Dernière modification: 09/04/2013

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Jeudi 7 février 2013.

Kyaikkami - Mawlamyine.

Je pars à six heures, et le car me prend juste au moment où je sors de l’hôtel. Nous faisons deux cents mètres et nous nous arrêtons une demi-heure pour déjeuner. Le café et les petits gâteaux bien consistants devraient me préserver de la fringale pendant toute la matinée. Dans le car, je suis à côté d’un bonze qui tient bien sagement son ombrelle-éventail sur les genoux. C’est une grande raquette de ping-pong, parfois en feuilles de cocotier tressées, parfois comme c’est le cas présentement, en velours grenat sur lequel des phrases sont brodées en fils dorés. Les bonzes protègent leur crâne rasé et leur visage glabre des cruels rayons de soleil en tenant cet instrument devant leur visage ou au-dessus de leur tête. La route ne me semble pas aussi longue qu’à l’aller. Il est vrai que le bus est plus confortable et moins chargé. De la gare routière de Moulmein, je continue jusqu’au centre-ville avec un bus tellement vieux que tout vibre comme si les différents éléments qui semblent se désolidariser de la vieille carcasse rouillée allaient s’envoler ou tomber sur la route. Des morceaux du plafond se sont déjà effondrés, les vitres sont cassées, certains morceaux restant fixés à la fenêtre comme autant de guillotines prêtes à décapiter le premier qui osera laisser dépasser sa tête à l’extérieur. Je pense qu’il n’y a plus rien de bon pour la casse, et même le recyclage risque de s’avérer problématique !

Quand j’arrive à l’hôtel « Breeze G-H », je récupère la même petite chambre à six dollars. Je retrouve les Français de Corrèze rencontrés à Hpa-an, Danielle, qui a toujours mal à sa cheville, et Michel qui n’aime pas cette ville de Moulmein où il pensait qu’il y aurait un petit port de pêche et des bateaux. Moi, ce qui me fatigue ici, c’est la vue et l’odeur des poubelles. C’est difficile à imaginer ! La promenade, le long du rivage ne serait pas désagréable, mais dès qu’il fait chaud, nous nous trouvons dans un essaim de grosses mouches, et si nous nous penchons un peu pour regarder en bas de la balustrade, ce sont des tas de poches en plastiques et de détritus divers ! Les habitants du quartier traversent la rue pour déverser leurs poubelles par-dessus le parapet, en espérant que la marée emportera tous ces détritus au large. Mais comme la mer ne monte pas jusque-là, tout reste et s’entasse. Quelques chiens faméliques recherchent leur subsistance dans ces déchets et parfois, un groupe d’enfants avec un sac sur le dos essayent de récupérer du plastique ou quelques objets qu’on leur rachètera pour quelques kyats, même pas assez pour se payer une soupe. Ce qui m’étonne, c’est la joie de vivre de ces gamins qui me lancent des « Hello !» et s’enfuient en pouffant de rire. Ils sont nés dans les détritus, c’est leur univers, et pour eux, il est même certainement moins contraignant que l’école.

Vendredi 8 février 2013.

Mawlamyine.

Je me lève de bonne heure et je pars avant la chaleur pour me rendre au festival, dans le temple du grand Bouddha de Win Sein Taw Ya. Je monte d’abord dans un petit scooter triporteur jusqu’à la gare routière et j’ai souvent la sensation de le sentir se briser en menus morceaux sous mes fesses. Nous sommes trois dans la petite benne, assis sur les banquettes latérales qui se font face ; puis deux écolières, jupe verte et chemisier blanc, montent, puis d’autres personnes ramassées de-ci de-là... et nous finissons par être dix-sept ! Je me demande si le vieux monsieur qui conduit l’engin ne cherche pas à battre des records. Cela ressemble à ces jeux idiots d’Interville, quand on faisait rentrer le plus de personnes possible dans une 4L ou une 2cv ! Je me demande comment le pauvre petit engin, presque aussi vieux que son conducteur, peut encore avancer.

