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Mon excursion dans le désert du Wadi Rum. Premier janvier 1975. La petite ville d’Aqaba dort encore quand je me poste sur la route d’Aman, le pouce levé. Je fais du stop pour aller dans le désert ! Un énorme camion ralentit dans un hurlement de freins et des grincements de ferraille torturée. Le chauffeur, un bédouin d’âge mûr, coiffé de son kéfié rouge et blanc a une bonne tête. Il roule au pas et me crie de monter. Il ne peut pas s’arrêter complètement car le vieux camion ne voudrait peut-être plus repartir. Quand il rit, son nez disparaît presque dans son énorme moustache. Je ne parviens pas à refermer la portière, alors il fait la chose la plus invraisemblable : il roule au pas, il me confie le volant, il descend, il court devant le bahut, il monte sur le marchepied côté passager, verrouille la porte, et, hilare, revient s’asseoir au volant. — « Quel âge as-tu ? me demande-t-il en criant pour couvrir le bruit du moteur. — J’ai 24 ans ! — Hé bien tu vois, le camion il est bien plus vieux que toi et il roule tous les jours entre Aman et Aqaba ! » Il me raconte des histoires qui le font rire, mais je ne comprends pas grand-chose. Pour lui, ce n’est pas important, il parle surtout pour se faire plaisir à lui-même. Devant mes pieds, il y a un petit poêle à pétrole allumé pour chauffer la cabine. Je lui fais remarquer que s’il se renverse on grille comme du chiche-kebab. Ma réflexion lui plaît beaucoup alors il tape sur le volant en riant aux éclats : « chiche-kebab ! chiche-kebab ! » Le compteur a rendu l’âme depuis bien longtemps, mais le chauffeur estime la vitesse à 60 km/h, ce qui lui semble très correct car il est chargé, et puis… il a le temps. Quand il me laisse au croisement de la route du Wadi Rum, nous étions devenus les meilleurs amis du monde et je regrette de ne pas aller plus loin avec lui. J’ai réussi à ouvrir la portière, j’ai réussi à la refermer et j’ai sauté du camion. Me voilà en plein désert, devant un petit panneau qui annonce « Diseh ». Une route rectiligne s’enfonce dans le désert et disparaît dans des lointains bleutés. Pas un véhicule, pas un chameau, pas un Bédouin, et le soleil monte dans le ciel, et la chaleur commence à Jm’inquiéter, quand une grosse Jeep de l’armée s’arrête. Ils vont au Wadi Rum. Je monte sur la plate-forme arrière avec quatre soldats souriants, visiblement heureux de me rendre service. Au centre de la plateforme, une énorme mitrailleuse pointe vers le ciel. Elle est abritée sous une bâche, mais je vois dépasser le canon. L’un des soldats me demande si je suis chrétien et quand je lui dis que je suis catholique, il me montre une petite croix suspendue à son cou : nous sommes devenus « frères ». Les autres se moquent de lui gentiment car ils sont musulmans. Sur la route, il n’y a pas de ponts, seulement des gués aménagés et bétonnés, alors à un moment nous sautons si haut que nous nous retrouvons debout. Je m’accroche à la mitrailleuse. Alors les sourires ont disparu : j’ai commis un acte sacrilège ! Il ne faut pas y toucher, « tatatata-boum ! » Elle pourrait tous nous tuer !... Je me demande s’ils n’ont pas peur de leurs propres armes ! Ils me déposent au poste des « Méharistes du Désert », une petite cahute de ciment entourée de tentes noires de Bédouins. Quelques dromadaires semblent errer dans le secteur à la recherche de quelque maigre végétal à mâchouiller tristement. Les Méharistes vêtus de leur tenue kaki semblable à un long manteau, des courroies de cuir en travers de la poitrine, le poignard devant la boucle de leur ceinture-cartouchière où brillent des balles en cuivre m’accueillent chaleureusement. Ils commencent par m’offrir le thé. Ils me posent tellement de questions que je ne sais si c’est par curiosité ou par souci professionnel. Il n’y a aucun hébergement de prévu sur place, personne ne viendra dans le désert en ce début d’après-midi, et ils me conseillent de repartir à Aqaba avec les militaires quand ils reviendront après avoir fait leur ronde dans le secteur. Je refuse de faire demi-tour, j’attendrai demain s’il le faut, alors ils me suggèrent d’aller chez les Bédouins qui peuvent peut-être m’héberger pour une nuit sous une tente. Soudain, un ronflement de moteur se fait entendre, et une petite Jeep bâchée arrive, dans un nuage de poussière. Quand je vois descendre deux couples de jeunes européens, je me sens sauvé. Ce sont des Italiens qui font le circuit et j’ai rencontré l’un d’entre eux hier soir lors de la fête du réveillon dans un restaurant. De plus, ils viennent de la région de Vérone, et ils parlent un dialecte qui ressemble à de l’espagnol, ce qui facilite les rapports. Ils me font une place dans leur jeep et je repars avec eux, soulagé de ne pas avoir à passer une soirée et une nuit avec les Bédouins car les distractions étaient nulles et les conversations s’annonçaient laborieuses. La traversée du Wadi Rum est une pure merveille avec un sable ocre, doré, prenant des teintes chaudes sous le soleil de l’après-midi. Les montagnes sont des falaises aux camaïeux de teintes brunes, rouges ou orange. Les Italiens chantent, ils ont même une guitare, et ils boivent de temps en temps du vin rouge… je me retrouve ainsi à fêter le nouvel an dans un décor merveilleux avec des gens dont la joie de vivre est communicative.
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