Carnet de voyage
Thaïlande et Laos
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Lundi 19 février 2018. Surin – Ayutthaya (en train)
Aujourd’hui, je pars
pour le sud du pays. Je compte faire le voyage en VTT, mais je suis
obligé, par manque de temps, de m’avancer jusqu’à Ayutthaya en train.
Encore un voyage vers Bangkok dans un wagon infernal à cause du bruit,
de la chaleur et des secousses ! À force d’emprunter cette ligne, je la
connais mieux que la plupart des voyageurs qui sont ici, dans le train.
Je suis allé jusqu’à la gare de Lamchi, cette mignonne petite gare
colorée et fleurie, et j’ai de la chance que le train soit dix minutes
en retard, car je croyais qu’il partait à dix heures alors qu’il est
prévu à 9 H 50. On s’habitue à ces retards systématiques et finalement,
c’est beaucoup mieux ainsi ! D’ailleurs avec cette réputation de manque
de fiabilité, en fin de compte, personne n’est jamais en retard, car si
on a un rendez-vous à dix heures à Bangkok, on ne prendra pas le train
qui arrive à dix heures moins le quart, mais plutôt celui qui arrive à
huit heures ! Avec ce système, on est plutôt en avance à son
rendez-vous ! Six heures trente de voyage… Je ne trouve pas le temps
long, car il y a comme toujours la noria de vendeurs de café, de
boissons, de poulet et de fruits, et puis je m’amuse en observant les
voyageurs. Il y a le paysan un peu arriéré, avec son sac de riz ou de
maïs qui semble un peu effarouché, il y a quelques étudiants et les
familles entières, avec des enfants capables de rester assis sans
déranger personne. Quand le train arrive à Ayutthaya, il pleut un peu ce
qui rend le climat plus supportable. Je vais jusqu’à l’hôtel « Ayuthaya Thanni » et quand je débouche d’une ruelle, près du marché « Hua Ro », je tombe sur une procession qui occupe toute la rue sur plus d’un kilomètre. C’est le Nouvel An chinois. De superbes jeunes filles ou des femmes beaucoup plus âgées arborent des vêtements rouges et or, ou des robes longues en soie bleue ou jaune. Il y a peu d’hommes dans ce défilé, sauf des soldats d’une autre époque coiffés d’un imposant goupillon poilu, ou des musiciens. On croirait entendre l’harmonie municipale de Saint-Jean-de-Luz. D'ailleurs, les instruments sont les mêmes, il ne manque même pas le « chistu ». Sur des voitures décorées comme des chars de corso fleuri, on a disposé des autels avec des divinités chinoises que je ne connais pas, et parfois un bouddha thaï doré. Ce qui m’étonne, c’est que le bouddha chinois ventru et hilare n’a pas été invité ! Par contre, les dragons sont de la fête ! Supporté par des perches tenues à bout de bras par des jeunes gens, le corps doré du dragon, long d’une quinzaine de mètres ondule, se contorsionne, s’enroule sur lui-même en bousculant les spectateurs amassés tout le long du trajet. Quand il se calme enfin et que sa grosse tête aux yeux globuleux vient voir de près tous ces gens qui s’agitent ou s’amusent, les personnes qui souhaitent sa protection viennent jeter des billets de vingt bahts dans sa gueule béante. Le dragon est un être protecteur apportant le bonheur, la chance, donc on le respecte. Il est rouge ou doré, ni vert ni bleu qui sont les couleurs réservées aux êtres maléfiques. Un jour, en Chine, j’avais montré une image de Saint-Georges monté sur un destrier affolé, terrassant un dragon vert à la gueule rouge sang, et les gens restaient stupéfaits devant un tel blasphème. Pour nous le dragon est un monstre horrible, pour les Chinois, Saint-Georges est un iconoclaste qui mérite les pires tourments ! Le centre d’Ayutthaya est un immense marché où l’on trouve tout ce qu’on aime manger, car une fête sans nourriture à foison serait une fête ratée ! Je n’ai pas vu d’insectes frits, mais parmi de délicieuses pâtisseries ou de succulents plats au curry ou au gingembre, j’ai vu des choses bizarres que je n’aurais même pas pu essayer de manger. C’est comme le dragon, ce n’est pas bon pour tout le monde !
Le soir, je vais dîner
sur la place au bord de l’eau, mais mon « chef poisson » qui met
régulièrement le feu à sa poêle n’est pas là. Tout le monde est à la
fête chinoise. Il n’y a que les marchands de nourriture musulmans. Je
demande si je peux boire une bière achetée à la supérette, on me répond
oui parce qu’on n’ose pas refuser… Quand je demande un verre, je vois
bien que la serveuse au visage serré dans un foulard noir est
embarrassée. Elle finit par m’apporter un verre en plastique qu’elle est
allée chercher je ne sais où. Je comprends la raison : on ne peut pas
mettre de l’alcool dans une timbale en inox du restaurant ! J’ai vécu
deux ans en Iran, trois en Tunisie, avant cette montée de l’islam pur et
dur, et je n’ai jamais vu des gens aussi radicalisés. D'ailleurs, la
plupart des musulmans buvaient de la bière, ce n’est que le vin rouge
qui leur était interdit. Ce soir, la clientèle sans exception est
musulmane, et il n’y a pas une femme sans foulard. Je ne suis pas le
bienvenu avec ma bière et mon petit Bouddha en pendentif, alors on sert
des clients arrivés bien après moi en priorité, on me fait attendre et
je suis sur le point de partir discrètement quand mon plat arrive. C’est
un bon poulet au curry, et ça me ramène à de meilleurs sentiments. Je
vais ensuite commander une crêpe à la banane à une dame au foulard bien
serré sous le menton, à un stand voisin, et je me rends compte qu’elle
sert les autres avant moi… Ce coup-ci je m’éclipse discrètement : sa
crêpe, elle la donnera à quelqu’un d’autre… J’ai toujours vécu sans
problèmes parmi des populations musulmanes, mais y a de cela quelques
décennies. Maintenant les rapports deviennent plus difficiles, car on
tombe sur des gens qui font du prosélytisme et qui méprisent ceux qui ne
font pas partie de leur « clan ». En Thaïlande, ces musulmans viennent
des provinces du sud, à la frontière de la Malaisie, et ils sont là en
envahisseurs, insidieusement. Ils ont pour mission de convertir les
bouddhistes, et la tâche est facile, car ils payent pour cela en
apportant des aides financières aux familles en difficulté. Les
Thaïlandais se méfient, ne disent rien et ils supportent… Ou du moins,
ils en donnent l’impression !
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