Voyage en Asie 2016.
VOYAGE ROCAMBOLESQUE...
Jeudi 15 décembre 2016.
Lube - Abou - Dhabi.
Six heures et un petit vent léger
mais vif; Amédée B vient nous chercher et il nous mène à la gare
de Pau. Nous allons à Toulouse, mais il n'y a pas de train à
cause de travaux sur les voies, alors nous sommes contraints de
prendre un car jusqu'à Montréjeau. Il fait encore nuit, chacun
dort ramassé dans son coin, sauf deux femmes qui conversent à
mi-voix, sur un ton monocorde qui ne fait qu'ajouter à la
tristesse du moment. On irait à un enterrement que ça ne serait
pas pire! Autoroute, bourdonnement régulier du moteur, je
m'endors. Quand je sors pour récupérer les bagages dans la soute
et pour monter dans le train, à Montréjeau, je suis dynamisé par
un air glacial. Il est vrai que je ne suis pas équipé pour
supporter les frimas de l'hiver puisque je pars en Thaïlande.
Amnoay supporte mieux que moi: elle repart vers chez elle, elle
a chaud au cœur! Dans le train jusqu'à Toulouse, nous avons
droit aux vociférations d'un marginal hystérique qui aboie
hargneusement après des jeunes chargés de faire respecter
l'ordre dans le train. Ils lui ont reproché de ne pas avoir
muselé son chien, alors il vocifère et ses propos violents et
incohérents dérangent tout le monde. Faut s'y faire! Les jeunes
ont une formation d'éducateurs, ils ont pour mission de rendre
le voyage plus agréable, de sensibiliser chacun dans un esprit
de "bien vivre ensemble"... Ils sont employés par la SNCF, ils
ont des principes et des convictions, mais je ne sais pas si
l'individualisme qui a réussi à gangréner notre société ne va
pas finir par les mettre en situation d'échec!
Nous arrivons à Toulouse, nous
traînons nos cinquante kilos de bagages jusqu'à la gare
routière, prenons la navette jusqu'à l'aéroport (Le métro et le
tram, c'est beaucoup moins cher, mais nous n'avons pas le
temps!).
Il nous faut trouver le guichet
d'enregistrement des bagages, faire la queue pendant plus d'une
demi-heure à la sécurité, faire la queue au contrôle
passeports... Nous allons d'abord à Rome, mais il faut montrer
ses papiers comme si nous sortions de l'Europe. Je crois que
notre « Communauté Européenne » a tourné en eau de boudin : dès
que nous sortons de l'hexagone, nous sommes à l'étranger !
Pendant que nous attendons pour montrer patte blanche à la
police, un employé vient nous chercher, car notre avion n'attend
plus que nous pour décoller ! En effet, à la porte
d'embarquement, une employée nous déclare avec un grand sourire
que nous avons failli ne pas partir, car nous sommes les
derniers, nous sommes en retard, et elle était en train de
fermer la porte ! Nous devons décoller à 12 h 25, dans dix
minutes, et bien qu'ils sachent que nous avons enregistré nos
bagages et que nous sommes englués dans les soucis de sécurité,
ils sont prêts à nous plaquer pour respecter un horaire qui peut
être souple quand ils veulent... La preuve, c'est que nous
arrivons avec dix minutes d'avance à Rome à deux heures et
quart.
Huit
heures d'attente à Rome ! |
Rome. L'aéroport est grand et
confortable. Heureusement, car nous devons y passer huit heures
en attendant de décoller pour Abou Dhabi. Je trouve un endroit
où l'on peut s'allonger sur des transats presque aussi
confortables que des divans. Nous ne mangeons pas de pizzas, car
Amnoay a prévu, comme repas froid, des saucisses avec du riz, et
quelques mandarines. Amnoay, son souci d'économies casse parfois
le côté exotique du voyage ! On nous avait annoncé que nous
partions de la porte 45, mais nous sommes tellement cernés par
des groupes de Coréens glapissant et glougloutant que nous avons
quelques doutes. En effet, lorsque je me renseigne, une
charmante employée me demande de me rendre à la porte 37, porte
d'embarquement pour Abou Dhabi. Pour la deuxième fois, nous
avons failli rater l'avion ! Les six heures de vol ne nous
semblent pas trop pénibles jusqu'au moment où les oreilles
commencent à bourdonner, se boucher, car nous descendons sur
l'aéroport d'Abou Dhabi.
