Dernière modification: 16/04/2013
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Page précédente. Dimanche 10 février 2013. Mawlamyine - Yangon. Il fait nuit, la température est élevée, et l’humidité rend l’atmosphère lourde. Je viens de descendre du car à la gare routière de Yangon et je monte dans un taxi où deux femmes qui me semblent plutôt âgées somnolent à l’arrière. Il est quatre heures du matin, la ville est presque déserte. Des piétons isolés marchent sur l’asphalte noir et luisant, pour éviter les pièges des trottoirs plongés dans les ténèbres. Comme les voitures arrivant en face restent pleins phares, ces personnes sur la chaussée deviennent des spectres, des ombres, des silhouettes qu’on ne distingue pas très bien. Pour se rassurer, le chauffeur klaxonne ; c’est tout ce qu’il peut faire, car ses phares n’éclairent pas à plus de dix mètres. Nous déposons la première femme dans une rue sombre, devant une petite boutique où le gardien dort sur un bat-flanc. Tout bien réfléchi, je ne pense pas que ce soit le gardien, car il ne se réveille même pas... Nous nous engageons ensuite dans un véritable dédale de ruelles sombres, de coupe-gorges sordides où quelques rats aussi gras et hauts que des chats s’enfuient à notre passage. De-ci de-là, une femme s’active près d’un fourneau qui fume ou dont la flamme jaune jette une lueur sinistre sur les façades salpêtrées des immeubles voisins. Dans une heure, il y aura foule ici. Assis sur de petits tabourets en plastique, des hommes silencieux déjeuneront d’une soupe de nouilles et mâcheront leur bétel en vomissant leur salive rouge sang... Le taxi me laisse devant l’hôtel, il est cinq heures. À part quelques rares passants marchant en silence au milieu de la rue : personne. Comme je sais qu’on ne me donnera pas de chambre à cette heure matinale et que je n’ai nulle part où aller, je m’assieds sur les marches de l’escalier, au troisième étage, devant la porte de la guest-house et je lis un roman de Jules Verne sur ma liseuse. Hé oui, j’ai un livre numérique ( « e-book » ), je suis à la page ! Il est cinq heures Yangon s’éveille, il est cinq heures, je n’ai pas sommeil ! Le matin, je reste dans ma chambre pour récupérer un peu, puis je vais au marché Boyoke. C’est en train de devenir un centre commercial pour touristes proposant des produits d’artisanat local comme des sculptures sur bois, les inévitables marionnettes, les bijoux et les pierres de jade qui ne sont autres que de l’onyx venant de Chine. J’ai entendu dire que les pierres semi-précieuses sont extraites du Myanmar, puis elles sont expédiées en Chine pour être travaillées, et elles reviennent ici sous forme de produit fini. Le soir, je vais au « Golden Duck » ( canard d’or ) et l’on m’installe à une table couverte d’une nappe immaculée, avec multes attentions et force politesse, je commande un plat de canard rôti et une bière. Le garçon revient au bout de quelques instants avec la bière, et il m’annonce qu’il n’y a plus de canard. Nous sommes bien au Myanmar : le « Golden Duck » n’a plus que du poulet. Peut-être que les « pizzerias » n’ont plus que des « hot dogs » ? Je me lève en remerciant et je vais manger du poulet dans un petit troquet avec une bière pression bien fraîche. Lundi 11 février 2013. Yangon - Bangkok. C’est mon dernier jour au Myanmar. Je suis impatient de retrouver la Thaïlande qui est devenue un peu mon pays, car je peux communiquer avec les gens, même si ce n’est pas toujours facile, et la vie y est tout de même plus confortable ! Ici, tout est vieux, cassé, mal entretenu ou mal réparé avec des moyens de fortune, les trottoirs sont défoncés par endroits, les bâtiments salpêtrés, de superbes façades d’anciens bâtiments coloniaux aux moulures sophistiquées sont noires et lépreuses... Les bus bondés s’effondrent à cause de leurs suspensions avachies et laissent dans leur sillage un panache de fumée noire un peu comme de monstrueux poulpes jetant leur encre. Les caniveaux débordent de détritus et les trottoirs sont maculés des crachats rouges sanguinolents des consommateurs