Dernière modification: 29/04/2014

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Mardi 14 janvier 2014.

Surin.

Je me réveille en forme, mes ennuis intestinaux ont disparu, après cinq jours pendant lesquels j’ai eu peur de finir par me liquéfier…

À Bangkok, le cirque continue, on ne sait toujours pas pourquoi puisque la manifestation ne devait avoir lieu que le 13. Ce qui me surprend, c’est que ni hier ni aujourd’hui la police n’est présente dans les rues. Pas un policier, pas un militaire. Contrairement à chez nous, il n’y a eu aucune déprédation, pas de saccages, pas d’échauffourées. Ici, l’autodiscipline est parfois surprenante.

 

Mercredi 15 janvier 2014.

Surin.

Ce matin, il y avait une petite grenouille dans ma salle de bains ! Elle a des ventouses au bout des doigts, c’est pour tenir sur le carrelage, et même au plafond si elle le souhaite. Elle est grosse comme une mandarine ; elle fait le ménage en mangeant tous les petits insectes. Elle ne chante pas, elle se laisse prendre dans la main… elle aura droit à un peu de foie gras si elle est toujours là pour la St Sylvestre !

J’ai retrouvé ma santé, et je me risque même vers le centre-ville aujourd’hui. À Bangkok l’occupation des grands axes continue, la police ne fait rien pour disperser les quelques dizaines de personnes qui bloquant chaque artère principale… Difficile à comprendre. Par contre au cours de la journée d’hier, de nombreuses manifestations ont eu lieu en province où les "chemises rouges" demandent des élections. Tout comme « Paris n’est pas la France », Bangkok n’est pas toute la Thaïlande…

Ce matin il fait frais, seize degrés, mais le thermomètre va peut-être monter jusqu’à trente dans l’après-midi. C’est un bon hiver non ? Je vais à Surin faire quelques achats et il me semble que je sors de prison : il y une semaine que je ne mets pas le nez dehors, alors je me sens libre ! Cet après-midi, quelques vaches sont venues me rendre visite dans notre cour. Elles ont reniflé quelques fleurs, et les trouvant un peu rachitiques, elles m'ont laissé un peu d'engrais dans les allées. Sympa les vaches par ici !

 

     

 

Jeudi 16 janvier 2014.

Surin.

L’occupation de Bangkok continue, et cela devient une grosse foire. Des revendeurs de vêtements se sont installés à côté de marchands de brochettes et d’étalages de fruits… La rue se change en marché, la fête s’essouffle, la vie reprend le dessus. Entre les façades de verre teinté et d’aluminium anodisé, devant des boutiques de luxe et des hôtels cossus, la précarité arrive, s’installe lentement dans des quartiers où elle n’a pas les moyens de vivre.

 

Lundi 27 janvier 2014.

Thaïlande.

Et la situation reste toujours aussi confuse… il faudrait être dans le secret des dieux pour y comprendre quelque chose ! Bangkok est toujours bloquée par des barrages sur certaines avenues, « les pécores à sifflet » ne savent plus s’ils sont à la fête ou en train de revendiquer… mais revendiquer quoi ? Ils ne savent pas ! On les paye pour bloquer la ville, alors ils bloquent la ville. On leur donne des pancartes demandant le départ de Taxin, alors que Taxin ( ancien premier ministre ) est en exil depuis sept ans et que sa sœur élue premier ministre a dissous le parlement… Pas un policier dans les rues. L’état d’urgence a été décrété, et pourtant, bien que les réunions de plus de trois personnes soient théoriquement interdites, les groupes de manifestants sont toujours là… Le Bangkok Post, journal anglophone, a présenté la photo d’un policier faisant une petite sieste parmi les manifestants, le révolver posé sur une table à côté de lui. Il s’agit bien entendu d’une mise en scène grossière, car je n’ai jamais vu un policier enlever le révolver de son holster pour le poser sur une table.