Vendredi 16 décembre 2016.
Abou Dhabi - Bangkok.
Il est sept heures (4 h du matin en
France) et le soleil levant donne une teinte uniformément rose
au paysage désertique qui s'étend sous nos ailes. Pas un arbre,
pas un buisson, pas un brin d'herbe. Seules des autoroutes
désertes sillonnent le paysage en tous sens. Elles sont bordées
de réverbères encore allumés leur donnant l'allure de colliers
de perles lumineuses posés sur une peau de daim. Quelques petits
groupes de maisons basses de formes cubiques ont le privilège de
s'entourer de quelques touffes de palmiers. Pas de piscines,
puisqu'il n'y a pas d'eau. On se baigne dans le sable d'une
plage infinie dans ces contrées austères. Les bâtiments de
l'aéroport sont gris, blocs de béton aux formes agressives ou
tassés sur eux-mêmes comme des bêtes sur le point de bondir. Je
me trouve dans un monde où je suis content de ne faire que
passer. On sort de l'avion avec la sensation d'entrer dans une
salle de douches où cinquante personnes viendraient de prendre
un bain. La moiteur de l'air est étouffante. Une odeur de fuel
flotte dans l'air, le ciel est jaune, la terre aussi, l'horizon
presque rectiligne se perd dans la brume. Nous descendons la
passerelle jusqu'à la piste. Ce pays roule sur l'or (noir), et
ils n'ont pas les moyens de nous proposer un accueil confortable
dans leur aéroport. Le car nous menant au terminal roule au
milieu des containers, des montagnes de caisses. Il y a des
travaux partout, avec des tas de sable ou de terre... On entre
dans l'aéroport par des couloirs gris, on grimpe par des
escaliers mécaniques et je m'attends à déboucher brusquement
dans une salle immense aux insolentes dorures avec des miroirs
étincelants, mais non, nous ne sommes pas à Dubai, nous sommes à
About Dhabi. On nous fait passer au contrôle de sécurité, et ça
prend une bonne demi-heure. Je n'en vois pas l'utilité, à moins
que nous n'ayons employé notre temps, durant le vol, à fabriquer
des fusils d'assaut, des bombes et des révolvers! Le hall de
l'aéroport, c'est une couronne de salles d'attente encerclant un
énorme compotier multicolore semblable à une fleur de lotus ou à
un cornet de glace! C'est ici que nous devrons attendre pendant
trois heures, jusqu'à dix heures. C'est pas beau, c'est pas très
confortable, mais on s'en contentera. Les passagers en transit
viennent presque tous d'Europe, ils sont vautrés sur leur siège
en essayant de dormir un peu. Soudain, la compagnie Ethiad nous
annonce que notre départ est différé de 4 heures. Nous devrions
donc décoller à 14 h 00. Les voyageurs pour Bangkok semblent
prendre la nouvelle avec philosophie. Je commence à me méfier,
je connais ce genre de refrain : ce n'est pas bon signe ! Je
vais voir un responsable de la compagnie ; je trouve une jeune
fille accorte qui confirme le retard, me disant que j'arriverai
à Bangkok à 23 H 00. Je ne suis pas content, alors elle me dit
d'aller déjeuner gratuitement en présentant ma carte
d'embarquement. Nous avons droit à un café et un croissant.
