Dernière modification: 14/05/2014

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Sommaire "Voyages"

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Dimanche 23 février 2014.

Dièn Bièn Phu - Louang Namtha.

Je suis levé avant le jour, et je traverse la rue jusqu'à la gare routière. Aujourd'hui, je pars jusqu'à Louang Namtha avec le bus couchettes. C'est curieux, moi qui n'ai jamais d'appréhension, je ne me sens pas tranquille. J'ai eu un aperçu vendredi de l'espace restreint dans lequel il va falloir passer huit ou dix heures, et ça m'effraye. En effet, je suis en bas, dans la rangée du milieu, et je ne vois rien de ce qui se passe à l'extérieur. Il me faut caser mes jambes dans un petit espace semblable à un tuyau, sous la couchette du passager de devant. Le car part à six heures trente comme prévu. Nous traversons la ville de Diên Biên Phu dans la clarté d'un lever du jour brumeux, et au bout de quelques minutes, nous nous arrêtons. Tout le monde descend, c'est le petit déjeuner ! Il y avait tout ce qu'il fallait il y a dix minutes à la gare routière, mais c'est ainsi, faut pas chercher à comprendre ! Quand nous repartons, vers huit heures, le soleil parvient à peine à percer un brouillard matinal qui laisse présager d'une chaude journée. Nous sortons de la cuvette de Diên Biên Phu et nous entamons une montée en lacets sur une route étroite. De droite à gauche, d'avant en arrière, il y a du roulis, il y a du tangage... Les passagers commencent à se sentir mal et à « appeler Raoul » : RRRhaaoou… rhaaaooou ! . Les poches en plastique circulent, on vomit, on dégueule tripes et boyaux, et la route devient de plus en plus sinueuse. S'il doit en être ainsi pendant le huit heures de trajet, je sens que ce sera très dur ! Heureusement, dans un paysage montagneux, nous arrivons à la frontière, à Tay Trang. Du côté vietnamien, les formalités sont simples, par contre, du côté laotien, cela se complique un peu, car c'est l'arnaque. Le policier veut trois dollars pour apposer son tampon sur le visa que j'ai déjà payé trente dollars, puis l'autre policier veut lui aussi trois dollars pour apposer le tampon de sortie... Bref, faisant ainsi avec chaque touriste, ils réussissent à se faire un beau magot. Cela donne une mauvaise image du Laos avant même de pénétrer dans le pays. Nous sommes six étrangers dans le car, quatre Allemands, un Japonais et moi, et nous refusons de payer. Les policiers deviennent arrogants, ils ne veulent pas perdre leurs trente-six dollars ! Au bout d'une heure de bras de fer, nous devons céder, car le bus attend, et l'on ne veut pas nous remettre nos passeports. Cela donne une idée de la corruption régnant dans le pays !

Nous rejoignons le car, et je réussis à peine à passer entre la rangée latérale des couchettes et celle du milieu, tant la travée est étroite ! Je reviens m'encastrer dans ma minuscule cage et le bus repart sur une route de montagnes, où il n'y a pas cent mètres de ligne droite. Le revêtement est correct, alors le chauffeur conduit relativement vite. Il ne faut pas penser à ce qui pourrait arriver au moindre accident, car les passagers ne sont pas capables de sortir rapidement. La panique aidant, ce serait le carnage. Ballottés d'un côté à l'autre, les passagers recommencent à se sentir mal. « Raoul ! Rrhaaaoul ! », et voilà que ça vomit dans tous les coins dans des poches en plastique. Certains dorment, d'autres sont malades. Le car se balance dans tous les sens, et par le pare-brise, je vois tantôt la paroi rocheuse avec l'impression que nous allons nous écraser contre, tantôt le vide du précipice comme si nous allions plonger dedans. Ce n'est pas très agréable comme sensation, mais ça a le petit côté excitant des manèges de parc d'attractions. Je trouverais même rigolo si j'avais la place de bouger mes jambes et si je pouvais voir ne serait-ce qu'un petit bout de paysage... Quand nous nous arrêtons pour manger, je n'ai pas grand appétit, alors je grignote quelques biscuits en admirant ces passagers qui étaient entre la vie et la mort il y a quelques instants et qui se goinfrent consciencieusement. Les voyages, ça leur ouvre l'appétit !

