Dernière modification: 24/04/2014

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Vendredi 6 décembre 2013.

Surin.

 

 

Une journée comme une autre, 21° le matin, 30° l’après-midi avec un peu de vent donnant l’agréable sensation d’être au bord de la mer. Je suis levé à six heures. Sur la terrasse, la brise pique un peu, mais je profite de ce moment privilégié, car dès que le soleil va monter dans le ciel, et il monte très vite sous ces latitudes, le mercure va monter lui aussi ! Ce qui est curieux, c’est qu’en France je déjeune souvent avec une soupe thaïe, alors qu’ici je préfère le classique chocolat au lait avec des biscuits. Quand je suis quelque part, j’ai peut-être toujours besoin de me sentir ailleurs ! Je lis un peu, je prépare mon « périple » vers le Laos et le Vietnam en potassant les guides Lonely Planet, je regarde passer les motos sur la route, les enfants entrer dans l’école voisine ; certains viennent me souffler quelques mots en anglais par-dessus le mur, et ils sont tout étonnés de voir que je comprends ce qu’ils me disent ! À huit heures, c’est le lever du drapeau dans la cour, et les cinq cents élèves chantent l’hymne national : une véritable cacophonie ! La matinée passe vite, car je m’occupe de beaucoup de choses aussi variées qu’inutiles, ce qui fait que quand arrive midi, il me semble n’avoir rien fait du tout ! Je mange une bonne soupe achetée chez la voisine au petit restaurant dont le sol est en terre, le toit en tôle posée sur des poteaux tout tordus et les tables et les chaises sont en ciment. Pas de murs, donc pas-de-porte. À la saison des pluies, pendant les gros orages, on déplie des bâches en plastique sur les côtés au vent pour éviter que l’averse ne trempe la soupe.

L’après-midi, je vais à pied jusqu’à la grande route, et je prends le songtaew, cette camionnette dans laquelle on a aménagé des banquettes le long des ridelles. Je paye dix bahts ( 25 centimes ), et le prix est unique quelle que soit la distance. C’est pour moi un moment agréable, car il y a peu de gens à cette heure-là, et cela me permet de causer un peu avec un passager ou une passagère curieux de savoir d’où je viens et qui je suis. Il y a quatre kilomètres jusqu’au centre de Surin où je flâne d’une rue à l’autre. Je vais dans un cybercafé et je paye vingt bahts ( cinquante centimes ) pour deux heures utilisables sur trois jours. Je n’ai pas Internet à la maison. Le dernier songtaew est à dix-sept heures, alors je rentre, j’attends que la nuit tombe, vers dix-huit heures pour boire ma bière avec de la buée sur la bouteille. Amnoay, elle, est partie « en ville » tout l’après-midi : elle a retrouvé son ancienne clientèle, alors elle coiffe et fait des permanentes à domicile. Ce n’est pas du « travail noir », car ici, les impôts directs n’existent pas. Elle paierait une redevance incertaine d’ailleurs, si elle avait une boutique.

Le soir, avec Amnoay, on fait quelques grillades sur un minuscule barbecue ou on mange un plat cuisiné qu’elle a ramené du marché. Puis vers huit heures, on n’a plus rien à faire… La télé est lamentablement inintéressante, il n’y a jamais de film ni de bonne émission, alors Amnoay va se coucher, j’allume mon ordinateur, j’écris ou je classe des photos, et à neuf heures, je suis au lit.

C’est ainsi depuis quelques années déjà, mais si je me sens fatigué de ce train-train routinier, j’endosse mon grand sac, et je pars vers des bus, des trains ou des carrioles qui me secouent tellement que je regrette d’avoir quitté mon doux « chez nous ».

 

Samedi 7 décembre 2013.

Surin.