de bétel. Les femmes barbouillent leur visage de tanaka, cette bouillie jaunâtre qui, en séchant leur donne l’air de quelqu’un qui vient de se rouler dans la farine. Pour moi, cela nuit à leur beauté et donne l’impression qu’elles ne se sont pas lavées. Quelques jeunes ont teint leurs cheveux de la couleur des citrouilles, et cela leur donne l’air grotesque. Si je m’attache à tous ces détails davantage cette année, c’est que je vois le pays différemment, peut-être avec la sensation qu’il change, mais pas dans le bon sens. Les Birmans sont toujours les mêmes, honnêtes, affables, enjoués et prêts à rendre service. Ce qui a changé, avec les gens avec qui nous avons des rapports « commerciaux » ( hôteliers, taxis, agences de voyages... ) c’est que quelqu’un leur a dit que le pays s’ouvrant, les étrangers allaient apporter de l’argent. Alors, comme ils n’ont aucune expérience en matière touristique, ils fonctionnent tout bêtement en fixant des prix qui, au lieu de donner au touriste l’envie de rester, le font fuir. J’ai rencontré quelques voyageurs qui modifiaient leur date de retour de billet d’avion pour abréger leur séjour. Le pays n’a aucune expérience en matière de rapports avec les étrangers ou les pays étrangers et leurs « cafouillages » n’attirent guère les investisseurs. Il en va de même pour la « démocratie ». Les pays occidentaux n’ont qu’un souci : évincer la junte militaire au pouvoir, car avec eux aucune activité commerciale n’est envisageable. Peut-être que ce sera plus facile de « gruger » un nouveau gouvernement incompétent ? Je ne vois pas un avenir très brillant pour le Myanmar, même s’il s’appelle à nouveau la Birmanie. Toute la journée, les rues de la ville résonnent du cri sinistre et en point d’orgue des colporteurs ou des hommes ramassant les objets recyclables. On croirait entendre l’appel de détresse d’une personne en train de se noyer. Le soir, les hommes se réunissent à la terrasse des cafés, sur les trottoirs et ils boivent de la bière ou du whisky accompagné d’eau gazeuse. Ils se regroupent autour d’un téléviseur, et assis sur de petits tabourets, ils regardent un match de foot en hurlant à chaque but. Ils connaissent tous les joueurs européens, et leur club fétiche est Manchester. L’équipe de France ? Ils ne veulent pas me vexer, mais je vois un sourire ironique sur leurs lèvres. Par contre, Zidane est un Dieu pour eux, l’image même d’un immigré qui a réussi, d’un pauvre devenu riche... Je vais changer les kyats qui me restent à la banque, et si je fais le bilan, je n’ai dépensé que huit-cents dollars en vingt-cinq jours ( 575 euros ). Pour les années à venir, il faudra compter sur une augmentation sensible, surtout au niveau des hôtels. Je me rends à l’aéroport en taxi, la circulation est presque fluide. Dès qu’il y a un embouteillage, ce qui est surprenant, c’est la correction des conducteurs entre eux. Jamais d’énervement, on aide les autres usagers. Rien à voir avec la Thaïlande où le « chacun pour soi » est de mise. L’avion d’Air Asia part à l’heure et arrive à Bangkok avec quelques minutes d’avance. On m’avait dit de me méfier des compagnies « low cost » ( à bas prix ), je peux dire que personnellement je n’ai pas à me plaindre. À l’aéroport de Don Muang, au lieu de prendre un taxi par leur système qui majore les prix, je prends la passerelle de la gare et je descends sur l’autoroute où une file de taxis attend les « petits malins » comme moi ! Je donne tout l’itinéraire au chauffeur en lui précisant que je prends en charge les péages et que je veux sortir de l’autoroute au soi 1 de Sukhumvit. Je n’ai pas envie qu’il me promène par le chemin des écoliers comme font la plupart des taxis pour majorer le prix de la course. Le soir, je suis fatigué, mais je vais manger au soi 14 du foie de porc sauté au poivre et à l’ail avec des frites et une bière Chang presque fraîche. Je retrouve Jean-Louis, un copain des Landes avec qui j’étais allé en Birmanie en 1980. Il est avec des amis qui partent à Yangon demain. Je pourrai leur donner des « tuyaux » juste avant leur départ. |