Dernière modification: 05/04/2013

Retour à l'index (Sommaire du site)   

Sommaire "Voyages"

Sommaire carnet de bord

Cliquez sur les images pour les agrandir et sur les mots en couleur pour voir d'autres images.

Appuyez sur la touche F11 pour un meilleur confort.


Page précédente.

Dimanche 3 février 2013.

Hpa-an - Mawlamyine ( Moulmein ).

Et toute la nuit, le haut-parleur du temple, dont le volume est poussé à fond m’a bercé doucement. Je dois dire que depuis quelques jours que je suis ici, je commence à m’habituer.

 

     

Le policier de service a parfois du mal à s'y retrouver dans ce chaos...

En fin de matinée, avec un jeune couple suisse, je monte dans la barque qui nous mène à Moulmein. Le ciel est bleu, sans nuages, une légère brume bleuit les montagnes qui sortent de terre, à l’horizon, comme des pénitents encapuchonnés. Pendant très longtemps, on distingue la silhouette trapue du Mont Zwegabin.

 

     

Le fleuve Salowen coule calmement entre ses rives sablonneuses. Il est pratiquement à son niveau le plus bas et nous ne distinguons pas les gens travaillant dans la campagne, le fleuve étant trop encaissé entre ses rives. Nous longeons des villages aux maisons de bois couvertes de chaume ou de l’inévitable toit de tôle rouillée. Quelques enfants nous hèlent, des adultes occupés à leur lessive ou à relever leurs filets ne jettent même pas un regard. C’est dommage, car nous leur ferions quelques signes de la main et ils seraient tout contents !

 

      

 

Le batelier a tendu une bâche au-dessus de nos têtes, nous sommes à l’ombre, et avec le vent, nous n’avons pas trop chaud. Il y a longtemps que je ne m’étais pas senti aussi bien ! Les reliefs en pains de sucre se sont éloignés, il nous reste la beauté monotone de la vie du fleuve : quelques pêcheurs, des femmes se baignant ou faisant leur toilette, des enfants criards batifolant dans l’eau jaunâtre du fleuve. Nous distinguons enfin le pont métallique qui barre l'horizon.

     

Dès notre arrivée, nous prenons un triporteur qui nous mène à Breeze guest-house où je me retrouve dans une chambre à peine plus grande que celle des jours précédents. Pour dormir, ça suffit. L’hôtel a été aménagé dans une ancienne villa coloniale anglaise, et comme les pièces étaient très hautes, on a mis un plancher à mi-hauteur, avec des petites chambres de chaque côté d’un couloir. C’est un peu sinistre, ça ressemble à une prison, mais comme les prix varient entre six et vingt dollars, qui oserait se plaindre ?

 

     

 

Je vais flâner dans le quartier commerçant, car c’est dimanche et les marchés ne travaillent pas. Les rues sont presque désertes, silencieuses. quelques hommes étalent les poissons à même le macadam de la rue déserte pour les faire sécher. Je longe la mer par la promenade ombragée ; à l’horizon, l’île de l’ogre étend sa ligne sombre d’arbres où aucun village ne paraît.

 

 

Le soir, je mange des brochettes de poulet préparées sur le bord de mer par des musulmanes vêtues de noir et portant le foulard bien serré autour du visage. Les hommes portant une longue barbe clairsemée s’occupent de la cuisson. Ce qui est curieux c’est qu’en s’adressant au voisin non musulman, on peut avoir de la bière qu’on a le droit de boire à la table musulmane en mangeant les brochettes cachères... Je me demande s’il n’y a pas quelque chose qui cloche dans tout ça !

                     

                

 

Lundi 4 février 2013.

Mawlamyine ( Moulmein ).

