Dernière modification: 20/05/2015

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Vendredi 30 janvier 2015.

Nong Khai - Si Chiang Mai. ( 50 km )

 

Camion à rallonge, attention dans les virages !

 

Je vais remonter le fleuve vers l'ouest par la route menant à Si Chiang Mai ( ne pas confondre avec Chiang Mai, la grande ville du Nord ). Je me lève à sept heures pour partir avant que la chaleur ne soit trop gênante. Je commande un bon petit déjeuner et j'attends... au bout de vingt minutes, le déjeuner n'arrivant pas, je vais voir ce qui se passe en cuisine, et je trouve tout le personnel attablé devant des bols de soupe, et on me dit le plus simplement du monde d'attendre, car c'est l'heure de leur déjeuner. C'est tout naturel ici : le personnel ne peut pas travailler correctement avec l'estomac dans les talons. Bon, j'annule ma commande, je quitte l'hôtel et je vais déjeuner dans la rue devant le « 7-eleven » avec de délicieux croissants au jambon et au fromage. La route qui part vers l'ouest est une route à deux voies très fréquentée durant les vingt premiers kilomètres, et je suis un peu inquiet, car il n'y a ni bande d'urgence ni accotement. Je n'ai donc pas trop envie de regarder vers le fleuve qu'on longe bien souvent. Le Mékong va vers son niveau le plus bas, alors les deux rives, de mon côté comme du côté thaïlandais sont encombrées de grosses machines qui extraient le sable. Quand on parle des dégâts causés à la nature par l'homme, on oublie souvent de considérer les trous, les excavations, les pans de montagnes qui disparaissent pour fabriquer ce béton servant aux constructions nouvelles. Et dans ces pays où les immeubles poussent comme des champignons, les dégâts sont considérables. Dans quelques années, il faudra remblayer les berges du fleuve pour ralentir l'érosion.

 

  

 

Quand j'arrive à Si Chiang Mai, je me crois au bord de la mer en longeant la promenade le long du fleuve. Il y a des petites guinguettes, des petites villas, et, derrière la murette, le fleuve qui reflète le ciel bleu. Au loin, sur l'autre rive, je distingue les bâtiments de Vientiane et les véhicules qui semblent bien nombreux.

En fin d'après-midi, je vais au marché. Je n'ai rien à acheter, mais comme je n'ai rien d'autre à faire...

Je retrouve mon moral, le soir, en restant devant mon petit hôtel, en terrasse au bord du fleuve pour manger et pour boire ma bière en observant les lumières de Vientiane, en face, sur la rive gauche du Mékong. Une musique un peu guimauve arrive même jusqu'ici, musique d'ambiance de quelque terrasse ressemblant à celle où je me trouve. Du côté thaï, pas un touriste, que des gens du coin qui viennent dîner, le soir entre amis ou en famille. J'aime cette ambiance, surtout quand la bière est fraîche et quand « la bouffe » est bonne !

 

Samedi 31 janvier 2015.

Si Chang Mai - Sangkhom ( 50 km ).

À neuf heures, je longe le Mékong par une petite route tranquille qui serpente au milieu de forêts dont les arbres ont des feuilles aussi larges que des assiettes. La route est parfois bordée de petites maisons particulières, certaines très coquettes, d'autres en bois noirci par les ans. Je suis seul sur cet itinéraire, l'air tantôt frais tantôt doux me donne de la vigueur ! Je retrouve la grande route à la borne « Si Chang Mai 9 km ». La route se met alors à monter et descendre en courts toboggans, en « tapeculs » successifs. Je monte, je descends, je suis un yo-yo ! C'est moins ennuyeux que les longues lignes droites, mais c'est un peu fatigant à force... À neuf kilomètres de Sangkhom, je me lance dans une descente longue, sinueuse et rapide. Je vais plus vite que les motos, que les voitures, et s'il y avait un avion je crois que je le doublerais aussi. Ce qui gâche un peu mon plaisir, c'est que dans quelques jours, c'est dans l'autre sens que je vais aborder cette descente qui sera alors une montée.

 

     

 

Sangkhom est un gros village, presque une ville avec une petite halle, l'inévitable « 7-eleven », et la route bordée de boutiques et de petits restaurants. Je trouve un petit hôtel qui me propose un bungalow avec vue sur le fleuve à 300 bahts : c'est idyllique ! Je passe l'après-midi à regarder glisser le Mékong sur lequel quelques rares barques de pêcheurs dérivent. En face, la berge laotienne, boisée, semble déserte. Je ne remarque qu'un toit de tôle parmi la verdure. Pas une fumée, pas un bruit, pas même un buffle au bord de l'eau !

Le soir, je trouve un restaurant où l'on me sert un steak-frites acceptable avec une bière à la pression sur une terrasse avec vue sur l'obscurité. ( S'il avait fait jour, j'aurais pu voir le Mékong et la rive laotienne )

 

Dimanche 1er février 2015.

Sangkhom - Pak Chom. ( 67 km )

 

  
En cette saison, le fleuve est à son niveau le plus bas, et il est tout à fait paisible.

 

Je flemmarde un peu sur la petite terrasse de mon bungalow avec pour seule distraction le spectacle de l'eau qui glisse insensiblement vers le soleil levant. Pas une barque, pas un pêcheur. C'est sûr, les eaux du Mékong ne sont pas très poissonneuses en ce moment, car les Thaïs ne sont pas du genre à laisser les poissons batifoler impunément sous leur nez ! Je prends la route à neuf heures. Je monte, je descends, je joue à saute-mouton. Parfois une descente de cent mètres est suivie par une montée aussi courte, parfois la pente très raide m'oblige à utiliser mon plus petit développement. Et il en est ainsi pendant soixante-cinq kilomètres... Je passe mon temps à changer de développement. Heureusement, le décor est la récompense de mes efforts : à ma gauche des montagnes souvent boisées où les touffes de bambous forment de gracieux panaches, à ma droite, le fleuve se fraye parfois un passage parmi des centaines d'îlots verdoyants et des bancs de sable doré. Le débit est nettement moins important qu'en novembre, à la fin de la saison des pluies, époque à laquelle tous ces obstacles sont submergés par un fleuve en furie. Toujours pas de pêcheurs, pas de barques, peu d'animation sur l'autre rive.

