Dernière modification: 26/03/2013

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Dimanche 23 décembre 2012.

Surin - Paksé ( Laos ).

Nous prenons le train jusqu'à Ubon. Les trois heures de voyage ne sont pas éprouvantes, car la matinée est relativement fraîche et les propositions de nourriture sont toujours aussi fréquentes. Je me laisse tenter par une grosse cuisse de poulet, et Amnoay par des petits grillons frits. Les Asiatiques sont de plus en plus consommateurs d'insectes frits: sauterelles, énormes cigales ( que les touristes prennent à tort, avec dégoût, pour des blattes ) et même, surtout au Cambodge, des scorpions ou d'énormes araignées noires. Moi, comme la plupart des Occidentaux, j'hésite un peu à déguster de tels mets, pourtant, je sais bien que des insectes herbivores devraient me rebuter moins que des crevettes nourries avec des cadavres de toutes sortes d'animaux. Le décor est monotone roussi par le soleil, desséché par un vent presque violent. Dès notre arrivée à Ubon, nous sautons dans un songtaew bondé, direction la gare routière. Nous traversons la ville en zigzague « faisant le laitier » pour déposer des passagers dans divers quartiers. Dans la gare routière, il nous faut attendre plus de deux heures, et c'est le temps qu'il nous faut pour manger une bonne soupe et regarder les matchs de boxe thaïlandaise à la télé. Comme tous les dimanches, les matchs se suivent, avec de la pub entre chaque round, et un public passionné s'excite devant l'écran. Plusieurs téléviseurs sont disposés dans différents coins de la gare, et devant chacun, un groupe d'hommes acharnés hurle à chaque coup porté comme des bêtes féroces se congratulent, encouragent leur favori ou s'arrachent les cheveux. Tous les prétextes sont bons pour parier de l'argent, mais ici, ils n'osent pas, les jeux de hasard, mise à part la loterie, étant officiellement interdits.

À 15h30, nous prenons enfin le car qui doit nous déposer à Paksé au Laos. Il nous faut traverser la frontière à Chong Mek, juste le temps de faire mon visa. Le prix est de 31 $, mais si je paye en bahts, on me demande 1300 bahts, ce qui correspond à 43 $... Pour Amnoay dont le visa est gratuit, on demande une « participation » de 50 bahts ( 1,25 euro ) juste parce que c'est le week-end ! Les policiers des postes frontière ont de rutilantes grosses voitures, et tout le monde sait pourquoi... mais aucun officiel ou représentant de la loi n'osera s'attaquer à ce problème de corruption: ce serait trop compliqué à expliquer aux braves gens ! Au Laos on peut pratiquement tout faire si l'on connaît quelqu'un qui représente la loi, et l'on ne peut rien faire contre quelqu'un qui représente la loi.

Lundi 24 décembre 2012.

Paksé ( Laos).

     

Nous nous sommes installés au Nang Noi guest house, un hôtel récent et très correct. Je vais à la Banque du Commerce avec quelques billets thaïlandais, et l'on me donne trois millions cinq cent mille kips. Je n'ai jamais eu une telle somme en poche ! Nous nous arrêtons dans un petit café pour boire deux sodas, et nous payons dix mille kips... Nous ne sommes peut-être pas aussi riches que nous pouvions le penser en sortant de la banque ! Nous allons au grand centre commercial, un immeuble à trois étages où l'on trouve vraiment tout. La plupart des marchandises viennent de Chine ou de Thaïlande. La petite ville de Paksé me plaît bien avec ses bâtiments propres aux façades de couleurs variées dont les balcons sont ornés de moulures. On retrouve un peu le style colonial dans ces nouvelles bâtisses, et les anciennes maisons de colons ont été réhabilitées et considérées comme un patrimoine culturel. Contrairement à la Chine et à la Thaïlande qui détruisent leur passé pour élever du clinquant et d'immenses tours de verre, on trouve ici une continuité dans l'architecture qui donne un charme à ces petites villes de province. Autre côté agréable: le calme et la bonne humeur des habitants sont communicatifs. Pourquoi courir quand on peut arriver en marchant? La circulation est fluide, et lorsque les feux de signalisation passent au vert, la nuée de motos démarre en douceur, presque sans bruit.

