Dernière modification: 01/04/2013

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Lundi 28 janvier 2013.

Yangon - Thaton.

Je quitte l’hôtel à six heures, au lever du jour. Je vais à la gare en taxi par des rues presque désertes. Yangon semble encore plus sordide quand les boutiques sont fermées et que les trottoirs déserts dévoilent leurs pavés disjoints.Il n’y a pas grand monde à la gare non plus, et les voyageurs ayant passé la nuit sur les sièges en plastique inconfortables ou couchés sur leurs montagnes de bagages ne semblent pas respirer le bonheur ! Je trouve toujours un peu sinistres ces petits matins dans les gares avant que les vendeurs de café n’aient réussi à redonner la joie de vivre à une population par nature enjouée.

 

 

Je me sens donc un peu triste moi aussi, comme si j’étais forcé de partir. Je prends un billet de train pour Thaton. Pour ne pas être cerné de cages à poules ou englouti sous des sacs de riz, je prends un billet « Upper class » ( 11$ ). Il ne faut pas se faire d’illusions, ce n’est pas le confort de l’Orient-Express, mais c’est tout de même un peu mieux. Au lieu des inconfortables banquettes de bois, nous avons des sièges en tissu un peu sale au dossier impossible à régler. Le mien est coincé en position inclinée et je n’ai aucun espoir de parvenir à le redresser. Voyager comme un Pacha à demi allongé doit me satisfaire. En regardant à l’extérieur, je me rends compte que le train a démarré, sans crier gare, sans un coup de sirène. Les personnes qui étaient montées pour charger des paquets et qui profitaient des banquettes pour se reposer sautent par toutes les portes comme des rats quittant le navire en perdition. Ici, l'on monte et l'on descend des véhicules avant même qu’ils soient arrêtés. J’ai vu, au cours du trajet, des jeunes vendeurs sauter du train avec leur gros panier de marchandises, alors que nous roulions à trente kilomètres heures. Je peux avancer ce chiffre, car j’ai un GPS qui m’a d’ailleurs permis de constater que notre vitesse n’excède que très rarement les quarante à l’heure. La voie est dans un état lamentable, à la limite de l’utilisable. Le train est agité de convulsions inquiétantes : il y a du roulis, du tangage, parfois nous sautons sur nos sièges, et dans ce mixeur, les jeunes vendeuses imperturbables sillonnent les wagons, leur plateau sur la tête, comme si elles marchaient sur la moquette du Strand Hôtel. Ces femmes accomplissent quotidiennement , en toute simplicité, des prouesses artistiques qui créeraient notre admiration dans un cirque.

 

     

 

Le paysage est un peu jaune et desséché en cette saison, mais ciel que le voyage doit être agréable durant la mousson, quand les paysans travaillent dans les rizières et que tout est de ce vert si criard qu’on a parfois l’impression que ce n’est pas naturel. Aujourd'hui, on brûle les chaumes, ce qui produit un brouillard matinal bleuté estompant les palmiers à sucre et les cocotiers dans le lointain. Des chars aux lourdes roues à rayons, chargés de paille et tirés par une paire de zébus blancs se déplacent lentement comme de gros scarabées dorés par le soleil. Les villages de maisons de bois couvertes de paille ou de tôles rouillées se cachent sous la tonnelle d’arbres énormes aux troncs trapus. Sur les sentiers de sable ocre, des enfants viennent en courant vers le train, car les passagers leur jettent parfois des biscuits ou des bonbons. Ils attendent le passage du convoi avec la même excitation que les pauvres estivants, chez nous le long du passage de la caravane du Tour de France.

Je saute vers le plafond du wagon, je retombe sur mon siège, heureusement relativement rembourré et parfois je suis balancé de droite à gauche avec l’inquiétude de voir le wagon chavirer dans la mare à buffles ou dans la rizière en contrebas.