 

        

 

Ce matin, j’ai décidé de visiter Nwa-la-bo, une pagode située en haut d’une montagne, et dont quelques rochers se sont retrouvés, avec les bizarreries géologiques, empilés en équilibre instable. Je me rends à pied jusqu’au point de départ des camionnettes taxis. Il fait chaud et même le vent marin n’arrive pas à me rafraîchir. Nous nous entassons dans un pick-up et tant qu’il reste des places, le chauffeur ne démarre pas. Un mendiant maigre, sale, manchot, de longs cheveux gris collés par paquets sortant d’une casquette crasseuse, encadrant un visage aux yeux mi-clos, une longue barbe clairsemée dégoulinant de son menton nous tend une main décharnée en gémissant et en bafouillant des paroles que personne ne semble écouter ni même comprendre. Personne ne lui fait la charité, et il revient à la charge plusieurs fois ! Quelle peut donc être l’existence de ce pauvre être sans joies, sans avenir, sans espoir, sinon la même que celle de ces chiens galeux qui hantent les rues à la recherche d’un petit reste de nourriture ou de débris à croquer. Il est des êtres, animaux ou humains pour qui la vie n’est que malheur et souffrance. On en voit ici à chaque instant, on aurait envie de les aider, mais on se trouve dans l’impossibilité d’agir. On est là comme ces gens assis dans le taxi à faire comme si l’on ne voyait rien, si l’on n’entendait rien, et au fond de soi-même, on se sent un peu mal à l’aise. Ce proverbe chinois me revient à l’esprit : « Si tu vois un homme souffrir de la faim, ne lui donne pas un poisson, prends le temps de lui apprendre à pêcher ».

À Kyonka, on me laisse devant le portail d’un temple, car je dois monter dans un camion pour gravir la montagne jusqu’à Nwa La Bo. Heureusement, il n’y a pas trop de passagers, alors nous ne sommes pas trop serrés, dans la benne du camion, sur les gros madriers faisant office de bancs. Dès le départ, le moteur rugit, et le camion commence une ascension vertigineuse. Dans certains virages en épingle, j’ai même peur qu’il ne reparte en arrière. La route se borne à deux bandes de ciment pour chaque passage de roues. Dans les ravins où la déforestation n’a pas laissé grand-chose, quelques arbustes calcinés par un récent incendie tendent leurs moignons noircis au-dessus d’un sol ocre. Le panorama devient de plus en plus superbe au fur et à mesure que nous nous élevons. Dans la plaine bleutée, nous distinguons le ruban argenté du fleuve Salowen et au fond, la mer. Nous sommes vraiment au manège, c’est le petit train fantôme, le camion plonge dans des descentes presque à la verticale, remonte une pente si sévère que nous avons la sensation, arrivés au sommet, de nous envoler, et c’est pour se jeter dans une courbe si serrée que nous sommes ballottés de droite à gauche. Parfois le camion prend une épingle à cheveux en accélérant pour gravir la pente qui suit et alors nous ne voyons à l’avant que le nez du camion et du vide devant lui, du vide bleuté, la plaine de Moulmein, comme si nous étions sur le point de nous envoler. Personne ne dit rien, tout le monde s’accroche où il peut et attend que ce soit terminé avec la peur au ventre ou avec cette excitation, cette petite poussée d’adrénaline qui rend la peur si agréable ! On paye pour avoir peur dans les parcs d’attractions, ici, c’est encore moins cher et le risque est tout de même un peu plus important !

Quand le camion se gare contre l’échelle qui nous permet de descendre en enjambant la ridelle, j’ai du mal à marcher tout droit durant quelques secondes, un peu comme quand je descends d’un bateau après avoir été secoué sur la mer.

 

     

 

Les fameux rochers en équilibre les uns sur les autres, dans l’enceinte de la pagode sont entourés de bambous, car ils sont en cours de rénovation. Je suis déçu ! Nous ne sommes que trois étrangers. Il y a un couple de Français puants d’orgueil et vêtus comme pour se rendre à l’opéra qui ne daigne pas m’adresser la parole. Ce sont de ces bourgeois logeant dans des hôtels de luxe, ne se déplaçant qu’avec des guides ou des chauffeurs particuliers et qui, au retour, prétendent avoir tout vu et tout compris ! Les pauvres !

La descente est encore plus impressionnante que la montée, car il faut ajouter au risque le fait que les freins peuvent lâcher.

Au retour à Moulmein, je passe par le marché.

     

Page suivante.

Sommaire carnet de bord

Sommaire "Voyages"

Retour à l'index (Sommaire du site)