Dernière modification: 11/05/2014

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Jeudi 20 février 2014.

Sapa - Diên Biên Phu.

Je suis levé avant le jour, et malgré que je sois très bien dans mon hôtel où l'on me gâte comme un ami, il me tarde de partir vers de nouveaux horizons. Le climat frais et brumeux de Sapa ne me dynamise pas beaucoup, et je n'ai aucune motivation pour aller voir des villages de tribus, comme si j'allais dans une réserve d'Indiens ou, pire, dans un zoo. J'ai vu ce que donne le tourisme et les dégâts qu'il occasionne au marché de Bac Ha, et je peux me passer de ce spectacle affligeant. Le car doit me prendre à l'hôtel d'en face à sept heures et demie, et il arrive avec un quart d'heure d'avance. Le temps est plus clément que ces derniers jours, le ciel est bleu et blanc et les sommets des montagnes bien visibles, avec une température plus douce. Heureusement, le car passe le col de Tram Ton avec un beau ciel pur au-dessus de nos têtes et un fond de vallée masqué par un coussin de coton blanc. La descente du col est tellement spectaculaire qu'on se croirait au col Aubisque-Soulor. Sur le versant opposé, nous voyons la route plonger dans une mer de nuages opaque, d'une blancheur éclatante. Je suis assis à côté de David, un Français de vingt-sept ans, et nous faisons causette tout le long du chemin. Les huit heures de trajet paraîtront moins longues. Avec trois amis, il revient de Nouvelle-Zélande où il a travaillé en tant que plombier, que cuisinier... On trouve encore quelques jeunes qui ont envie de s'enrichir d'expériences nouvelles et pas seulement de monnaie sonnante et trébuchante ! Ils sont un peu inquiets, car leur visa se termine aujourd'hui, et ils pensaient que Diên Biên Phu se trouvait au Laos. Comme quoi de méconnaître l'histoire du XX° siècle peut parfois jouer des tours... Pour sortir du Vietnam, il leur faudra payer une « amende » à la frontière.

Nous sommes un peu ballottés dans le car, parce que durant de longues portions, la route est empierrée, en réfection, ou alors on construit une grande route à côté en taillant directement dans la montagne, lui occasionnant de monstrueuses blessures ocre. Au départ, j'avais fait remarquer au chauffeur que ses pneus étaient tous lisses, alors ce qui devait arriver arriva : nous voilà victimes d'une crevaison. Le pneu n'est pas totalement dégonflé, alors le chauffeur nous laisse devant un café, et il part faire réparer. Il revient une demi-heure plus tard. Nous sommes à une cinquantaine de kilomètres de Diên Biên Phu où nous arrivons juste à la tombée de la nuit. Pour aller à l'hôtel, ce n’est pas difficile, il nous suffit de traverser et de nous installer, pour sept dollars, dans une petite chambre à deux lits que je partage avec David. L'hôtel « Hung Ha » est situé dans la rue où se trouvent de nombreux petits restaurants locaux : pas besoin d'aller loin, nous mangeons des nems et du porc frit juste à côté.

 

     

 

Vendredi 21 février 2014.

Diên Biên Phu.

Le réveil sonne à cinq heures. David ne l'entend pas. Il a un sommeil de plomb, heureusement pour lui, je parierais qu'il ne m'a même pas entendu ronfler. Je vais avec eux à la gare routière, juste pour voir le car et savoir dans quelles conditions je vais voyager dimanche, puisque je prendrai le même car. Le véhicule, bien que circulant de jour, est équipé de couchettes superposées : une rangée sur chaque côté et une rangée au milieu. Il ne reste plus que deux très étroits couloirs.