Nous sommes à peine repartis que « Raoul ! Rrrhaaaoul ! » voilà que ça recommence. Quand nous arrivons à Udomxai, une grande partie des passagers descendent, arrivés à destination. Je pars m'installer sur les cinq couchettes du fond, cela fait comme une plate-forme où je suis vraiment à l'aise ! Je peux même prendre quelques photos par l'étroite vitre et apprécier le paysage. Nous traversons des villages Méos ou Akhas, des paillotes bancales bordent la route. Les femmes portent d'énormes fagots sur leur dos, les hommes retournent la terre sur de minuscules parcelles accrochées aux pentes des montagnes pelées par les essartages successifs. Voilà un coin où je n'aimerais pas habiter ! Il faut être né dans ces régions rudes et inhospitalières pour réussir à y survivre !

 

     

 

J'arrive à Luang Namtha soulagé et un peu assommé à cinq heures et demie. Onze heures de voyage ont un peu émoussé mon dynamisme. Cependant, je me sens bien, car je peux parler avec les gens dont la grande majorité comprend le thaï. J'ai vu, sur un plan de la ville, que la gare routière est à trois cents mètres des hôtels. Il me suffit de prendre vers l'est, or, vers l'est, je ne vois que la nationale par laquelle nous sommes arrivés, et point de ville à l'horizon. Je décide de prendre un songtaew. Pour payer moins cher en partageant le prix de la course, le chauffeur me conseille d'attendre le car de Luang Prabang qui ne tarde pas à arriver. Me voilà dans la camionnette avec quatre autres passagers, et nous roulons sur une large route en bon état, et nous roulons, et nous n'arrivons jamais... La gare routière était à plus de dix kilomètres de la ville. Cela fait partie des choses que je n'arrive pas à comprendre : toutes les nouvelles gares sont construites très loin des villes. Je ne vois qu'une explication : le souci de faire travailler les taxis !

Je m'installe dans une petite guest-house pas chère ( 5€ ) et je vais manger un bon steak-frites au Zuela, un restaurant où il n'y a que des étrangers.

 

Lundi 24 février 2014.

Louang Namtha.

Aujourd'hui, je ne fais rien, car je n'ai envie de rien faire. Il y a beaucoup de touristes, et ils vont tous dans les villages voir les tribus et photographier les indigènes. Cela ne m'intéresse pas.

 

Mardi 25 février 2014.

Louang Namtha - Muang Sing.

Je pars à Muang Sing en minibus. La route est en mauvais état, alors il faut deux heures pour couvrir les soixante kilomètres pendant lesquels les passagers vomissent discrètement dans des poches en plastique. Assis à côté de moi, un homme d'une trentaine d'années voyage avec ses deux fils de six et sept ans portant des vêtements si sales qu'on devine à peine le motif sur leur T-shirt. Les garçonnets sont malades, et pour les soigner, le père leur colle des baffes. Il force même l'un d'entre eux à se blottir sous les sièges et il lui colle des taloches dès qu'il sort la tête. Je n'interviens pas, car cela ne changerait rien. C'est ainsi qu'on élève les enfants dans la région !

Je vais à Thaï Lü G-H, et je m'installe dans une chambre aux cloisons de bambou tressé. On entend le moindre bruit venant des chambres voisines et le plancher saute dès que les voisins se déplacent.

Le soir je vais manger du canard au marché de nuit. C'est sinistre : il n'y a personne, sauf une Européenne en train d'écrire son carnet de voyage et quelques chiens en quête de reliquats de repas. Alors que je termine mon repas, un Français et une Espagnole rencontrés la veille arrivent et nous passons la soirée ensemble. Il n'y a pas grand-chose à faire à Muang Sing !

 

Mercredi 26 février 2014.