À la gare de Moulmein, je grimpe dans un pick-up, et il me semble que c’est le grand confort. Je suis en chemisette sans manches, l’air vif du matin me fait un peu frissonner et les autres passagers vêtus de vestes et de tricots d’hiver, grelottent à faire pitié. On me dépose devant un portail surmonté de statues colorées comme on les aime tant par ici. Une longue allée bordée de bonzes en ciment tout raides et peints en rouge mène au grand Bouddha couché dont la tête énorme m’apparaît en premier au-dessus des arbres. Visage blafard aux yeux fixant le ciel d’un regard mort. Puis le corps long de cent quatre-vingt-dix mètres à flanc de colline s’impose à la vue. C’est grand, c’est colossal, mais je ne trouve pas beau. La robe couverte de carreaux de faïence rouge a perdu une partie de son revêtement, les pieds s’effondrent un peu ( des plaques de béton sont tombées ) et je trouve cet énorme visage blanc peu esthétique. On a percé des fenêtres dans ses narines, dans ses bras, dans son pouce... Les gens viennent ici parce que c’est grand, et ils trouvent beau. Alentour, d’autres statues de ciment d’un goût douteux complètent la série des œuvres kitsch. Du festival auquel j’espérais assister, il ne reste que des millions de poches en plastique tapissant le sol sur près de deux kilomètres tout le long de l’allée. La fête est terminée, on en est à démonter les derniers stands qui bordaient l’allée, et les poubelles sont restées. Quelques rares personnes déambulent sur le site, un vieux bonze s’appuyant sur une canne en inox vacille à chaque pas et des enfants essayent de récupérer quelques objets dans les détritus.

 

     

Dans cette recherche du grandiose, du tape-à-l'œil, on est à l'antithèse de la philosophie du Bouddha !

Je suis de retour à Mawlamyine à dix heures, et encore une fois, je ne suis pas très enthousiaste. Je ne pense pas être blasé, je crois tout simplement que ces pagodes de pacotille destinées à émerveiller les visiteurs ne font aucun effet sur moi. Je préfère l’émouvante beauté des ruines de Pagan.

 

Samedi 9 février 2013.

Mawlamyine.

C’est le premier jour du Nouvel An chinois. Il ne doit pas y avoir beaucoup de Chinois dans la ville, car c’est bien silencieux ! Pas un pétard, pas le moindre feu d’artifice... à moins que les autorités aient interdit toutes ces choses qui pourraient se transformer en bombes et se retourner contre eux ! Je n’ai aucune envie de me déplacer. Il fait vraiment trop chaud. Le soleil nous brûle sans pitié et la mer ajoute une humidité qui rend l’air pesant et presque palpable. Au-dessus de nos têtes, le ciel n’est même plus bleu, il a pris une teinte délavée, presque blanche. Pas un souffle de vent, pas la moindre brise. Je longe le bord de mer dans une puanteur aigre, une odeur de fruits pourris ou de chou fermenté ; tout le monde prend la mer pour dépotoir, alors forcément... Dans la rue, un cyclo-pousse charrie une énorme cargaison de planches et de madriers. Il se dresse sur les pédales, de grosses veines saillantes sur ses mollets rachitiques. Comment ces hommes, parfois âgés, peuvent-ils faire avancer leur tricycle souvent chargé d’une ou deux ménagères et des sacs de légumes qu’elle ramène du marché ?

Je vais manger dans un petit restaurant avec Danielle et Michel. Nous sommes un peu déçus du changement qui s’opère au Myanmar. L’argent, qui n’était pas, jusqu’à présent, leur préoccupation première, est en train de devenir leur souci majeur. Dès qu’ils ont la possibilité d’approcher les touristes, ils sentent qu’ils peuvent en tirer de substantiels bénéfices, alors ils deviennent des gens prêts à se vendre, même à des prix prohibitifs. Ils n’ont aucune notion de l’argent qu’ils peuvent demander, ils croient seulement qu’ils peuvent en demander beaucoup ! Effectivement, il y a de nombreux touristes par rapport aux années précédentes, le pays arrive à saturation en ce qui concerne la capacité hôtelière. Il va falloir autoriser les « hôtels réservés aux Birmans » à recevoir des touristes. Cela risque de demander des travaux de rénovation pour certains établissements, car la clientèle locale est loin d’être aussi exigeante que les Occidentaux en matière d’hygiène, de confort et de sécurité. Jusqu’à présent, les visiteurs occidentaux arrivaient d’un autre pays asiatique, de Thaïlande principalement. Ils avaient appris quelques règles élémentaires de « bonne conduite » dans des pays qui ne se formalisent plus de la « grossièreté» de ces Occidentaux qui font vraiment « n’importe quoi » ! À présent, les vols directs en provenance d’Europe risquent de changer beaucoup de choses. Les Birmans vont se trouver confronté à des touristes ignorant leurs mœurs et leurs coutumes, et ils risquent d’être bien surpris ou même choqués parfois. La Thaïlande connaît un problème, actuellement, avec une quantité croissante de touristes russes qui ne respectent rien.

Le soir, je prends le car de neuf heures. Il va me mener à Yangon distant de moins de deux cents kilomètres en sept heures de route !

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