Je profite du beau temps pour découvrir la ville. Mon hôtel fait partie des derniers bâtiments de la rue, au bord de l'aéroport, et je distingue... des vaches et des buffles paissant paisiblement au bord de la piste. J'espère qu'on les fait évacuer avant l'arrivée d'un avion sans quoi les passagers peuvent espérer avoir du steak à leur menu ! Je monte sur la butte correspondant à la position « Dominique » où se trouve le colossal monument de bronze représentant des soldats et un enfant dans des attitudes martiales... C'est grand, c'est au bout d'un escalier de quatre cents marches que l'on gravit en découvrant le site de Diên Biên Phu et la nouvelle ville aux bâtiments hétéroclites, et cela demande, comme tout pèlerinage, un effort pour atteindre le sommet. Pourtant, quand j'arrive sur la plate-forme tout en haut, un peu essoufflé, légèrement en sueur, je vois une procession de gens habillés de noir pour assister à une cérémonie. Ils suivent un homme portant une énorme couronne mortuaire semblable à un bouclier rouge et jaune. Ils se tiennent devant le monument sur la dernière terrasse, se recueillent, déposent la gerbe et repartent en minibus. La route arrive juste derrière la haie de plantes vertes. Il s'agit d'un hommage à un ancien combattant vietnamien qui vient de mourir.

Je redescends et pars visiter la colline N°1 que les soldats français appelaient la position Éliane. Un musée minable et tout à fait inintéressant, dès l'entrée sur le site, donne un avant-goût de ce que vais voir. Je gravis le promontoire parmi les fausses tranchées reconstituées et bétonnées, sur le bord desquelles on a déposé de faux sacs de sable en ciment. Je pénètre dans des tunnels dont je doute fort de l'authenticité. Il ne reste rien de la bataille de Diên Biên Phu pour la bonne raison que le pays étant entré en guerre juste après avec la « seconde guerre du Vietnam », tout objet en métal ou toute arme présentait un grand intérêt et était recyclé ou remis en état. Il ne reste donc qu'un blindé avec son canon de soixante-quinze et sa mitrailleuse, criblé d'impacts en tout genre. Plus loin, derrière un grillage, en vrac comme dans une casse minable, divers canons et véhicules presque totalement démontés s'entassent pêle-mêle, côtoyant les restes jetés en tas d'un avion Douglas. Des Vietnamiens viennent en groupe, grimpent partout, sur le char d'assaut, sur les bunkers, se photographient, l'index et le majeur en forme de V, tout juste s'ils n'ont pas acheté le drapeau vietnamien pour la circonstance !

Je vais dans la rue, je demande où se trouve le musée, personne ne comprend. Les Vietnamiens ne pensent pas que l'étranger que je suis puisse perdre son temps à aller voir le musée. Je finis par trouver un gros chantier au milieu duquel se dresse une coupole semblable à celle d'un stade de basket. Ce sera le futur musée qui se trouve encore dans l'ancien bâtiment. Je paye 15.000 dongs ( 0,60 € ) comme pour chaque lieu à visiter, et je me retrouve dans une vaste salle unique où de vieilles photos défraîchies et souvent floues racontent la victoire politique de « l'Oncle Ho ». Ce n'est pas un musée, c'est un lieu de propagande où des groupes de visiteurs vietnamiens écoutent un guide leur raconter l'histoire à sa façon. Quelques gamelles et quelques casques troués, avant ou après la bataille, côtoient de menus objets sans importance ou des armes tellement abîmées qu'elles ne présentent plus aucun intérêt. On se croirait au vide-grenier de Grenade sur Adour. Aucune photo des soldats français, sauf l'énorme troupeau de prisonniers entamant la longue marche vers la mort où plus de 7.000 des 11.000 soldats disparaîtront. Bien sûr, il y a la fameuse bicyclette, mais elle est tellement cachée par la charge qu'on a placée dessus, que je doute fort de son authenticité. Il faut bien se rendre compte qu'une bicyclette de 1954 arrivant intacte jusqu'au jour présent dans un pays qui a manqué de tout pendant des années, ce serait un miracle ! Il en est de même du moindre ustensile de métal, des munitions, des armes ou des mines qui furent recyclées pour le conflit suivant. De plus, chez nous, nous avons une culture qui nous incite à conserver les objets de notre passé. Ici, on recycle depuis des siècles pour ne pas gaspiller.