Muang Sing.

Je me lève à cinq heures pour écrire mon carnet de voyage. J'entends les femmes se rendant au marché jacasser dans la rue. Elles portent des baluchons énormes remplis de légumes et elles avancent à petits pas avec une rapidité surprenante. Je ne vois aucun homme. Les marchés, ce sont surtout des affaires de femmes : ce sont elles qui vendent, qui achètent, qui font les affaires. Ce marché de Muang Sing, je ne le trouve pas particulièrement intéressant, car il ressemble à tous les autres, et l'on n'y voit pas de personnes en tenue locale. Les gens des tribus s'habillent avec les vêtements « made in China ». Il est vrai que la frontière chinoise n'est qu'à huit kilomètres !

 

     

 

Je vais me renseigner sur les horaires de bus partant pour Xieng Kok à la gare routière... Pas facile ! Personne ne comprend ni le thaï ni l'anglais, encore moins le français... Faut pas s'énerver ; je finis par obtenir le renseignement désiré : le car partira demain à neuf heures et il n'y en a pas l'après-midi. Me voilà donc obligé de rester jusqu'à demain. Cela ne me dérange pas, car je n'ai rien à faire ici et c'est donc une bonne raison d'y rester. Je vais visiter le musée. Je n'ai jamais vu un musée avec autant de poussière sur les objets exposés. C'est comique ou pathétique, je ne sais pas. Les pièces présentées : des outils de la vie quotidienne, des instruments de musique, des armes de chasse, des costumes, sont si miteuses que même dans nos greniers les objets sont en meilleur état. Le musée est une vieille maison coloniale en planches, avec une véranda tout le long du premier étage. Aucun visiteur : je suis le seul à m'intéresser à ces « vieilleries ».

 

     

 

Je vais vers le temple dont le portail, au bout d’une ruelle, attire mon attention. C’est un portique orné de dorures sur fond rouge et sur le sommet duquel des bouddhas debout s’abritent sous des ombrelles. Sur chaque pilier, des dragons dorés protègent les lieux. Chez nous Saint-Georges terrasse le dragon, ici, le dragon terrasse les mauvais esprits, protège et se montre amical. Les deux bâtiments du temple aux murs blancs sont surmontés de toits de tuiles soutenus par des colonnes rouges ornées de dorures. De longs dragons au corps hérissé d’écailles courent le long du toit et leur tête se dresse à chaque extrémité, formant ainsi des pointes rappelant les pagodes chinoises. L’escalier d’entrée est encadré de naja à trois têtes. Voilà un autre animal maléfique chez nous et respecté dans la culture asiatique. Les gens vivent avec les serpents, ici : dans les rizières où les reptiles côtoient les pieds nus des paysans, dans les forêts où le serpent se love jusque dans les branches, et même parfois dans les maisons. Les bouddhistes les chassent, mais ne les tuent que rarement, car les serpents sont respectés, et chacun sait que la morsure est relativement rare. J’entre dans le temple. Au fond de la salle, un grand bouddha doré, entouré de statues plus petites disparaît presque parmi des rubans et des oriflammes. Tout est rouge, jaune ou doré dans cet endroit où une fraîcheur surprenante due aux espaces entre les toits superposés donne envie de s’attarder sur les tapis couvrant le sol, et, pourquoi pas, de faire une petite sieste ! Sur les murs, des fresques naïves aux couleurs criardes relatent, comme dans une bande dessinée, la vie et « les aventures » de Bouddha.

L'après-midi je retrouve Benjamin et sa copine espagnole ; nous passons un moment ensemble, puis, quand ils partent, avec leur moto de location, je me décide à faire un peu de sieste. Le soir, je vais manger au marché de nuit. Il n'y a presque personne, et ce calme ne peut que me plaire. Il faut savoir s'ennuyer, c'est dans ces moments-là que viennent les meilleures idées !

   Les échafaudages ont parfois de quoi nous surprendre...

 

      Les bonzes vont mendier leur nourriture en moto-électrique...


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