Dans la rue principale, on inaugure un nouveau magasin. On a disposé des tables couvertes de nappes blanches sur lesquelles on a posé des soupières d'argent, une bouteille d'eau et l'inévitable canette de soda. Quand nous repasserons, le soir, les tables sont loin d'être toutes occupées, et les convives, vêtus de leurs plus beaux atours, mangent d'un air morose, dans un pesant silence.

Mardi 25 décembre 2012.

Paksé ( Laos ).

     

Ce matin, devant le nouveau magasin, on a disposé une longue table sur laquelle sont alignés les grands bols à aumônes des bonzes, et des gens endimanchés défilent, plaçant dans les bols de la nourriture et dans des seaux en plastique, des objets de première nécessité: brosses à dent, rasoirs, savonnettes... Les femmes portent des sarongs et des chemisiers de soie, les hommes des chemises immaculées avec, parfois, une écharpe de soie en travers de la poitrine. Lors de chaque inauguration, de maison particulière comme de boutique ou de bâtiment officiel, on fait appel aux bonzes.

Le calme de la ville, le climat pas trop violent, avec de douces matinées et des après-midi d'été, tout cela nous incite à rester un peu plus à Paksé. Nous allons au marché du matin. Sous l'immense halle, c'est un patchwork de fruits et légumes aux couleurs si vives qu'on a parfois du mal à croire qu'ils ne sont pas artificiels. Les fruits du dragon, boules roses aux écailles se soulevant en pointes, côtoient les grappes brunes des longanes ou le rouge insolent de petits piments si forts que je n'oserais même pas manger un fruit les ayant touchés. À côté d'une pyramide de noix de coco velues, d’énormes durions dispensent leur odeur de fruits pourris. Mais ce n'est rien par rapport à la puanteur qui vient se mélanger aux fortes senteurs de poisson séché: une odeur de fiente, de corps en décomposition, d'indéfinissables miasmes sordides qui me rentrent dans les narines, me laissant à penser que cela me suivra partout dorénavant, tant je me sens soudainement imprégné. Cette exécrable odeur provient de fûts sans couvercles pleins à ras bord et dans lesquels on voit flotter dans une saumure jaunâtre, des morceaux de poisson pourri. Cela ressemble tout à fait à de la merde, mais avec une puanteur encore plus fétide. Et la marchande puise dans cette sauce peu ragoûtante de grandes louches qu'elle déverse dans des poches en plastique transparentes, ce qui rajoute le côté horrible de l'aspect à celui du fumet. Pourtant, cette infection est comestible puisqu'il s'agit d'un condiment, d'une sauce très salée de poisson faisandé à verser sur le riz au moment du repas. Et je peux dire que le goût est loin d'en être aussi méprisable que l'odeur !

     

La plupart des femmes portent le chapeau conique des paysannes, ce qui donne à leur regard un petit côté inquisiteur, car elles se sentent à l'abri, protégées sous le rebord de feuilles de lataniers. Des poissons noirs et luisants se trémoussent dans de larges cuvettes en aluminium. Ce sont des silures qu'on assomme et qu'on éventre sans même les avoir tués. De grosses grenouilles brunes, flasques comme des crapauds s'agitent au fond d'un seau... Des carpes, des poissons aux écailles dorées ou cuivrées, de longs spécimens argentés, sont exposés, parfois à même le sol. Les étals de bouchers côtoient les boutiques de marchands d'encens, et toutes les odeurs se mélangent, donnant un parfum douceâtre et un peu écœurant. Les gens sont charmants, toujours prêts à plaisanter et à se laisser photographier. Dans le sourd bourdonnement de ruche fusent de temps à autre des éclats de rire ou les cris de commerçants s'interpellant. Quel est le secret de ces gens pour avoir banni l'agressivité de leur existence ? Ils semblent heureux, et quand ils ont gagné suffisamment d'argent pour subvenir à leurs besoins ordinaires, ils se sentent riches. Mais malheureusement, le « progrès » les rattrape et les besoins créés par notre société de consommation aussi ; alors le Laos aujourd'hui, c'est encore un îlot de sérénité dans une Asie dont le dragon du commerce est en train de s'ébrouer frénétiquement.

     

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