Revenant vers l'hôtel je m'arrête au fameux pont défendu par le bunker Piroth. Il s'agit d'un pont métallique qui, contrairement à celui de la rivière Kwaï en Thaïlande, n'a plus rien d'authentique. Le Commandant d'artillerie Piroth, soutenant que jamais le Viêt-minh ne pourra placer et ravitailler des pièces d'artillerie lourde sur les sommets entourant la cuvette de Diên Biên Phu se suicida en dégoupillant une grenade dès les premiers jours du pilonnage intensif venant des crêtes pourtant lointaines. Ce fut la consternation générale et le carnage que l'on peut imaginer quand on sait que des milliers d'obus de gros calibre se mirent à pleuvoir sur une zone où pas un seul bunker en béton n'existait. La piste de l'ancien aérodrome construit par les Japonais une douzaine d'années plus tôt et aménagée pour recevoir la noria d'avions ravitailleurs fut rendue inutilisable dès les premiers jours du pilonnage. Dès le mois de mars, le sort de Diên Biên Phu était scellé ! Les Français se consolent en prétendant ne pas s'être rendus, mais avoir cessé le combat faute de munitions le 7 mai, après trois mois de cauchemar !

7 mai 2014, soixante-dix ans plus tard, je me demande si la commémoration sera à la hauteur du désastre ? On n'aime pas parler des guerres que l'on a perdues.

 

       

 

Samedi 22 février 2014.

Diên Biên Phu.

Bien que réveillé dès six heures par le raffut de la gare routière en face de l'hôtel, je ne fais surface qu'à neuf heures. Quand je le peux, j'aime bien me laisser aller à ne rien faire : je prépare mon café ou mon chocolat en faisant chauffer l'eau avec une petite résistance électrique que je place dans le verre. C'est très commode, j'utilise cet appareil depuis 1971 ( je l'avais acheté à Istanbul ), je ne me suis jamais électrocuté, et pourtant la vente en est interdite en France.

Je reviens vers le pont métallique, car mon guide « Lonely Planet » mentionne le bunker Piroth auprès duquel on peut voir quelques blindés de l'armée française... Je demande dans le quartier, alors que je ne suis qu'à cinquante mètres de ce lieu historique, et personne n'a jamais entendu parler du Commandant Piroth, ni de son bunker. C'est dire le peu d'importance qu'attachent les habitants du quartier à cette page d'histoire. Je rencontre un Français un peu plus âgé que moi qui revient du « bunker De Castries » et qui a la même opinion que moi sur le site « historique » de Diên Biên Phu. Je décide donc de ne pas aller visiter le « bunker De Castries », et au lieu de cela, nous allons flâner ensemble sur le marché près du pont, et nous tombons par hasard sur le « bunker Piroth » dont il ne reste qu'un petit espace semblable à un terrain vague au centre duquel on a placé une stèle de pierre. Nous allons dans un de ces petits cafés hérités du temps de la colonisation et nous échangeons des idées sur l'Asie principalement, durant près de quatre heures. C'est aussi cela le voyage : la rencontre d'un compatriote, l'échange d'idées et de sensations, le dialogue entre voyageurs qui s'intéressent à tout ce qui concerne l'endroit qu'ils visitent. Parfois ces rencontres sont bien plus instructives que la lecture d'un guide touristique aussi sérieux soit-il.

Le soir, je vais manger des nems pas terribles et une soupe de nouilles délicieuse, puis je me promène tout seul, dans la pénombre, le long de la piste de l'aéroport jusqu'à neuf heures. Les cars signalent leur arrivée à la gare routière par des coups de Klaxon en rafale. Même les voitures ont ces appareils qui feraient presque croire que leur trompe résonne dans un tunnel. C'est fatigant à force !

 

   ...le canard rôti, mon plat préféré !

 

 

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Page spéciale sur le siège de Diên Biên Phu.


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