Il est quinze heures, voici la gare de Thaton. J’hésite presque à descendre : je n’ai pas vu de ville, et le bâtiment est si petit que je me sens en pleine brousse. Devant la gare, un rond point sur une route en terre, comme un souci de « faire moderne » dans ce décor d’une autre époque. Des cyclopousses attendent sans rien dire, certainement inquiets de ne pouvoir s’exprimer en anglais. L’un d’entre eux, en suant sang et eau me conduit à « Blue Cloud guest-house ». Le prix de la chambre ( 20$ ) est excessif pour le confort proposé : salle de bains et toilettes communs, pas de petit-déjeuner. Par contre, je traverse la rue pour manger un colossal bol de soupe qui me réconcilie avec ce gros village. Les rues bordées de maisons basses sans prétention sont sillonnées de triporteurs, cyclos ou motos, et de quelques tracteurs puants et pétaradants. Les parents vont chercher les enfants à la sortie de l’école en moto... C’est la vie tranquille d’un gros bourg de campagne pas encore touristique.

Mardi 29 janvier 2013.

Thaton - Hpa-an.

Je déjeune en face de l’hôtel, dans un petit café où la patronne ne sait que faire pour me satisfaire. J’ai droit à un œuf frit entre deux tranches de pain de mie grillées, un café au lait, et de délicieux gâteaux fourrés à la pâte de tamarin. C’est le patron de l’hôtel qui m’a annoncé ce matin que le déjeuner était compris dans le prix ( un peu trop élevé ) de ma chambre. Comme je lui ai reproché hier d’appliquer des tarifs excessifs, il veut se racheter.

 

    

 

Je rejoins Hpa-an en pick-up. Une heure de route bordée de temps à autre par des pitons calcaires rappelant un peu les paysages de Guilling, en Chine. À l’arrivée, un cyclo-pousse me conduit à la « Soe Brothers G-H » à une centaine de mètres seulement. Mais il fait trop chaud pour porter les vingt kilos de mon sac à dos ! Entre une pharmacie et un magasin de vêtements, un escalier que je n’aurais certainement pas remarqué, abrupt et si étroit qu’on a du mal à s’y croiser mène à la guest-house. Un vieux monsieur à qui je ne peux pas donner d’âge, le visage émacié, les lèvres rouges de bétel, furète dans des papiers entassés sur un comptoir à peine plus grand qu’une table de nuit, dans un réduit obscur, sous un escalier. Ses cheveux blancs, plaqués sur sa tête, et ses longs sourcils blancs le font ressembler à Geppetto. Il me jette des œillades de rapace par-dessus ses lunettes, bafouille un « welcome » auquel je réponds par un « mingalaba » respectueux. Un sourire de satisfaction tord sa bouche édentée. Il compulse, en bougonnant, un cahier d’écolier dans lequel sont inscrits les pensionnaires, il tire une feuille de papier d’une pile qui menace de s’éparpiller, et il m’annonce que je peux disposer d’une chambre simple à six dollars. Je pense qu’il ne faut pas s’attendre à des merveilles... Nous traversons un petit salon encombré de sacs à dos, arrivons sur une petite terrasse dominant la rue et les toits de tôles rouillées de petites boutiques dont les portes de bois sont fermées. En effet, ma chambre ne vaut pas plus du prix demandé : si je dis qu’elle est aussi grande qu’un placard, je n’exagère pas. C’est un réduit où il y a tout juste la place de mettre le lit. J’ai tout de même droit à une fenêtre sur la rue. Quand je vais vouloir dormir, je me demande où je vais pouvoir mettre mon sac ?

 

     

 

L’après-midi, je me rends au restaurant « San Ma Tou ». Je commande du canard. On me porte de petits ramequins en inox jusqu’à en couvrir la table, un plat contenant de la salade et des tranches de concombre, une soupière pleine de riz, et enfin une minuscule cuisse de canard avec un morceau de carcasse où je n’ai que des os pointus à sucer. Dans les petits plats, il y a toutes sortes de curry et de condiments, des haricots dans une sauce si huileuse et si épicée que je ne me risque pas à en mettre sur le riz, du poisson faisandé répandant une odeur de toilettes malpropres, des purées rouges et vertes... Heureusement, chaque ramequin est coiffé d’un petit couvercle que je me garde bien de laisser ouvert.

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