Dernière modification: 20/05/2015

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Dimanche 11 janvier 2015.

Samrong ( 15 km ).

Aucun touriste alors je ne passe pas inaperçu avec ma tenue cycliste « Festina ». Il me faut répondre à tous les « hello » des enfants, car si je n'y prête pas attention, ils crient de plus en plus fort, jusqu'à ce que je leur fasse un petit signe. C'est sympathique, mais le fait que ce soit répétitif me fatigue un peu à la longue. Je vais par toutes les rues du village ( je ne peux pas écrire "de la ville" ). Ce sont plutôt des chemins, certains pas même asphaltés, bordés de simples petites villas nichées dans la verdure ou de maisons traditionnelles en bois, couvertes de toits de tôle. Il y a des chiens partout : des noirs ou des jaunes, de petite taille, certains dorment même sur la route, et aucun n'aboie, même si je m'arrête. Ils ne sont pas faméliques, ni pelés, ni estropiés, et ils me regardent avec des yeux tristes ou craintifs. Je trouve que l'expression « regard de chien battu » est très bien représentée ici. Il faut dire que pourtant les animaux ne sont pas maltraités, mais ils ne sont pas cajolés ni caressés ; on les nourrit, c'est tout. Je m'arrête et m’assieds à une de ces petites tables disposées au bord du chemin. J'ai surtout été attiré par la fumée du grill installé à côté. Difficile de communiquer, mais quand il suffit de montrer une cuisse de poulet sur un grill, tout le monde comprend ! En attendant que la viande soit cuite, la marchande me prépare un petit dessert. C'est une bonne idée de commencer par la fin, car après avoir mangé le repas, on apprécie moins... Elle met une espèce de purée brune, comme des lentilles qui auraient trop cuit, dans un bol, elle ajoute deux cuillères de petits haricots rouges et jaunes, elle râpe de la glace avec une sorte de rabot tout pourri, et par-dessus cette glace pilée tombée dans mon bol, elle verse quelque chose qui ressemble à du lait. Elle pose le bol devant moi, y plante une cuillère toute tordue et va activer les braises sous les morceaux de poulet. Et moi, je suis là à me demander si je vais pouvoir manger mon dessert... Je fouille un peu vers le fond, prudemment, prends dans ma cuillère juste ce que je vais pouvoir avaler même si ce n'est pas très bon, et j'ai dans la bouche une sorte de crème de marrons parfumée à la noix de coco : un nectar ! Le poulet, après ça, il me paraît tout à fait ordinaire !

Je sors du village et je prends la route que je vais suivre demain vers Siem Reap. Pas possible d'aller à Banteay Chmar, intéressant site khmer, car la piste est très carrossable, mais c'est une piste de terre rouge très poussiéreuse. À chaque fois que je vais rencontrer un véhicule, je vais disparaître dans un épais nuage de poussière et le soir, après cinquante kilomètres, je serais badigeonné de rouge, j'aurais une conjonctivite, la silicose, et « les portugaises ensablées ».

De tous les coins du district, les paysans convergent vers un dépôt où leur petit attelage motoculteur-remorque chargé de gros sacs de paille vont attendre pendant parfois plusieurs heures qu'on prenne leur chargement. Ici, le temps, ce n'est pas de l'argent. On a le temps pour tout, on prend même le temps de vivre.

 

     

 

Je reviens à la guesthouse, et je repars au marché à pied. Je vais manger dans un restaurant tellement sale que les mouches repues arrivent à peine à voler. On me colle un gros ventilateur juste à côté, ainsi j'évite les mouches sur la table, mais je les sens me lécher les mollets. Je mange des légumes bouillis, sortes de feuilles de cresson ou d'épinards avec des brocolis et des morceaux de pied de porc gélatineux qui me collent aux doigts. Je puise un glaçon dans mon verre, de temps en temps pour me rincer les doigts. En plus, la mixture dans mon assiette est froide et c'est pas très bon. Je mange tout parce que les autres « coins repas » du marché ne sont pas mieux.

