Dernière modification: 22/03/2013

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Vendredi 14 décembre 2012.

Surin - Ayutthaya.

Voilà, c'est décidé, nous endossons nos bagages, et nous prenons le train pour Ayutthaya. Nous avons pris la solution la plus économique, celle du train gratuit pour Amnoay et à trente-neuf bahts ( un euro ) pour les étrangers comme moi. ( Pour trois heures de trajet ). Nous n'avons pas droit à un grand luxe ; les banquettes au revêtement de plastique crevé laissent apparaître une mousse sale et déchiquetée. Nous allons dans le fond du wagon à un endroit ou nous disposons de deux places sur une banquette correcte. Malheureusement, nous ne tardons pas à comprendre pourquoi, ces places sont libres : c'est dû à la proximité des toilettes dont la porte ne ferme pas. Dans l'échelle des odeurs fétides, je pense que par rapport aux WC de ce wagon, la porcherie semble plus proche de la fabrique d'eau de Cologne.


     

 

La saison des pluies est terminée, le riz moissonné, les champs de chaumes roussissent doucement au soleil. De grandes flaques d'eau éparses se peuplent de hérons plantés de-ci de-là comme des quilles. Les petites vaches couleur de daim sont bien dodues ; elles deviendront squelettiques à la fin de la saison sèche, en mai, quand l'herbe se fera plus rare. Un énorme buffle noir, semblable à un éléphant de mer échoué se vautre dans une flaque de fange noire. Seules, les aigrettes l'accompagnant donnent une impression de propreté dans ce paysage d'un brun jaunâtre. Pas de cocotiers. Rien à voir avec ces idylliques images d'Épinal où le paysan coiffé de son chapeau conique fait de feuilles de latanier tressées pousse une charrue de bois tirée par un buffle placide. Le motoculteur, et de plus en plus de tracteurs ont banalisé un décor qui rappelle plutôt la savane africaine avec des arbres dispersés dans des chaumes roussis. La chaleur a blanchi le ciel où quelques nuages s'effilochent. C'est la saison sèche, chaude le jour, fraîche la nuit que les Thaïs appellent « redou nao », c'est à dire saison froide. Bien entendu, cela n'a rien à voir avec nos hivers pluvieux et froids.

Surin et Buriram ne produisent que deux récoltes de riz dans l'année alors que, dans la plaine centrale irriguée par le fleuve Chao Phraya que les habitants ont appelé « Maenam », ( mère des eaux ) on fait jusqu'à trois récoltes. Mais ici, on a la fierté de récolter le meilleur riz, le plus recherché, ce riz parfumé qu'on appelle aussi, à tort certainement « riz jasmin ».

Arrivés à Korat, nous attendons presque une heure pour continuer le voyage dans le train qui passait à Surin vingt minutes après le nôtre. Bien entendu, il a presque une demi-heure de retard. En Thaïlande, les voies uniques obligent à de nombreux arrêts à chaque fois qu'il faut croiser un autre train. Parfois on doit même attendre sur une voie de garage qu'un express nous double. Aussi, il serait malvenu de faire la moindre remarque quand le train a du retard : on ne sait pas exactement quand on part, et encore moins quand on arrive. Un jour, je suis arrivé à Surin avec quatre heures de retard. Tout le monde dormait dans le wagon : les passagers profitaient du retard pour prendre un peu d'avance sur leur nuit de sommeil. C'est ça, la philosophie des gens d'ici : si l'on prend un inconvénient par le bon côté, il recèle toujours un avantage.

     

Nous arrivons à Ayutthaya à dix-sept heures. Le paysage est devenu vert, le ciel a pris des teintes plus chaudes, et l'animation de cette ville touristique donne un peu le vertige : des touk-touk pétaradants, des motos, de grosses voitures japonaises... La rue est un furieux torrent, une cascade de véhicules hétéroclites. Ces quelques jours à Surin m'avaient éloigné de cette trépidante réalité.

Le soir, pour garder nos bonnes habitudes, nous allons au marché de nuit « Hua Raw ». Sur cette place très animée dès la tombée de la nuit, au bord du fleuve, on peut manger un succulent poisson frit en observant quelques barques glissant silencieusement sur l'eau aux reflets d'étain jusqu'à se perdre dans de mystérieuses ténèbres sur des rives à la végétation luxuriante. Pas d'éclats de voix sur ce marché, juste quelques rires qui fusent de temps en temps, le frôlement doux des tongues sur le sol et l'aboiement d'un chien, là-bas, sur l'autre rive près d'un mystérieux temple au portail doré. Parfois, le marché s’illumine d’une immense flamme jaune qui monte dans le ciel ténébreux. Une explosion ? Personne ne semble prêter attention à l’incident. Il s’agit d’un cuisinier laissant volontairement sa poêle s’enflammer et répandant ainsi de virulentes vapeurs de piment frit qui font éternuer et tousser tout le monde alentour.

     

Ayutthaya fut dévastée par les Birmans au XVII° siècle, et cette ancienne capitale a toujours gardé un lien étroit entre l'opulence du passé et le présent trépidant et agressif. Des stupas de briques rouges ourlées d'herbes sauvages côtoient les façades de verre des immeubles ; on peut, au détour d'une large avenue, se retrouver dans un soi obscur et misérable où quelques vieilles gens prennent le frais en berçant un nouveau-né. Ayutthaya, le présent lui va mal, et elle semble déraper vers un monde qui n'est pas le sien.

 

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