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Le "bus" nommé "songtaew"


un champ de piments


un paysage monotone

 

Samedi 13 février 2016. 

Non Din Daeng - Aranyaprathet : 88 km. 

Je pars de l'hôtel à 7h30 avec un petit air presque frais. ( Je parle « d'air » je veux bien dire le zéphyr parce que moi je n'ai plus l'air très frais. ) Je commence à fatiguer ! La route est très fréquentée, trop étroite pour une circulation aussi importante et toujours pas de bande d'urgence ; donc je suis obligé de rouler presque sur la chaussée. Si les poids lourds respectent les distances de dépassement, je ne peux pas dire la même chose pour les voitures, et surtout pour les motos qui me frôlent. Certains arrivent même en face à contre-sens. C'est pas toujours facile ! À quelques kilomètres de Non Din Daeng, je trouve sur le bord de la route beaucoup d'enfants qui vendent des couronnes de fleurs ce sont des fleurs jaunes enfilées sur un collier alternant avec des pétales de jasmin. En principe on donne ce collier aux gens qui partent pour un grand voyage, qui reviennent d'un grand voyage ou qui vont entreprendre des démarches périlleuses. L'explication je l'ai quelques kilomètres plus loin : j'entame une longue descente assez pentue sur une chaussée humide, dans une forêt. Tous les camions descendent au pas, « cul à cul », comme on dit. La route est étroite, mais comme personne n'arrive en face, je double cette interminable procession. J'atteins même  la vitesse de soixante kilomètres par heure. Heureusement, avant d'arriver à un virage assez serré, j'essaye mes freins : je suis sur une patinoire ! L'humidité de la route est couverte d'huile et d'autres substances provenant des camions. Je me félicite d'avoir de bons crampons sur mes pneus. Je comprends alors pourquoi les voitures ne doublent pas, pourquoi les camions roulent au pas, et je comprends aussi pourquoi on vend des colliers porte-bonheur avant d'entamer cette périlleuse portion de route ! La descente est longue de cinq kilomètres, et je rattrape même un camion peint comme un arbre de Noël parti en même temps que moi il y a 25 km ! La fraîcheur dans la descente, le plaisir d'avoir roulé vite, tout ça m'a redonné le moral. 

Cependant, la morne plaine est redevenue mon décor familier, la chaleur devient écrasante. Le soleil chauffe la route, me cuit le dos, me rôti la tête ! Je suis une brochette, une saucisse sur un gril ! Les gens qui me voient passer doivent me prendre pour une merguez à roulettes ! Il est onze heures, le soleil est presque au zénith et il fait un bon trente-sept degrés. Je m'arrête tous les dix kilomètres pour remplir le bidon et pour me réhydrater. Lors d'un de ces arrêts, je bois une bouteille d'un demi-litre d'eau cul sec sous le regard incrédule de deux consommateurs. Mon regard vers eux doit également trahir mon étonnement : ils boivent de l'eau de vie frelatée fabriquée à partir d'un mauvais alcool de riz ! L'alcoolisme et la chaleur ne font pas bon ménage ! Pourtant, en Thaïlande, il y a des buveurs invétérés dans chaque famille. Ils ne vivent pas très vieux. Le samedi et le dimanche, ils commencent à consommer de l'alcool dès potron-minet ! À midi ils sont ronds comme des portions ! 

Je ne vois pas arriver la fin de mon étape... Encore huit kilomètres, puis six, puis trois... Je rêve tellement de douche froide que je n'arrive même pas à Aranyaprathet. Je m'arrête au premier hôtel dans les faubourgs de la ville. La douche chaude, puis progressivement plus fraîche me remet sur pied. Je vais au restaurant de l'hôtel, et je dévore une côte de porc avec une assiette de frites. Tiens ! J'avais faim, aussi !

 

Dimanche 14 février.

Aranyaprathet 20 km. 

 

 

Jour de repos. Il fait trop chaud ! Alors je vais jusqu'à la frontière du Cambodge, juste pour ne pas passer la journée dans ma chambre. C'est un véritable chaos, au poste-frontière. Il y a des camions partout, des cars, une voie ferrée qui ne mène nulle part, des esclaves cambodgiens tirant ou poussant des charrettes débordant d'énormes ballots, des démarcheurs proposant leur « aide » pour faire le visa, des vendeurs de sorbets, de grillades de poulet... Je me sens tout petit dans cette confusion générale ! Je suis bien content de ne rien avoir à faire ici, ça me permet de fuir ! 