Soudain, que vois-je, enfer et damnation... Notre départ est
encore retardé de trois heures, jusqu'à 19 h 00. Je reviens voir
la charmante jeune fille je lui explique que nous avons déjà
attendu huit heures à Rome, que nous commençons à avoir le dos
en compote... Alors, elle prend ma carte d'embarquement, m'en
délivre une nouvelle, et me dit d'aller à la salle d'attente des
voyageurs de première classe. Alors là, nous sommes vraiment
bien ! Nous avons droit à un repas gratuit en se servant à un
buffet où l'on ne nous propose que des bons plats, puis nous
attendons, assis dans des fauteuils moelleux, dans une ambiance
feutrée. Mais soudain que vois-je ? Le panneau d'affichage
annonce un nouveau retard de deux heures et demie. Nous ne
devrions donc partir qu'à 19 h 30 ! Je commence à croire que
nous allons passer la nui ici. Je reviens voir la gentille
employée qui nous propose alors d'aller nous reposer dans une
salle spéciale. On arrive au bout d'un interminable couloir,
devant un petit guichet où une employée nous enregistre ouvre
une porte donnant sur une salle où sont alignés, le long du mur,
des sortes de cercueils capitonnés de simili noir, hauts de un
mètre vingt environ. Elle nous explique que nous devons nous
coucher dans le cercueil, appuyer sur un bouton lumineux rouge
pour régler notre couchette, et tirer, au-dessus de notre tête,
un store noir ne comptant que cinq petits trous pour laisser
passer l'air. Amnoay n'ose pas se coucher, elle est réticente à
l'idée de s'enfermer dans la petite boîte. Il est vrai que chez
elle on pratique la crémation, alors elle se méfie de ce qui
pourrait arriver ! Je m'enferme dans le catafalque en faisant
coulisser le couvercle juste au-dessus de mon nez. Toutankhamon
n'avait pas plus de place et il est resté trois mille ans dans
sa boîte. Je devrais bien arriver à y passer une ou deux
heures ! Et je suis si fatigué que je m'endors ! Quand je me
réveille, j'ouvre le couvercle, et je trouve Amnoay assise dans
sa boîte. Je pense que Marie-Madeleine avait le même sourire
empreint de joie et de soulagement lorsqu'elle retrouva Jésus
après sa résurrection ! Nous nous rendons à la porte
d'embarquement. Il n'y a pas assez de places assises, alors les
passagers qui viennent d'attendre treize heures dans l'aéroport
s'assoient ou se couchent par terre, certains se sont même
rendormis.
... On
laisse ses chaussures hors du cercueil ! |
Samedi 17 décembre 2016.
Bangkok.
Les six heures de vol entre les
Émirats et la Thaïlande ne sont pas trop pénibles, car nous
sommes si fatigués que nous n’avons pas de mal à trouver le
sommeil. Amnoay est bien installée, car la place à côté d’elle
est libre et elle peut se recroqueviller sur deux sièges, ce qui
est plus confortable que sur un seul ! Dans l’avion, personne ne
parle, tout le monde accuse le coup : les treize heures passées
dans l’aéroport les ont calmés. Arrivée à Bangkok : escaliers
mécaniques, tapis roulants le long de couloirs interminables,
contrôle de police avec une mégère qui aimerait bien me refouler
quand elle voit mon passeport plein de tampons thaïs. Elle me
demande où est mon visa… Comme j’ai pris la précaution de faire
un visa pour le Laos, elle n’a plus rien à dire. Livraison des
bagages : notre valise haut de gamme, réputée « incassable »,
arrive massacrée, cassée, éventrée. On passe un bon moment à
faire une déclaration de sinistre auprès de la compagnie Ethiad.
Ils s’engagent à récupérer notre bagage à notre hôtel dès lundi.
Nous prenons le « sky-train » jusqu’à Makassan, puis le taxi
jusqu’à l’hôtel, et quand nous entrons enfin dans la chambre,
c’est pour nous vautrer sur le lit, car il y a plus de
trente-sept heures que nous sommes partis. Le voyage a duré de
jeudi matin à samedi matin, et avec les six heures de décalage
horaire en plus, nous sommes annihilés !
Le soir, nous allons dîner au
restaurant du soi 14 sur Sukhumvit, le « Suda ». Il y a foule,
car nous sommes samedi. Le restaurant propose environ cent vingt
plats à environ trois euros chacun et c’est le lieu préféré des
résidents étrangers, des touristes et des jeunes Thaïlandaises
follement amoureuses de leur compagnon d’un soir. On mange dans
un brouhaha de fête foraine et dans une ambiance sympathique.
Nous occupons une table avec des jeunes travaillant en
Thaïlande, et bien que nous ne soyons que huit, il y a sept
nationalités : un Français, un Anglais, une Malaisienne, une
Coréenne, une Thaïlandaise, un Kényan, deux Japonais ! Bangkok
est vraiment une ville cosmopolite.
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