Je roulais bien tranquillement quand soudain quelque chose d'inhabituel attira mon attention : un gros scorpion noir traversant la route. Long d'une douzaine de centimètres, les pinces en avant, l'abdomen relevé se terminant par un dard venimeux, il avançait lentement. Il semblait luire au soleil. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire demi-tour et de l'écraser. Je ne l'ai pas tué du premier coup : il se convulsionnait, tournant sur lui-même comme un crabe cherchant à creuser le sable pour disparaître. Je suis repassé sur lui une deuxième fois, et il a claqué comme lorsqu'on casse une noix. Mon crime accompli, j'ai regretté de l'avoir tué. Il ne m'avait rien fait, ce pauvre animal, j'aurais mieux fait de le filmer et de lui laisser la vie sauve.

 

     

 

Plus loin, je me suis arrêté pour observer le panorama, et un bonze est arrivé. Il marchait d'un pas rapide sur le bord de la route. Il portait une théière, son énorme bol à aumône en bandoulière ainsi qu'un récipient cylindrique dans lequel il met ses quelques effets personnels et une ombrelle de toile orange. Son visage sans âge, hâlé par le soleil s'éclaira d'un surprenant sourire. Il me dit qu'il faisait à peu près la même route que moi, qu'il allait à Ubon, puis à Surin. Ces moines pèlerins, solitaires, ont choisi cette vie rude et semblent fort bien s'en accommoder. Il se passa alors une chose surprenante : il posa tout son « bagage » sur le bord de la route, revint se placer juste à côté de moi, bien contre moi, sortit son téléphone portable et tira notre portrait. Il fallut recommencer, car on ne voyait pas bien le vélo, derrière nous !

 

     

 

Arrivé à Pak Chom, je trouve un petit hôtel en bord de route. Je m'installe dans un petit bungalow ( 250 B ).

 

Lundi 2 février 2015.

Pak Chom - Chiang Khan. ( 53 km )

 

     

vache de souche asiatique !

 

Ce matin, je me sens en forme, et prêt à monter et descendre s'il le faut. Une température de vingt degrés qui ne dépassera pas les vingt-cinq, une route ombragée en bon état, pas beaucoup de circulation... C'est idéal ! Je vois arriver un Européen en tenue cycliste dans l'autre sens. C'est un Allemand. Il est presque étonné que je l'arrête. Il ne me donne aucun « tuyau » pour se loger, il ne veut pas que je lui donne des adresses d'hôtels corrects... C'est un peu le « casque à boulons », la « panzer division ». Bon, je laisse tomber. Encore un qui doit dialoguer avec les réseaux sociaux et qui n'a besoin de rencontrer personne ! Tout le long de la route, des arbustes fleuris dégagent une odeur de jasmin très agréable. De petites vaches blanches ou grises semblent s'ennuyer dans ce paysage monotone... Du côté laotien, les montagnes deviennent plus escarpées avec parfois des falaises calcaires. Le fleuve est toujours aussi paresseux. Ses eaux jaunes glissent lentement entre des chapelets d'îlots couverts de buissons verts.

 

     

 

J'arrive dans la rue principale de Chiang Khan et je retrouve un peu de mouvement, d'animation. Je vais dans la petite rue parallèle bordée de boutiques et de guesthouses aux façades de bois. Je retrouve la Thaïlande d'il y a trente-cinq ans avec ses maisons traditionnelles bien conservées. Partout ailleurs, elles ont toutes été remplacées par d'affreux bâtiments de béton. Ici, au contraire, on joue sur ce côté typique pour faire de Chiang Khan une ville touristique. Même les bâtisses récentes sont en bois. Presque toutes ces guesthouses sont tournées vers le fleuve avec un restaurant ou un bar offrant un beau panorama. Je vois peu d'Occidentaux, et toutes les enseignes d'hôtels sont écrites en thaï.

Le soir, la rue devient un enchantement. Les petites boutiques ont ouvert leurs panneaux de bois, et leur éclairage intérieur met en valeur des objets tout à fait ordinaires. On aurait envie de tout acheter : les chemises aux belles couleurs, les faïences rutilantes, les robes brodées, les sarongs chatoyants... On aurait envie de manger toutes les friandises proposées : les beignets de bananes, les crêpes au miel ou au chocolat, les flans à la noix de coco. Il n'y a pas de « farangs », donc pas de racolage pour les massages, pas de bars d'où fusent des rugissements de bêtes en rut. Les façades de bois ont pris des teintes chaudes, et même les plus patinées semblent fraîchement vernies. Les badauds déambulent, par petits groupes, des jeunes rient aux éclats, mais dans l'ensemble, il y a comme un grand chuchotement, des voix paisibles qui causent gentiment. Je me laisse gagner par cette sérénité. Un vieil homme assis devant sa maison, égrène des notes sur un xylophone de bois et accompagne ces sonorités chaudes de chants nostalgiques. Vers neuf heures, la rue se vide, les petits étalages reviennent vers l'intérieur des maisons dont on ferme les grilles ou les panneaux de bois. La rue déserte est redevenue mystérieuse, intemporelle.

 

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