Dernière modification: 05/08/2013

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Les "gens de Boast" ont intégré, dans leur patrimoine, cette légende qu'ils ont fini par considérer comme un fait historique. J'ai longtemps hésité à porter à leur connaissance ce qui va suivre, mais, au risque de les décevoir, je dois leur signaler que j'ai trouvé une histoire semblable dans les récits médiévaux européens, une histoire qui se passait à Shilda, en Allemagne, dans des temps si anciens que personne ne sait si cette histoire est authentique, ou s'il s'agit d'une légende... Mais au fait, pourquoi ne serait-ce point les gens de Shilda qui auraient voulu imiter ceux de Boast? L'histoire de l'âne aurait bien pu revenir vers Aix la Chapelle dans les bagages de Charlemagne, et subir quelques transformations en cours de chemin...
Mais peu importe ! Et voici l'histoire de la vache de Shilda :

La vache sur le vieux mur.

Monsieur le Bourgmestre parcourait Schilda pour s'assurer que tout, dans la ville, était dans l'ordre le meilleur. Il constata ainsi que sur le mur d'une maison qui s'était écroulée quelques années plus tôt par vétusté, il poussait de la belle herbe verte et des plantes aromatiques.
À l'hôtel de ville, lors de la réunion suivante, il évoqua cette situation fâcheuse et déclara que c'était péché et honte que de laisser les plantes pousser, fleurir et périr en vain là-haut. L'aubergiste du boeuf proposa alors de faucher cette verdure sur le mur. Celui qui rentrerait l'herbe pourrait aussi la donner en fourrage.
Mais il n'y eut aucun volontaire, ils trouvaient tous cette proposition trop dangereuse. Le mur était haut, et s'éboulait, personne ne voulait y grimper avec une faux ou une faucille au risque de se casser le cou.
Finalement, après de longs débats, le menuisier trouva une solution. Il dit : "Tant qu'à faire manger l'herbe par une bête, autant y faire monter cette bête elle-même, je pense." Cette proposition plausible fut adoptée à l'unanimité. On tomba d'accord aussi que cet honneur revenait à la vache du bourgmestre, puisque c'était lui qui avait découvert l'herbe et les plantes sur le haut du mur.
Le lendemain matin, la vache bourgmestrienne fut donc solennellement amenée au pied du mur. Le bourgmestre détacha le licou et dit: "Hé bien Minna, grimpe maintenant là-haut et broute ! " Mais Minna, la vache ne songeait pas le moins du monde à grimper.
On la poussa à six tout près du mur, le bourgmestre lui donna une tape sur l'arrière-train (l'arrière-train de la vache) Peine perdue, Minna ne voulait rien savoir.
Alors les Schildois allèrent chercher une longue corde, ils la nouèrent au cou de le vache récalcitrante, en lancèrent l'autre bout par-dessus le mur, et tirèrent, et halèrent, et se pendirent à la corde comme les sonneurs à la cloche de l'église.
Tant et si bien que la pauvre vache avait la langue qui lui sortait de la bouche. "Vous voyez, s'écria le tailleur, elle prend déjà de l'appétit !" Et les autres criaient allègrement : "Ho hisse ! Ho hisse ! Ho hisse !" Minna avait de plus en plus de mal à respirer. Sa langue se faisait de plus en plus longue. "Elle ne va pas tarder à brouter", dit le forgeron.
Mais elle ne brouta pas. Elle roula ses grands yeux bruns, elle gigota encore un coup, puis ce fut la fin. On relâcha la corde, on fit redescendre Minna à terre et l'on ne put que constater alors, qu'elle était morte. C'était une vraie misère.
Mais les Schildois, bêtes qu'ils étaient depuis quelques temps, ne prisaient guère les jérémiades. Ils abattirent donc Minna la vache et ils organisèrent un grand festin à l'Auberge du Boeuf. Avec la viande de la vache, au menu était annoncé : "escalopes de veau".
Minna la vache servie en escalopes de veau à l'Auberge du Boeuf, on comprend que le bourgmestre n'avait pas le coeur à manger.
"Chers amis, dit-il tout contrit, le trépas prématuré de Minna tient uniquement à notre sagacité et à notre intelligence. Si je n'avais pas remarqué l'herbe sur le mur et si je n'avais pas pensé qu'il fallait en tirer profit, la brave bête serait encore alerte et réjouie. Je crains que nous ne soyons pas encore assez bêtes". Les autres opinèrent de la tête l'air pensif.
Et l'herbe et les plantes continuaient de frissonner dans le vent d'été.

(traduit de l'allemand)


les autres contes: l'âne de Boast,   en direction de la lune,   le champ d'aiguilles,   la croix des lapins


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