Dernière modification: 05/07/2012

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Rivière Kok.

Jeudi 2 février 2012.

Chiang Mai - Tha Thon.

Nous prenons un bus air conditionné très confortable jusqu'à Tha Thon, gros village à la frontière birmane, au nord de Fang. Personne n'aurait rien à faire en ce lieu s'il n'y avait la rivière Kok qui permet de rallier Chiang Rai en hang yao ( longue queue ). On appelle ainsi ces longues barques, dont le moteur, fixé sur un pivot et prolongé d'un long arbre d'hélice sert à la fois à la propulsion et à diriger la pirogue. Demain, nous descendrons la rivière Kok. Nous logeons à Nam Waan G.H, dans un si petit bungalow que le lit occupe toute la pièce. Il y a bien quelques moustiques, mais ils ne veulent pas de moi. Je me suis enduit d'un produit local tellement efficace que j'entends presque les cris de dégoût de tous les insectes qui m'approchent. Il peut y avoir quelques risques de malaria dans la région, et il est bien connu qu'il est très difficile de trouver un médicament préventif qui correspondrait au germe du secteur dans lequel on se trouve. La seule défense est donc de se badigeonner de produit qu'on trouve dans toutes les épiceries locales.

Le soir, nous allons manger un énorme poisson au restaurant Shnay Crainam avec un couple mixte : un Anglais de 70 ans et sa femme, une charmante Lilloise. Ils sont venus pour la première fois en 1971, à une époque où il n'y avait qu'un hôtel à Chiang Mai. Nous sommes bien d'accord pour dire que le changement n'a pas rendu le pays plus attrayant, mais heureusement, le sourire thaï est resté... Et c'est aussi cela qui nous fait revenir régulièrement, moi depuis 33 ans et eux depuis 41 ans !

 

Vendredi 3 février 2012.

Tha Thon - Chiang Rai. .

Le matin, nous prenons le temps de flâner le long de la rivière. Je vais au cybercafé. Le patron me dit qu'il va s'absenter jusqu'à midi, et me demande de mettre l'argent dans une boîte sur le bureau quand j'aurai terminé. Devant une telle confiance, j'espère que personne n'aura l'idée d'en profiter. Les gens sont aimables, calmes, souriants. Nos amis de rencontre de la veille décident de s'attarder ici un ou deux jours : cette ambiance leur convient. Il est vrai que l'on peut aussi ne voyager que pour s'imprégner parfois de la sérénité d'un lieu ou pour vivre quelques jours avec des gens accueillants dans une rassurante convivialité. On trouve ainsi parfois des Occidentaux attachés à des lieux où il n'y a rien à voir, rien à faire. Ce sont peut-être ceux-là qui ont raison : quand on ne fait que passer, on ne voyage pas réellement, car on ne prend le temps ni de connaître, ni de comprendre... Et comment aimer ce que l'on ne comprend pas ?

En ce qui nous concerne, en bons touristes, nous continuons notre chemin. Nous montons dans la hangyao avec quatre autres Occidentaux. Nous voilà sommairement installés sur le fond plat de la barque, sur de petits coussins à peine rembourrés, et sur les gilets de sauvetage. Le pilote, assis sur le plat-bord arrière à côté de la tige servant de barre et comportant la poignée d'accélérateur, lance le moteur dans un rugissement d'échappement libre ou presque. Aussitôt, la barque bondit, suivie d'une gerbe d'eau montant à la verticale au-dessus de l'hélice. Le moteur n'est autre qu'un moteur de voiture ne développant qu'une faible partie de sa puissance, mais permettant, le cas échéant, de remonter un fort courant. En ce qui nous concerne, nous descendons la rivière entre les rives tantôt ornées de panaches de bambous, tantôt habitées et cultivées. La montagne boisée, souvent saccagée par une déforestation intensive a livré toutes ses richesses à la cupidité des hommes. Elle devient bien triste. Les villageois fuient ces terres inhospitalières où cultiver une terre pentue et stérile devient plus difficile que de se louer dans la plaine comme manœuvre sur un chantier. Officiellement, on ne cultive plus de pavot depuis 1960, et les revenus de la vente de l'opium font défaut. Le gouvernement, et surtout la mère du Roi actuel ont travaillé à mettre en oeuvre des cultures de substitution : le thé, les fleurs sous serre, le sésame, les choux, le tabac, les fruits, les fraises... Le terrain étant peu fertile, il faut travailler sur brûlis, ce qui demande un énorme travail et contribue à saccager la montagne. Donc, les villages se dépeuplent, les routes viennent les désenclaver, et aident les habitants à porter leur misère en d'autres lieux. Le gouvernement qui a toujours souhaité assimiler ces tribus et ces ethnies du nord du pays arrive, petit à petit, à ses fins. Les autochtones perdent leur identité et ne s'habillent avec leurs tenues traditionnelles que lorsque le touriste apparaît à l'horizon. L'Occidental qui croit découvrir l'authenticité dans les villages qu'il traverse ne se rend pas compte de la supercherie. C'est tant mieux, tout le monde y trouve son compte. L'artisanat rural a lui aussi bien du mal à subsister, concurrencé par de petites entreprises mécanisées.

