Dernière modification: 06/04/2013

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Mardi 5 février 2013.

Mawlamyine - Kyaikkami.

       

J’ai utilisé les services d’un cyclo-pousse hier soir pour aller dîner au Beer Garden 2, et je lui ai donné rendez-vous à huit heures, ce matin, pour m’accompagner à la gare routière. Il est fidèle au rendez-vous, à sept heures. Il est fier d’avoir un client occidental, alors il joue de la sonnette tout le long de la route. C’est un peu fatigant, à force. Je suis bien calé dans l’étroit siège à côté de lui. Il va tout lentement en me racontant des histoires dans un anglais que je n’arrive pas bien à comprendre. Le vieux car est garé devant le marché. On me donne la place numéro vingt, à côté de l’escalier de la porte latérale. Il est huit heures trente, je m’installe, et quelques rares passagers somnolent sur leur siège. Le chargement commence. Un jeune homme porte sur son dos d’énormes sacs de maïs que les deux employés du bus arrivent à peine à soulever, en joignant leurs efforts. Ils en placent ainsi une quinzaine sur le plancher et sur les sièges. Puis on case un grand nombre de cartons sous les sièges et d’énormes paniers bourrés de feuilles à mâcher que l’on empile jusqu’au plafond. Je me suis installé dans un bus je me retrouve dans un camion. Quand tout me porte à croire que le bus est bien plein, d’énormes paniers pesant chacun plusieurs dizaines de kilos arrivent. Les employés du car ont l’air perplexe. En effet, si je regarde bien, je crois qu’il n’y a plus la place de les caser : erreur ! Tout finit par rentrer dans les espaces créés en tassant bien les maïs et les autres sacs. Maintenant, on met des cageots de mandarines, des sacs d’arachides, quelques cartons que l’on peut encore placer sous les sièges... Je pense d’ailleurs que dans ces bus, le problème, c’est les sièges ! On devrait les supprimer, charger les marchandises, et faire asseoir les passagers par-dessus. Mais revenons au chargement du car. Je suis presque coincé parmi les sacs et les paniers quand arrive un cyclo-pousse débordant de sacs de choux... Alors là, c’est un gros problème, chacun donne son avis, les uns veulent les caser derrière les sièges arrière, les autres dans les escaliers, finalement, ils trouveront place coincés entre le chargement et le plafond. Et les passagers ? Ils arrivent toujours plus nombreux, on les installe où il reste le moindre espace exploitable, entre les sacs, parmi les paniers, coincés sans pouvoir bouger. Ils ont la faculté que nous n’avons pas, nous les Occidentaux, de se pelotonner ou de replier les jambes sous leurs fesses et de rester ainsi sans bouger durant presque tout le trajet. Je n’ai vu personne manifester la moindre mauvaise humeur. Au moment où le car met son moteur en marche, à neuf heures précises, une jeune fille arrive avec un cyclo-pousse débordant de gros paniers. On ne veut pas de son chargement ; ce n’est pas parce que le bus est plein, mais on lui fait remarquer qu’elle arrive trop tard : c’est l’heure du départ. Elle n’est pas contente !

 

     

Avant de sortir de la ville, on prend un passager et quatre énormes sacs de ce qui me semble être des pommes de terre. On les a casés dans l’escalier, bien ficelés. Puis, un peu plus loin, ce sont trois femmes, et de ces grosses matrones qu’on case tant bien que mal à côté des pommes de terre. Nous nous arrêtons à la gare routière, dans la cohue des vendeurs de cacahuètes ou d’eau fraîche, et d’autres passagers montent dont trois bonzes qui vont se compresser au fond du bus. Puis on fait passer des petits enfants qui pleurent par les fenêtres, alors que la mère se faufile comme une anguille pour trouver un petit espace vital. Après être repartis de la gare routière, nous commençons à faire « le laitier ». Ceux qui se trouvaient tout au fond, presque sous les énormes sacs, arrivent à descendre, on s’arrête parfois en rase campagne, et l'on jette deux paniers ou un gros sac d’épis de maïs sur le bord de la route, avant de redémarrer. Quelqu’un viendra récupérer son bien. Je dois dire que cela est possible, car le bus a le volant à gauche, ce qui est logique ici, et les portes sont donc placées vers le bas-côté. Car, dans ce pays où l’on roule à droite, presque tous les véhicules, même les plus récents, ont le volant à droite. Pour conduire, c’est ennuyeux, mais pour les bus, c’est extrêmement dangereux puisque la montée ou la descente se fait sur le milieu de la route, du côté de la circulation. Cela fait partie des illogismes que l’on peut trouver ici.

