Dernière modification: 27/04/2014

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Samedi 28 décembre 2013

Surin - Bangkok.

 

                 

 

Je pars à Bangkok pour rompre un peu la monotonie de mon existence, et pour récupérer des affaires laissées en self deposit ( au coffre et en consigne ) au Crown Hotel. Pour éviter de passer toute la journée dans le train, car pour parcourir les quatre cents kilomètres nous séparant de la capitale, il faut compter huit heures de trajet au moins, je partirai avec le train de nuit, en wagon couchettes. Je me rends à Surin à seize heures trente. J’attends le Songtaew au bord de la grande route, et il n’arrive pas. Il y a une circulation affolante sur cette grande route à quatre voies séparées par un terre-plein. Ça double à gauche, à droite, des motos vont à contresens, les camions soulèvent une véritable tempête de poussière à chacun de leur passage… Je vois un cycliste en tenue. C’est un spécimen rare. Il faut être presque inconscient pour se risquer sur les routes thaïlandaises en vélo ! La route, c’est la jungle : les bus et les camions ont priorité sur les voitures qui font ranger les motos qui elles-mêmes ont priorité sur les cyclistes ou les piétons… Donc, pour le cycliste, tout en bas de cette échelle, les prédateurs sont trop nombreux pour que la vie soit de tout repos ! Et le songtaew n’arrive toujours pas. Je me prépare à aller à pied, car il n’y a que quatre kilomètres à parcourir, quand le pick-up arrive. Je monte devant, avec le chauffeur que je connais déjà. Nous racontons des histoires tout le long du trajet. Quand je lui demande s’il est au courant de la situation à Bangkok, il me répond que cela ne le tracasse guère. Ce n’est pas qu’il a peur de parler, car la Thaïlande est un pays où la liberté d’expression est bien effective, mais c’est le moindre de ses soucis. À Surin, on est loin de Bangkok et surtout des préoccupations des gens de la capitale : ce n’est pas le même monde !

J’arrive au marché. Il y a un monde fou, c’est presque la fête ! Les couleurs, les odeurs, les éclats de voix toujours enjoués, les rires ou les sourires… tout contribue à rendre l’ambiance agréable. Comme nos marchés de Noël sont tristes ! La nuit tombe, je retrouve Amnoay, et nous allons ensemble au marché de nuit. Les lumières donnent des teintes chaudes aux étalages. On y trouve des vêtements, des objets usuels et surtout des plats cuisinés. Ce marché a lieu tous les soirs de dix-huit à vingt et une heures, et il y a toujours autant de monde. Marchands de brochettes, de poulet rôti, de poissons grillés, de pâtisseries et d’omelettes aux moules… On ne peut que craquer ! Nous nous laissons tenter par du porc frit à l’ail et au poivre.

Mon train doit partir à huit heures trente, il a une heure de retard. Peu importe. Amnoay m’abandonne sur le quai de la gare, car il souffle un petit vent froid qui lui glace le dos. Elle ne vient pas avec moi à Bangkok, car elle n’a rien à y faire ! Je reviendrai dans trois jours, dans la nuit du trente et un décembre.

J’ai pris la couchette du bas qui est beaucoup plus confortable que celle du haut, et je dors comme un loir. Le train est étonnamment silencieux : le wagon est assez récent et il ne ferraille pas encore !

 

     

 

     

 

 

Dimanche 29 décembre 2013

Bangkok.