Nous allons d'une rive à l'autre, sans raison, nous semble-t-il. Notre hangyao louvoie entre des rochers noirs dont certains affleurent à peine. Le pilote connaît si bien le parcours qu'il serait capable de l'effectuer au clair de lune. Il sait à quel endroit il peut passer sans crever le fond de l'embarcation sur l'arête acérée d'un rocher immergé, il sait où se trouvent les bancs de sable qui forceraient les passagers à descendre, de l'eau jusqu'à la taille, pour soulever et dégager la barque. La rivière Kok prend sa source à deux cents kilomètres d'ici, au Myanmar. Bien qu'elle ne soit pas encore très importante, elle est très large par endroits, puis se rétrécit brusquement entre deux parois abruptes. Il faut alors se laisser entraîner dans quelques rapides. Dans ces moments-là, je me dis que ce n'est pas très prudent de n'avoir pas endossé son gilet de sauvetage, car la moindre collision avec un rocher entraînerait un beau chavirage. Le pilote, le cou tendu, le regard scrutant la surface de l'eau joue de la barre et de l'accélérateur en virtuose. Les hautes montagnes deviennent de basses collines, l'eau se change en miroir, et nous faisons une halte dans un petit village où des touristes font des promenades à dos d'éléphant. Ils vont par un sentier en sous-bois qui leur donne l'illusion de traverser une jungle, puis on fait patauger le pachyderme dans la rivière, le cornac fait semblant de perdre sa sandale qui part au fil de l'eau, l'animal la récupère avec sa trompe, et la lui rend. Les touristes font alors des « oh ! » et des « ah ! » d'admiration, et tout le monde est satisfait.

 

    

 

Nous arrivons à Chiang Rai, ville sans grand attrait. Il y a trente ans, je me souviens de maisons de bois sombre parfois bancales bordant une rue calme. Aujourd'hui, les larges avenues et les immeubles des banques font ressembler Chiang Rai à n'importe quelle ville de Thaïlande. Le Mae Hong Son G.H où nous déposons notre sac est un bien sympathique petit hôtel avec de petits coins intimes entourant un patio. C'est situé à l'écart de l'agitation urbaine, on n'entend que les tourterelles, et le gazouillis léger de gros moustiques noirs. Aucun n'ose me mordre ( les Thaïlandais emploient le mot cat qui veut dire mordre ). Je dois être, pour eux, une boisson frelatée ou un repas avarié avec mon odeur de lotion à la citronnelle !

En fin d'après-midi nous nous rendons au marché « Night Bazar ». C'est ainsi que les gens appellent le marché de nuit, et avec une telle appellation, avant d'y aller on sait déjà ce qu'on va y trouver : tout ce qui peut combler d'envie le touriste à la recherche d'objets exotiques. La rue, encombrée de triporteurs, de camionnettes ressemble à une ruche où chacun s'affaire. Les vendeurs s’installent avec une surprenante rapidité. Ils ouvrent des malles dans lesquelles les vêtements sont déjà sur des cintres, les présentoirs tout installés. La plupart d'entre eux font deux marchés par jour sept fois par semaine... Ils sont aussi rapides que des mécaniciens de formule 1 dans un stand de ravitaillement. En deux coups de cuillère à pot, tout est exposé. Malheureusement, le ciel noircit avant que le crépuscule ne vienne obscurcir la ville. Un énorme nuage noir s'étire au-dessus de nos têtes. Les petits commerçants ont tous le nez au ciel et ils s'affairent à tendre des plastiques transparents, offrant involontairement un superbe spectacle de jeux d'ombres chinoises. Soudain, un éclair illumine cette scène insolite et presque simultanément, comme si l'on nous lançait une bassine d'eau, d'énormes gouttes dessinent des étoiles sur le sol. Elles sont aussitôt si rapprochées qu'elles forment un rideau presque opaque. Tout ruisselle : les parasols du marché, les bâches tendues en vitesse, les caniveaux qui débordent jusqu'au milieu de la rue. Des cascades tombent des toits, car en Thaïlande, aucune maison n’a de gouttières. Je crains que de gros grêlons ne viennent troubler la fête, mais il paraît qu'il ne grêle jamais ici. De temps en temps, un commerçant armé d'un manche à balai soulève sa bâche par en dessous, ce qui provoque une cataracte chez le voisin, et... quelques remous. Au centre d'une place bordée d'échoppes proposant des plats tout préparés, des tables et des chaises pliantes ont été disposées. Les clients déménagent avec le mobilier sous le marché couvert où les commerçants n'ont pas encore ouvert les coffres contenant les marchandises. Tout se passe dans les rires et la bonne humeur, même pour celle qui reçoit les cataractes du voisin et qui finit, elle aussi armée d'un balai par soulever sa bâche. L'averse cesse aussi brutalement qu'elle a commencé, les étalages se découvrent, les acheteurs ne sont pas bien nombreux, le marché est bien triste.

Nous revenons à l'hôtel en touk-touk. J'ai bien recommandé au conducteur de ne pas jouer les acrobates. Il conduit donc lentement sur une chaussée luisante reflétant des néons multicolores. Pour rajouter un peu de joie à cette fête, devant notre nez, des rampes de lumières s'allument ou clignotent : rouges quand il freine, bleues quand il accélère et vertes quand il décélère. Même si nos yeux commencent également à clignoter, nous sommes au spectacle !

 

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