 

     

 

Après avoir semé tous nos sacs d’épis de maïs, jeté tous nos paniers de feuilles à mâcher, laissé descendre les passagers les uns après les autres, nous nous retrouvons, au bout de deux heures, à Thanbyuzayat, dans un véhicule qui semble avoir retrouvé son apparence normale. Il reste une bonne heure de route jusqu’à Kyaikkami où je descends devant le « Kaday Kywe Guest Villa ». J’y trouve une petite chambre pour six mille kyats ( 7 $ ). La patronne, la face adipeuse tout éclaboussée de tanaka, me conseille, sans insister, la chambre climatisée à 50.000 kyats. Je ne peux même plus parler de prix excessif, mais de pure folie. Ces gens-là s’imaginent que les clients sont prêts à payer n’importe quel prix ? Le pays s’ouvre au tourisme cette année, et je me souviens de m’être heurté au même problème au début des années quatre-vingt-dix lorsque le Vietnam avait accepté de recevoir les touristes. Ils ont la sensation d’avoir gagné quelques libertés, alors ils n’ont aucune idée de la façon dont ils pourraient en « profiter ». Je vais citer un autre exemple. Depuis cette année, chacun peut acheter un véhicule sans avoir besoin de faire des formalités, comme c’était le cas jusqu’à ce jour. Le problème, c’est que ni le réseau routier ni la configuration des villes ne sont adaptés à une circulation intensive. Alors dans Yangon par exemple, cela devient invivable, et ce n’est que le début. N’y a-t-il pas là un bon exemple attestant que donner des libertés, c’est très bien, mais le pays est-il prêt à les assumer ? Il en est de même pour les motos. Si l’interdiction de rouler à moto dans Yangon est levée, je n’ose même pas imaginer ce que vont devenir les rues et les avenues ! La liberté des prix, pour les hôtels, mène à la catastrophe : chacun affiche les tarifs qui lui plaisent. On trouve, dans le même quartier, une chambre minable à 25$, et une chambre claire et agréable à 10$. Liberté ?

 

     

Aung San Suu Kyi  symbole d'un renouveau que le peuple attend,
et son père figure emblématique de la lutte contre le colonialisme britannique.

Les journaux d’opposition, encore très rares, ne proposent rien de concret. Ils jouent sur l’image charismatique d'Aung San Suu Kyi et entament un processus de culte de la personnalité inquiétant. Calendriers, autocollants, porte-clés, affiches... On retrouve partout le visage de celle qui a su incarner l’opposition à une junte militaire devenue impopulaire. Le pays ne s’appelle plus, depuis une dizaine d’années, la Birmanie : pays de l’ethnie Bamar, mais l’Union du Myanmar. C’est ce que demande Aung San Suu Kyi, mais elle aurait voulu sans doute que ce soit son parti qui arrive à ce changement, alors elle conteste le nouveau nom du pays, prétextant que ce changement a été opéré sans demander l’avis du peuple. Le nord du pays en guerre, le sud instable, les conflits entre bouddhistes et musulmans deviennent inquiétants, et nous, Occidentaux qui ne connaissons rien de ce pays ou qui ne voyons que les avantages d’un pays à spolier, nous nous gargarisons de « démocratie », mot que les Birmans ne connaissent pas et ne sauraient pas adapter, dans l’immédiat, à leur vie quotidienne. Nous avons eu l’exemple des conflits ethniques et religieux en Yougoslavie, dans la période de l’après-Tito, souhaitons que le destin du Myanmar ne sera pas semblable à celui de la Yougoslavie. Pourtant, tous les ingrédients sont réunis : religions, ethnies diverses ne font pas bon ménage... La différence, c’est que le Myanmar est un pays au sous-sol très riche ( gaz et pierres précieuses ) et qu’il intéresse fort la Chine à qui il pourrait, en plus, donner un accès à l’Océan Indien, et l’Occident pour qui il représente un pays solvable où tout est à construire. La situation n’est pas simple, et seule la sagesse des hommes peut éviter le pire. Mais la sagesse des hommes... Peut-on compter sur elle ?

 

     

 

Je vais visiter la pagode construite sur la mer. J’y accède par une longue galerie couverte, au-dessus de l’eau à marée haute et de la vase à marée basse. Le sanctuaire est curieusement occupé par plusieurs statues de Bouddhas noirs, laqués, brillants. C’est la première fois que je vois des Bouddhas noirs dans un sanctuaire, mais peut-être sont-ils destinés à être dorés un jour ? Les femmes n’ont pas accès à cette partie de la pagode. Elles doivent prier dans une autre salle d’où elles aperçoivent quelques statues. Cette discrimination est fréquente au Myanmar. Les femmes n’ont pas directement accès à certains lieux de cultes, et elles ne peuvent pas coller de feuilles d’or sur le rocher de Kyauktagyi ( Golden Rock ) ni sur les Bouddhas. Je ne sais pas d’où sort ce tabou, mais il est à l’antithèse de la philosophie bouddhiste. Chaque religion a ses tabous un peu surprenants vis-à-vis des femmes. Chez les catholiques, elles n’ont pas le droit d’officier et de dire la messe, chez les musulmans... ce serait trop long à énumérer !

