Mercredi 10 janvier
2018.
Chong Mek - Phiboon.
47 km.
Toute
la nuit, un idiot de coq a braillé, me réveillant à deux heures, et je
n’ai pas pu me rendormir ! Quand je somnolais, je rêvais de coq au vin,
car j’aurais bien vu le stupide animal dans un plat, bien rôti ! Le coq
de combat thaïlandais est un animal stupide, énorme, qui voudrait
devenir aussi gros qu'une autruche... On voit parfois des gens se
scandaliser parce qu’un villageois porte plainte contre son voisin à
cause du coq. Bien sûr, ça paraît surprenant, surtout pour un citadin
qui n’a du coq que l’image de ses livres d’enfance : le bel animal au
poitrail flamboyant, juché sur un tas de fumier, et poussant son cri
mélodieux vers un énorme soleil levant… Ce ne sont que légendes
enfantines ! Le coq, s’il est en liberté dans le jardin, il est capable
de brailler toute la nuit, en Thaïlande comme en France. Je dis bien
brailler, car je ne sais quel hurluberlu a décidé un jour, que le coq
chantait ? Le cri du coq n’a rien à voir avec l’irrinzina basque ou le
you-you marocain, bien plus mélodieux qui ne sont pourtant pas classés
parmi les chants du monde.
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Je n’ai pas beaucoup
dormi, mais je pars tout de même à sept heures, avec un petit air frais
et un ciel sans nuage. Je grimpe les petites côtes sans transpirer,
c’est comme chez nous par un beau matin de juillet. De plus, je suis
presque seul sur une route à voies séparées. J’arrive à Phiboon avant la
chaleur, à dix heures.
L’après-midi, après une sieste réparatrice qui atténue un peu mes
rancœurs contre le stupide gallinacé de la nuit dernière, je flâne un
peu dans la rue. Je ne trouve pas grand-chose d’intéressant. Les rues
des villes thaïes sont toutes aussi moches. Elles sont bordées de blocs
hétéroclites, à deux niveaux, et le premier étage semble toujours
inhabité. Je n’ai jamais vu personne ni au balcon, ni à la fenêtre. Il
est vrai que lorsque les magasins ferment, pas tous à la même heure, les
habitants se réunissent dans la boutique même, mettent un tapis sur le
sol, y déposent les différents mets du repas du soir, et les voilà tous
en rond, accroupis ou assis tailleur en train de dîner ! Dans la
journée, les marchandises sont exposées sur le trottoir, et il n’y a pas
d’autre solution, pour le piéton, que de marcher dans la rue !
Je m’amuse un peu quand vient l’heure de la sortie des classes ; les
élèves s’entassent dans des camionnettes, voyagent debout sur le
marchepied arrière, la maman met ses deux, parfois ses trois rejetons
sur la moto et tout ce beau monde défile sous le nez d’un agent de
police qui ne penserait même pas à demander aux motocyclistes de porter
un casque. D’ailleurs, à propos du casque, il y a une obligation de le
porter uniquement pour le pilote. Le passager peut ne pas en mettre.
Jeudi 11 janvier
2018.
Phiboon - Warin. 46 km.
Vague
de froid durant la nuit et vent glacial ce matin : il ne fait que 14°,
et tout le monde est frigorifié. Je ne sais pas pourquoi, mais moi
aussi. J’attends donc que la température soit plus clémente, vingt-deux
degrés environ. C’est pour ça que je ne pars qu’à neuf heures et demie.
Le soleil est sorti, un petit vent complice me pousse dans le dos, et
j’entends mes pneus chanter sur l’asphalte. Je ne mets que deux heures
pour rallier Warin, et j’arrive en pleine forme. Je m’installe à l’hôtel
Srikoulap car
demain je dois aller à Surin, et le train ayant un wagon de marchandises
pour mon vélo ne part que demain à sept heures.
Maison typique en bois de teck.
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Je vais manger mon plat
préféré : du canard rôti, et je musarde dans le quartier de l’hôtel,
près de la gare, dans la
gare et même dans les trains. Ici, rien n’est interdit, et c’est à
chacun de juger si ce que l’on fait est gênant pour les autres. Les
seules choses inacceptables sont de critiquer la Famille Royale
(remarquez que j’ai mis une majuscule !), de manquer de respect au
Bouddha et de désobéir aux autorités. La liberté d’expression, le droit
à l’information, les Thaïs n’y attachent pas grande importance ; ce qui
les intéresse, c’est tout à fait matériel il faut qu’on leur permette de
gagner de l’argent. D’ailleurs, pour les vœux, nous qui sommes des
idéalistes, nous disons « Bonne Année, et surtout bonne santé ». Eux ils
souhaitent la bonne année en espérant « avoir beaucoup d’argent ». Quand
ils boivent l’apéro, ils ne disent pas « santé », comme nous, ils disent
« chok dee », ce qui signifie « bonne chance », et au fond
d’eux-mêmes, ils pensent : « bonne chance à la loterie ». Quand vous
faites un cadeau, il serait malvenu de cacher le prix et ce qui est
gênant, c’est que si l’étiquette n’y est pas, ils peuvent très bien vous
demander combien vous l’avez payé. Ce matérialisme va tout à fait à
l’encontre de la morale bouddhiste, et pourtant on trouve même des
temples comme le Wat Sothon (à Chachoensao) où le Bouddha est réputé
pour aider à gagner au jeu. Alors, on vend des billets de loterie dans
le temple ! Ce sont toutes ces ambiguïtés et ces paradoxes qui rendent
parfois les gens difficiles à comprendre. Je reviendrai, plus tard en
détail sur le réputé « sourire thaï » que nous prenons pour un sourire,
mais qui n’en est pas vraiment un en réalité.
Vendredi 12 janvier
2018.
Warin - Surin. (train).
De Ubon à Surin, je reviens en train pour éviter la monotonie du paysage
et la circulation trop importante sur cette grande route. Il fait
vraiment froid dans le train, environ 17°, et je grelotte car je n'ai
même pas une chemise à manches longues. Je crois être seul dans le wagon
quand soudain, je remarque un gros pompon jaune dépassant au-dessus d'un
dossier. Il s'agit d'une jeune fille coiffée d'un
bonnet de ski style "haut
de forme" assez comique. Elle est emmitouflée dans un gros anorak et a
fait passer l'écharpe devant le bas de son visage à cause des courants
d'air. Je la trouve comique, mais elle rit de me voir en short et
manches courtes !
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