 

 

À quelques kilomètres de cet enfer bruyant et agité, je visite un jardin tout fleuri. C'est mieux !  En arrivant à l'hôtel, je fais un petit tour dans le temple voisin, le Wat Khao noi. Parmi des arbres effeuillés, ( c'est la saison qui veut ça ) un joli petit temple luit, étincelle, de toutes ses couleurs vives sur un ciel lapis lazuli. Des jeunes filles Cambodgiennes travaillent à l'entretien de l'édifice. Elles ont vingt ans, l'âge où les filles sont en fac dans des pays moins défavorisés. Elles ne parlent ni thaï ni anglais, elles sont certainement en situation irrégulière... Je leur fais peur. Pourtant, même si elles n'ont pas connu la sinistre période Khmers Rouges des années soixante-dix, ni la triste occupation viet qui a suivi, elles pensent qu'elles ont de la chance par rapport à leurs parents. Tout est relatif !

 

Ce n'est pas Lourdes, mais ça y ressemble : après sa guérison, un infirme a laissé sa béquille près de l'arbre sacré devant le temple.

Comme je trouve mon VTT peu dynamique, ces temps-ci, je lui ai fait faire un petit stage au pied de l'arbre... pour voir !

 

Durant les sinistres années où la folie meurtrière de Pol Pot extermina un tiers de la population, Aranyaprathet accueillait les réfugiés dans des camps gérés par l'ONU. Il y avait de nombreux camps tout le long de la frontière. Il y en avait aussi pour les réfugiés laotiens, à Nong Khay notamment. Il y en avait en Malaisie, aux Philippines pour les réfugiés vietnamiens... À l'époque, on ne laissait pas les malheureux fuyant l'horreur livrés à eux-mêmes, on ne les abandonnait pas !

 

Lundi 15 février 2016.

Aranyaprathet - Klong Tha. 55 km.

Je déjeune à l'hôtel avec une bonne soupe de riz. J'ai été gâté dans cet hôtel comme si j'étais le fils de la maison. Hier soir le patron m'a même offert gratuitement un délicieux dessert à la noix de coco. Aujourd'hui on me fait la soupe de riz sur commande avec de la viande hachée de porc, et un œuf dans le grand bol... je sens que je vais pouvoir tenir la route ! Il ne fait pas trop chaud, le soleil n'est pas encore sorti des nuages ; il est huit heures quand je pars. Il y a beaucoup de circulation dans la ville parce que c'est l'heure où tous les écoliers et les collégiens vont au travail. Il y en a partout ! Sur les trottoirs, en vélo, les plus âgés à trois sur une moto... Des fourgonnettes débordent d'enfants. Certains sont même installés sur le toit ! Quand je pense aux consignes draconiennes de sécurité en France ça me donne envie de rire. J'aimerais savoir s'il y a de nombreux accidents ? Je pense que les enfants sont tellement habitués à vivre dans cet équilibre précaire qu'ils ont à la fois conscience du danger, et mépris des règles de sécurité les plus élémentaires !

La route est tranquille dans un paysage un peu plus variés que celui que j'ai connu jusqu'à présent. Sur ma gauche à quelques dizaines ou centaines de mètres, je longe la frontière cambodgienne. Les champs sont labourés, on cultive surtout de la canne à sucre et des ignames. Sur ma droite quelques montagnes commencent à apparaître : des petites collines. Par moments des montagnes un peu pointues comme des fantômes. La route me semble plate, mais quelque chose, insidieusement me force à appuyer sur les pédales sans que je m'aperçoive que la route monte. C'est parfois inquiétant, parce que je n'avance pas, j'ai de gros efforts à fournir et j'ai l'impression d'être sur une route plate. Comme ma montre comporte un altimètre ( car que j'ai une montre qui fait altimètre, météo, compas... un véritable ordinateur au poignet ) je constate qu'effectivement la route monte ! Ça me rassure. À chaque intersection, des militaires, dans un petit poste grillagé, semblent s'ennuyer. Il y a quelques années, la situation était tendue entre la Thaïlande et le Cambodge, mais aujourd'hui les relations sont redevenues amicales. Vers dix heures, le soleil apparaît et il chauffe terriblement. Je comptais aller jusqu'à Soy-Dao, à 86 km, mais finalement je m'arrête à Khlong-Tha, au bout de 53 km parce qu'il fait trop chaud. Je n'arrive plus à me rafraîchir. J'ai beau m'arrêter pour boire des boissons fraîches, rien n'y fait j'ai l'impression que mon sang est en train de bouillir. Je trouve un « resort » où ils n'ont rien trouvé de mieux que de peindre la chambre en violet. Une chambre sans fenêtre... c'est sinistre, mais c'est original ! Je vais manger dans un petit restaurant où ils ne voient jamais de touristes et où ils me servent un « Khao phad » ( riz frit ) à tomber à genoux ! Un régal pour même pas un euro ! Il y a un « Seven-eleven » à qui je ne fais même pas l'honneur d'une visite, et ça c'est très rare ! Je reviens dans ma sinistre chambre violette pour faire une sieste avec l'air conditionné. Je n'ai pas le choix il n'y a pas de ventilateur. Les chambres avec ventilateur ont tendance à disparaître pour cette climatisation qui ne me convient pas... Dès que je ressors, le soir j'ai l'impression en ouvrant la porte, d'entrer dans un four.

 

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