 

 

Derrière la pagode, un petit édifice semblable à une tour n’est accessible qu’à marée basse. On suit un petit chemin bétonné entre les rochers. Des moines viennent ici et nourrissent de gros poissons-chats avec des granulés colorés achetés dans le temple. Ces poissons d’eau douce expliquent pourquoi le rivage est boueux : un fleuve se déverse ici rendant la mer jaune par endroits, bleue à d’autres.

 

     
...une plage de graviers et une soupe d'algues : la vie a parfois un côté rustique !

 

Un peu plus loin, je vais sur une grande plage où le sable est un peu gros et désagréable sous les pieds, et où la baignade ne doit pas être très agréable ! Il existe, de l’autre côté du temple, près d’une curieuse mangrove, une jolie petite crique en bas d’une falaise d’où l’on déverse toutes les ordures de la ville... Alors là non plus, pour la baignade, ce n’est pas l’idéal !

Le soir, je ne trouve rien à manger dans les environs de l’hôtel. Il n’y a qu’un grand café où des groupes d’hommes boivent de la bière. Heureusement que j’avais pris une assiette de nouilles au chou et aux... algues cette après-midi.

Mercredi 6 février 2013.

Kyaikkami.

Impossible de déjeuner dans le secteur. Je pars à huit heures à la plage de Setsé. Comme il n’y a pas de bus direct, personne ne comprend pourquoi je n’attends pas onze heures, le seul car qui me mène là-bas directement. Ici, on ne joue pas sur les correspondances : on n’y comprend rien. Tout compte fait, je suis davantage capable de voyager chez eux qu’eux-mêmes. Je prends un car qui me dépose au croisement de Setsé. Il y a là une forêt d’hévéas avec leurs petits pots où les saigneurs récupèrent le latex après avoir fait des scarifications en spirale sur le tronc des arbres. Ils le font sécher comme de vulgaires torchons devant leur misérable paillote. Au bord de la route, sous un toit de feuilles de cocotier, un jeune homme vend des biscuits et quelques produits susceptibles d’intéresser ceux qui attendent le bus ici. Il vend aussi un excellent flan au riz et à noix de coco que j’apprécie bien avec un bon café au lait. Pas la peine d’attendre la correspondance : un moto-taxi me propose de m’amener à Setsé à huit kilomètres. Me voilà donc derrière un motard local sur une route goudronnée, mais loin d’être plane. Ce n’est pas très confortable, mais j’ai tout de même le loisir d’observer le paysage : des forêts aux hévéas soigneusement alignés, et de temps en temps une ferme à l’allure misérable. Nous arrivons à l’hôtel Paradyse, un petit groupe de bungalows en bord de mer. Complètement désert, sauf deux employés qui pensaient que je serais le premier client. Ils ont ouvert depuis un mois, et personne n’est encore venu. Il est vrai qu’avec des bungalows à quarante dollars, les touristes hésitent. Et puis la plage n’est pas connue, les guides touristiques n’en parlent pas puisqu’il n’y a rien, et les touristes aiment être tranquilles, mais ils n’aiment pas qu’il n’y ait rien. Il leur faut au moins une discothèque et un restaurant plein de touristes. Les Occidentaux sont ainsi aujourd’hui : ils ne savent plus voyager si les endroits où ils vont ne leur rappellent pas leur pays ! C’est triste non ?

 

     

 

La plage de sable fin est superbe, on peut s’y baigner sans risque... Elle fait plusieurs kilomètres de long, et il n’y a qu’une dizaine de promeneurs birmans qui jouent au ballon ou se promènent à cheval.

Pour revenir à l’hôtel, je monte dans un camion avec deux jeunes gens contents de me rendre service, je me retrouve au croisement, et de là, je monte dans un bus qui me laisse devant ma porte.

 

     

 

Le soir, il n’y a rien à manger, sauf des nouilles aux algues et aux choux... Heureusement que j’avais pris la précaution de manger un énorme poisson sur le bord de la plage de Setsé. Je bois quelques bières bien fraîches en écrivant sur mon petit ordinateur. La soirée est tout de même un peu triste, car je ne peux communiquer avec personne, car ils ne parlent pas anglais et je ne parle pas birman... Il me tarde de revenir en Thaïlande où la langue pose moins de problèmes pour moi.

 

     

 

Si vous voulez avoir une idée d'un menu typique de restaurant birman,
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Bon appétit !

              
La petite plage près du temple serait mieux si elle ne servait pas de dépotoir !

              

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