légendes béarnaises de Boast

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LE CHAMP D'AIGUILLES

LO CAMP DE GULHAS

 

La terre n'est pas si fertile, entre Monassut et Ribarrouy, qu'on puisse y planter n'importe quoi. Bien au contraire, et les multiples tentatives pour varier les cultures traditionnelles et améliorer ainsi les rendements économiques ont été, le plus souvent, vouées à l'échec ! En dehors des céréales communes : escourgeon, blé, maïs... et d'un peu de vigne, il y a peu de plantations qui aient réussi. Les tentatives diverses, du tabac aux kiwis, en passant par le tournesol ou le colza, n'y ont guère connu de succès.

On raconte pourtant que, persuadé que tout ce qui a de la valeur doit venir de la terre, on s'efforce à Boast d'inventer des productions nouvelles et l'une d'entre elles était pour le moins originale. Ainsi lo costurèr ( le tailleur de vêtements ) se plaignait-il de voir disparaître toutes ses aiguilles « Si fragiles qu'elles se cassaient à la moindre résistance, si fines qu'elles se perdaient sur le sol à la moindre bousculade ». Il ne pouvait guère s'en procurer à Lembeye. Il fallait attendre les rares passages d'un colporteur ou bien aller au loin à Aire, ou à Pau, ou à Auch ; mais elles s'y vendaient à un prix fou qui le ruinait.

Ainsi déroulait-il sa litanie et ses concitoyens de l'écouter et de songer. Pourquoi aller chercher au loin ce que l'on pourrait trouver sans doute sur place. Et si l'on produisait à Boast ces petits bouts d'acier si fragiles, si fins, mais si rémunérateurs. Le premier chantre fut d'avis, comme le bedeau, que la terre de Boast qui pourvoyait à tant de choses, pourvoirait à cela aussi. L'on débarrassa le pauvre tailleur des aiguilles qui lui restaient et l'on alla planter ces aiguilles dans un petit champ que l'on avait apprêté avec soin pour cela et débarrassé de toutes ses plantes folles. Les mois passèrent, l'impatience des cultivateurs s'accrut. Mais aucune aiguille nouvelle ne poussa. Les herbes folles envahirent alors le petit champ. Lorsqu'on en arracha quelques-unes, on trouva seulement quelques bouts de fer rouillés : la semence s'était bien décomposée, mais n'avait rien donné.

On ne produit toujours pas d'aiguilles à Boast aujourd'hui, mais les filles de Boast ont la réputation d'être terriblement habiles et aussi économes. On dit qu'elles savent manier l'aiguille avec habileté, qu'elles sauraient en trouver une dans un amas de foin et qu'elles savent exactement aussi le prix d'un de ces petits bouts d'acier, si fragiles, si fins, mais si précieux.


les autres contes: l'âne de Boast,   en direction de la lune,  la croix des lapins


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Dernière modification: 05/08/2013