Hier dimanche, c’était le jour des élections, et à Bangkok, les manifestants ont bloqué tous les accès aux bureaux de vote. Encore une fois, pas un policier dans la rue. Les votants dépités ont manifesté des signes d’énervement, mais ce n’est pas allé plus loin. Ils n’ont pas répondu à la provocation, ils n’ont pas voté ! Les élections auront à nouveau lieu le 2 février. Tout cela devient bien préoccupant, car l’inquiétant personnage, Suthep, parade dans les rues avec un sourire hargneux, les gens sur son passage lui donnent des billets de 1000 bahts ( 25€ ). Il fait des discours enflammés en agitant le poing, et sa lippe méprisante devrait mettre sur leurs gardes les gens lucides, mais ils se laissent bercer par des discours dénués de bon sens, et ils entendent exactement ce qu’ils ont envie d’entendre. Cet ultra-royaliste xénophobe, protectionniste, patriote acharné, arborant à tout instant le drapeau national souhaite prendre le pouvoir sur un coup d’État, comme il l’avait déjà fait en 2006. On peut voir des barrages de sacs de sable en travers des avenues ; un seul tracteur protégé par un groupe de policiers suffirait à nettoyer les barrages, mais les policiers restent confinés dans leurs postes, les militaires ont protégé l’entrée de leur caserne avec des sacs de sable et restent comme des animaux de zoo derrière les grilles cadenassées par les manifestants. ( à croire que dans l’armée, les pinces coupantes ne font pas partie du matériel !)

C’est cette apparente complicité des forces de l’ordre avec les manifestants, ce laxisme devant quelques groupes de personnes empêchant des élections démocratiques de se dérouler normalement qui rendent la situation incompréhensible. Suthep ne verrait pas d’un mauvais œil une guerre civile grâce à laquelle l’armée se verrait obligée de prendre le pays en mains pour ramener l’ordre… en supprimant certains personnages gênants au passage ! Les Thaïs peuvent se méfier, c’est en triomphateur adulé par une foule en liesse que Pol Pot a fait son entrée dans Phnom Penh en 1975 ! On connaît la suite !

 

             

 

Lundi 3 février 2014.

Thaïlande.

Le 2 février, jour des élections est passé. En province, pas de problèmes, tout s’est passé dans le calme. À Bangkok les manifestants, de moins en moins nombreux semble-t-il cependant, ont réussi à perturber sérieusement les élections, sans parvenir tout de même à les empêcher. Suthep, y est allé de ses discours haineux et incohérents. Il est l’ancien vice-premier-ministre de l’ancien gouvernement qui s’était imposé sur un coup d’État militaire en 2006, il a été largement battu lors des dernières élections de 2010, il est chef du « Parti Démocrate » et il demande la fin de la démocratie élective ! Autrement dit, il veut devenir chef du gouvernement nommé par une minorité soudoyée. Drôle de concept de la démocratie. Comme tous les dictateurs, il donne un autre sens aux mots.

Certaines personnes ont pris des risques pour aller voter, elles ont marqué leur refus de cette mascarade sordide ( l’une d’entre elles y a laissé la vie, lynchée par des excités ) et leur vote risque de ne pas être validé, le quota des votants n’ayant pas été atteint. Petit espoir cependant de voir les rues de la capitale s’ouvrir à nouveau à la circulation, les manifestants étant en train de lever les barrages et de démonter leurs chapiteaux plantés au milieu des avenues principales. Certains journalistes se sont laissé piéger par l’aspect des manifestants : gens humbles dont les origines modestes ne font pas de doute, et ont cru que ces manifestants venaient des classes défavorisées ! Piège grossier car s’il est exact que ces manifestants sont issus des classes défavorisées, c’est parce que les sbires de Suthep les ont payés 400 bahts pour venir dans la rue. Comme ils n’ont aucune culture politique, ils agitent leurs petits drapeaux sans comprendre. En les payant juste un peu plus on en fait des miliciens, et en leur donnant les moyens de tuer, des assassins. Ce ne sont pas ces gens-là qui se précipitaient pour donner des billets de 1000 bahts à Suthep lors de sa marche sur Sukhumvit en fin de semaine dernière !

Au Cambodge, pays voisin, des manifestants s’opposant au régime trop autoritaire d’Hun Sen au pouvoir depuis plus de 25 ans, demandent plus de droits démocratiques et des élections…

Paradoxe asiatique où d’un côté on veut supprimer le droit de vote au nom de… la démocratie, et de l’autre on demande des élections pour retrouver la démocratie… Un seul point commun : l’enrichissement des gens au pouvoir. Une grosse différence : à Bangkok on veut le favoriser, au Cambodge on veut y mettre fin !

Non loin de notre maison, de l'autre côté des rizières, je vais visiter la fabrique d'hôtels des esprits. Quand on aime la couleur, on est servi !

 

     Cliquer sur la table pour visiter la fabrique...

 


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