 

     

 

Je pars flâner parmi les marchandes de fruits, de légumes et de poissons. Les rayons boucherie feraient tomber en syncope un de ces tatillons inspecteurs de l'hygiène qui, chez nous, cherchent des poils sur les œufs. Ici, de belles mouches noires aux reflets bleus ou irisés viennent goûter la viande avant le client. Il vaut mieux faire ses courses le matin avant la sortie des insectes, sans quoi on n'a plus qu'à se contenter des restes ! Et l'odeur ! Des effluves de poisson séché, de tripaille fermentée et d'épices au parfum insolent. Si l'on veut de l'authentique, ici, on est gâté ! Il y a un grand hôtel à Samrong, et ce qui m'amuse, c'est que les clients « VIP » qui y prennent leurs repas pour ne pas s’attabler dans les petits restaurants du marché, mangent les restes des mouches eux aussi, car personne ne me fera croire que le grand hôtel va se ravitailler à Siem Reap. Je pénètre dans le marché couvert. Il y fait sombre, frais, et il n'y a plus beaucoup de clients en ce début d'après-midi. On trouve des vêtements et des objets usuels, comme dans tous les marchés. Les ruelles sont étroites, en terre battue. Quelques enfants jouent aux cartes ou dorment dans des hamacs. Les commerçants parlent à mi-voix, se taisant sur mon passage pour m'adresser un sourire. Ils semblent tous se demander d'où je viens et ce que je fais ici. J'aimerais bien parler avec eux, mais personne ne connaît l'anglais, même pas le Thaï. C'est frustrant !

Je visite le temple très coloré où les taches orange des jeunes bonzes vont et viennent dans le parc mal entretenu qui l'entoure. Les temples du Cambodge n'ont pas la beauté excessive de ceux de Thaïlande. La plupart ont été pillés puis transformés en centre de torture et en prison par les Khmers rouges, alors on ne trouve pas les dorures étincelantes ni les superbes statues des temples thaïs. Ils sont moins fréquentés. Les murs extérieurs sont ornés de fresques retraçant la vie de Bouddha, et sur tout le pourtour, on peut voir des scènes de torture d'une inspiration morbide. Ces scènes sont sensées illustrer l'enfer. Or, l'enfer n'est pas la menace suprême des bouddhistes, mais plutôt une mauvaise réincarnation. Alors pourquoi ces fresques d'une extrême violence ? Je pense que ces scènes ne sont malheureusement pas imaginées : elles sont là comme un exutoire à la souffrance des auteurs, certainement des bonzes, qui ont vécu de telles scènes sous le régime de Pol Pot.

 

Pour visiter le temple et flâner sur le marché cliquer sur le cocotier 

 

Lundi 12 janvier 2015.

Samrong-Kralanh ( 76 km ).

Ciel gris, temps maussade, vent du nord-est presque froid, c'est l'idéal pour parcourir une longue distance. La route est presque déserte, le revêtement convenable. Les automobilistes sont plus respectueux qu'en Thaïlande, car ici le cycliste fait encore partie du paysage ! Le décor est redevenu monotone : une plaine desséchée où paissent quelques zébus squelettiques et où quelques sentiers de terre ocre mènent à de misérables cabanes isolées. Dans la région de Samrong, les paysans découpent d'énormes tubercules de manioc en petits morceaux et les font sécher sur le bord de la route. Partout les petits motoculteurs pétaradent. Ils vont à peu près à 30 km/h, et lorsque nous allons dans le même sens, nous faisons à chaque fois un petit bout de chemin ensemble. Sur le chargement, il y a souvent quelques personnes et parfois une famille au complet. Ces engins ont détrôné les buffles qui ont disparu du paysage. Ce buffle qui était le symbole de tous ces pays du Sud-est asiatique est en passe de devenir un animal de zoo !

Quand j'arrive à Kralanh, il est presque midi et il commence à faire chaud. Je me réfugie dans une guesthouse correcte où il y a la chaîne « TV5 Monde » dans la chambre. Je vais avoir enfin des nouvelles plus précises de la tuerie à « Charlie Hebdo ».

 

     

 

 

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