Le train n’a pas augmenté son retard, il arrive à la gare Hualamphon de Bangkok à sept heures au lieu de cinq heures cinquante. C’est normal, personne n’aurait l’idée de se plaindre, et si quelqu’un faisait une remarque sur le retard, cela paraîtrait tout à fait incongru. Si on leur raconte que des voyageurs crient au scandale, dans notre pays pour cinq minutes de retard, ils nous plaignent sincèrement et répondent : « ici on est en Thaïlande ! » Ce n’est pas une critique, c’est une reconnaissance d’une façon de vivre différente qui ne part pas du principe corrompu « le temps c’est de l’argent ». Moi, je deviens comme eux, et je suis bien content que le train soit en retard, car cela m’a permis de dormir un peu plus, et à sept heures le métro fonctionne. Je commence par manger une soupe de nouilles. Je me fais violence pour ne pas en demander une deuxième ! Je suis presque seul dans le métro souterrain. Avec les récents événements dans la capitale les usagers craignent un attentat. Les gens ont toujours peur, car ils n’ont pas confiance en leur destin ! À sept heures trente, je refais surface sur l’avenue Sukhumvit. Il reste encore un petit bar sur le trottoir avec deux farangs tellement imbibés de bière ou de whisky qu’ils n’ont même pas remarqué que le soleil est déjà levé. Ils sont accompagnés de quelques harpies au rire rauque et à la voix éraillée. Ces petites buvettes fleurissent sur les trottoirs vers minuit, pour remplacer les bars obligés de fermer à une heure. Les Thaïs ont trouvé ce moyen de contourner la loi : une buvette n’est pas un bar, et il suffit de glisser quelques petits billets dans la poche d’un policier pour avoir le droit d’installer des chaises et des tables autour de sa « buvette ».

Je marche le long de l’avenue presque déserte. Les habitants ont fui la ville, car ils sont en congé durant une semaine pour le Nouvel An. J’arrive devant l’hôtel et je reçois un coup de massue : un portail métallique qui n’existait pas avant m’interdit l’accès, et je lis sur un écriteau griffonné en thaï : « hôtel fermé ». Mon sang ne fait qu’un tour. Je réussis à me faufiler entre les deux battants et à entrer. Le hall est encombré de vieux cartons poussiéreux, le bar-restaurant a été vidé de ses tables et chaises, l’eau de la piscine est d’un beau vert fluo, des détritus jonchent la cour où aucune voiture ne stationne… C’est sinistre ! Un gardien se trouve sur place et heureusement, il peut me donner le numéro de téléphone de mon ami Deng le gérant. L’hôtel est fermé, il va être démoli et la décision de fermeture n’a été annoncée par le patron que deux jours avant pour éviter que le personnel ne parte alors que l’hôtel était encore ouvert. Deng a mis les objets laissés dans le coffre en sécurité, mais il n’est pas sûr de pouvoir récupérer ma grande valise rouge. Il me donne rendez-vous cette après-midi à trois heures. Je vais retrouver mon bien, au moins en partie, mais je suis triste parce que le Crown était mon hôtel depuis plus de trente ans, j’y avais mes habitudes, mes souvenirs, et de le voir disparaître, c’est une partie de mon passé qui disparaît. Tous les restaurants du quartier ont été écrasés par de colossaux immeubles, les bars voisins fermés, et maintenant, l’irréductible hôtel subit le même sort : une page est tournée !

Je vais au Crown du soi six qui lui n’a changé que de nom pour s’appeler « S6 » ( Soi 6 ). Le prix est un peu plus élevé, la chambre vraiment mieux qu’à mon ancien hôtel, mais cela ne me console guère. Dans l’après-midi, Deng me téléphone pour me dire qu’il préfèrerait que l’on se voie demain. Bon, ça m’arrange aussi, ainsi je peux aller à Chatuchak, le marché du week-end. Je prends le métro aérien qui survole, du haut de ses pilotis, une ville bien tranquille. C’est ainsi que l’on aimerait voir Bangkok tous les jours ! Les agitateurs se sont mis en veilleuse et il n’y a plus d’insurrection. Quand les manifestants sont payés, ils demandent aussi des jours de congé ; alors, les fêtes du Nouvel An provoquent une inévitable interruption dans la contestation.