Aujourd’hui, c’est un grand jour pour Piew, le petit fils d’Amnoay, c’est le « pay boat pen phra », ce que j’appellerais son entrée dans les ordres. Chaque bouddhiste se doit de consacrer une période de sa vie à un séjour dans le temple pendant lequel il doit revêtir la robe de bonze et faire vœu de chasteté et de pauvreté. Même le Roi n’y échappe pas.  Chacun peut choisir la durée de son séjour. Piew, lui, va rester trois mois dans un monastère, dans la montagne dans la région de Korat. Il est arrivé  au temple de Surin vers neuf heures, et la journée commence par les hommages à chaque personne venue assister à la cérémonie. Tenant devant lui un plateau sur lequel sont disposés de petits cierges des fleurs de jasmin et des fleurs de lotus, la fleur sacrée du Bouddha, il s’agenouille devant chaque personne elle-même assise sur une chaise et, tour à tour, il leur fait à la fois ses salutations et ses adieux puisqu’il part se retirer dans un monastère. Il deviendra alors Phra Piew. Cela se passe dans la bonne humeur, parmi les rires et les plaisanteries.

On passe maintenant à la cérémonie de coupe de cheveux. Chaque personne présente lui coupe une mèche de cheveux que l’on recueille  dans sur un plateau. Ces cheveux seront ensuite déposés dans une rivière.  Un bonze initié termine en rasant le crâne et les sourcils. Ensuite, Piew revêt une tenue blanche : pantalon et chemise longue, et l’on fait trois fois le tour du temple, Piew abrité sous un parasol. Tous les invités crient : « Phra Piew chok dee », ce qui signifie « Bonne chance ». Et c’est la photo traditionnelle avec les parents, les amis, les cousins, les voisins... Le cortège entre dans le temple où dix ou douze moines attendent, vêtus de leur robe brune. Les bonzes vêtus d’une robe brune ne peuvent manger qu’une fois par jour, à midi, alors que ceux revêtus de la robe jaune peuvent manger le matin et le midi. Tous ont le droit, dans la soirée, de boire du chocolat ou du café au lait. Il doit bien y avoir d’autres différences, mais comme je ne suis pas encore initié, cela m’échappe ! Durant la cérémonie à laquelle personne ne comprend rien, car elle se déroule en pali ( langue religieuse provenant de l’Inde ), Piew fait vœu de respecter tous les préceptes de la philosophie bouddhiste. Il est ensuite revêtu de sa robe brune que deux moines nouent autour de son corps d’une façon si sophistiquée que je pense qu’il faut plusieurs jours avant d’être capable de se vêtir correctement tout seul. On lui remet alors son éventail et son bol à aumônes, et il revient se placer devant les bonzes qui l’acceptent alors parmi eux. Il est devenu « Phra Piew », ce qui pourrait presque signifier « Saint Piew »... On sort du temple et c’est la photo traditionnelle avec les parents, les amis, les cousins, les voisins...

C’est l’heure du repas, dans une salle immense au fond de laquelle trône un grand Bouddha de bronze brillant comme s’il était en or massif. Les tables sont mises avec les couverts, la bouteille d’eau ( on ne boit pas d’alcool dans les temples ). Le repas a été préparé dans de grandes marmites d’inox ou d’aluminium devant le temple au cours de la matinée. On nous sert tout d’abord des moules, une ou deux chacun, avec quelques crevettes, des morceaux de calamars et de surimi, puis c’est un petit bol de soupe avec des œufs d’oiseaux et des estomacs de poissons. On a ensuite du poisson à la citronnelle, un pied de veau bouilli, du riz frit, et en dessert, une salade de fruits chaude dont je n’ai pas pu identifier les ingrédients. Chacun des plats est peu copieux : un seul poisson ou un seul pied de veau pour huit, mais il y a une telle variété de plats qu’on mange plus qu’on ne le croirait. Je trouve ces repas très chaleureux : le plat est au milieu de la table et chacun prélève, avec sa fourchette ou ses baguettes quelques morceaux qu’il mange avec son riz. La grande assiette de civet de chevreuil ou la dorade pour chacun leur ferait peur !

Vers midi, on dit au revoir à « Phra Piew » d’un waï respectueux les mains jointes au niveau du nez, et chacun entre chez soi.


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