinture
blanche… et je ne compte plus les silhouettes ainsi dessinées !
Dans un petit hameau, la route est rouge de sang sur toute sa
largeur. Je suis horrifié ! Comme quelques dizaines me mètres
plus loin un troupeau de petites vaches erre sur le bas côté, je
suppose que c’est l’une d’entre elles qui a été victime d’un
camion et qui s’est fait écrabouiller !
En arrivant à Paxé, je vais au « Nang
Noy guest house », je déjeune avec des œufs frits et du
pain frais tout chaud, et je pourrais continuer jusqu’à la
frontière thaïlandaise s’il le fallait. L’après-midi, je reste
dans ma chambre, je vais faire un petit tour à pied en ville et
je regarde, par ma fenêtre, des hommes jouer à la pétanque. Ils
sont vraiment adroits même quand ils pointent ou tirent avec le
téléphone collé contre l’oreille. Il y a un boulodrome dans la
cour d’un bâtiment administratif officiel, et les employés
viennent jouer en tenue, certains avec des épaulettes sur leur
chemise. Je me demande s’ils n’occupent pas des emplois
fictifs !
Vendredi 17 février 2017.
Paxé – Chong Mek. (48 km)
Une grande théière, deux œufs frits
et du pain tout chaud, avec une grande « banane du jardin » en
plus, je suis prêt à affronter les cinquante kilomètres qui me
séparent de la Thaïlande ! Je pars à huit heures alors qu’il
fait encore un peu frais, et je roule machinalement, sans même
jeter un coup d’œil au triste paysage desséché. Hier il y avait
du sang plein la route après ce que je suppose être une
collision entre une vache et un camion, aujourd’hui, je vois une
de ces sympathiques petites vaches brunes agoniser sur le
bas-côté, assistée de deux paysans qui semblent un peu
désemparés. Tout le long de la route, je trouve des chèvres, des
veaux qui traversent à n’importe quel moment, des vaches… Tout
ce bétail gène la circulation, et vague à en quête de quelques
touffes d’herbe. Les routiers font retentir leur trompe et
foncent sans trop se préoccuper de ces intrus. Ils ne se rendent
pas compte que pour les paysans qui sont souvent dans la
pauvreté, une tête de bétail perdue les précipite dans la
misère ! D’un autre côté, il va falloir que les villageois
habitant au bord de la route comprennent que le monde a changé !
Il a changé trop vite parfois, ils étaient riverains d’une
petite route toute bosselée où les véhicules roulaient
lentement, ils se trouvent au bord d’une quatre voies où la
circulation des camions thaïlandais est devenue extrêmement
dangereuse. De plus, ces camionneurs qui déjà chez eux sont les
« rois du macadam » se croient tout permis dans un pays où ils
méprisent les autochtones.
Quand j’arrive à la
frontière,
dégoulinant de sueur et rouge comme un petit piment, les
policiers, tant du côté laotien que du côté thaï, me permettent
de passer vite, avec une courtoisie que j’apprécie. Je retrouve
mon petit hôtel, et même ma chambre. Je vais manger un riz frit
dans un restaurant si sale que je n’ose pas trop regarder autour
de moi. Ça ne fait rien, j’ai faim ! Je ne reste pas confiné
dans ma chambre, contrairement à mes habitudes : je vais flâner
sur le marché. Comme à tous les postes frontière, tout s’achète
et tout se vend. Je trouve toutes sortes de
poissons pêchés
dans le grand lac voisin, de beaux légumes colorés, des fruits
appétissants, et de surprenantes petites
grenouilles,
certaines minuscules, qui sont vendues vivantes. Les plus
grosses ressemblent étrangement à des crapauds, avec des
pustules sur le dos ! Ce n’est vraiment pas appétissant. Ici, on
mange tout sauf la tête des grenouilles… Quand c’est bien frit
et bien croustillant, ça passe ! Mais le plus surprenant, ce
sont des boules de terre brune, semblables à des œufs renfermant
un gros scarabée
noir qui, quand on le prend dans sa main, a une force
surprenante dans les pattes. Un client vient en acheter une
dizaine pour cinquante bahts (1,35 €). Bien entendu, c’est pour
manger, mais je ne sais pas si on prend ce genre de plat pour
soigner une maladie ou parce que c’est savoureux ?
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