Chatuchak n’est guère animé, à dix heures et cela me permet de faire quelques achats et de manger en toute tranquillité. Dans un petit restaurant ouvert sur la rue et ne comptant que six tables, je commande des beignets de crevettes et des frites, et l’on me décore l’assiette avec une véritable orchidée. Je ne sais pas si je dois la manger ou si elle n’est là que pour la décoration. En cas, je la laisse sur la table en partant. J’achète une belle chemise en coton à manches longues pour cent bahts ( 2€ ). En regardant l’étiquette, je m’aperçois qu’elle viendrait de l’île Maurice ( made in Mauritius ). J’ai du mal à croire que la Thaïlande voisine de la Chine et du Cambodge gros producteurs de vêtements importe des chemises de… l’île Maurice !

L’après-midi, je vais à Tokiu pour acheter des babioles et à Pratunam, grand marché quotidien pour finir de compléter ma garde-robe avec un pantalon long transformable en short.

 

   

...et pourtant, on est sûr de trouver ce que l'on cherche, même si c'est par là dessous ! (Pratunam)

 

Lundi 30 décembre 2013

Bangkok.

Deng m’appelle pour me dire qu’il ne peut pas venir ce matin. Je ne comprends rien à ce qu’il me dit au téléphone, car le son est très mauvais. Je vais au Crown à trois heures et le gardien me dit de monter dans un taxi et d’appeler Deng qui dira au chauffeur où me mener. Me voilà donc parti pour une destination inconnue à travers la ville heureusement sans embouteillages. Récupérer mes affaires laissées en consigne devient un vrai parcours du combattant. Je débarque dans une ruelle d’un quartier périphérique de la capitale, peut-être à Bang Na, je suis presque à la campagne. Deng est à quarante kilomètres, il me demande de patienter, alors je vais manger une soupe dans la ruelle. Je sympathise avec des gens d’une émouvante gentillesse et quand Deng arrive, une heure plus tard, je me suis fait de nouveaux amis. Il me remet une poche avec mes effets laissés au coffre. Il n’y avait pas d’argent ni de biens particulièrement précieux, mais je pense que si cela avait été le cas, j’aurais tout retrouvé. La valise est dans une pièce fermée par un cadenas, et Deng n’arrive pas à ouvrir. Il a un trousseau de clés dont aucune ne convient. Nous commençons à nous inquiéter quand un gars arrive et nous dit que nous ne sommes pas à la bonne porte… tout simplement. Me voilà donc rentré en possession de tous mes biens et à nouveau dans le taxi pour revenir jusqu’à l’hôtel.

Le soir, je vais manger au Suda du soi 14, et je rencontre un jeune couple allemand qui n’arrive pas à manger le plat commandé tant il est épicé. Le Suda est un bon restaurant, car il propose de la cuisine thaï vraiment authentique, mais il ne faut pas commander au hasard et sans connaître, car c’est parfois trop relevé pour des palais d’Occidentaux.

 

             

            

 

Mardi 31 décembre 2013

Bangkok - Surin.

Dernier jour de l’année, je reviens à Surin ce soir. Je passe la matinée dans la chambre, l’après-midi je vagabonde dans le quartier et je dois avouer que je m’ennuie un peu, car je n’ai aucun but, sauf attendre ce soir pour prendre le train de 20 h 30. Je vais au Terminal 21 un immeuble très récent où le hall d’entrée d’une hauteur vertigineuse arrive jusqu’au sommet de la tour. On accède aux étages par des escaliers mécaniques. On trouve ici toutes les grandes marques de vêtements, de parfums, de bijoux… Il ne faut surtout pas emmener ici une personne qui aime faire du shopping, car on ne la revoit plus de la journée !

Le soir, le train part avec un peu de retard. Je suis au bout du wagon, dans la première couchette près de la porte, et le bruit est infernal ; de plus, étant juste au-dessus des roues, je suis malmené et secoué comme un sorbet ! Drôle de nuit de réveillon ! Au cours du voyage, à chaque fois que je jette un œil par ma fenêtre, je vis des feux d’artifice illuminer le ciel. Chaque famille, dans chaque village, a acheté son stock de pétards.

 


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