Dernière modification: 23/04/2013

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Jeudi 21 février 2013.

Koh Samet – Khorat ( Nakhon Rajasima ).

Il n’y a pas si longtemps encore, du temps de l’URSS, c’était le régime communiste, le kolkhoze, les ouvriers comme les chefs d’atelier ou les patrons n’avaient pas la possibilité d’obtenir un passeport ; personne ne pouvait sortir du pays. Aujourd’hui, on dit que la Russie bénéficie de la démocratie. Il existe une classe bourgeoise qui peut profiter de voyages organisés où ces nouveaux touristes sont assistés et convoyés comme de gentils troupeaux de brebis. Quant aux ouvriers, ils ont le droit de sortir du pays, mais ils n’en ont pas les moyens financiers… alors, la « démocratie », ce n’est pas pour eux ! Les Birmans ont là la preuve qu’ils feraient bien de se méfier de ce bonheur nouveau que les puissances occidentales veulent leur offrir, car la « démocratie à l’occidentale », il n’y a que la classe dirigeante ou la petite bourgeoisie qui en ressent les bénéfices. Pour les autres, RIEN ne change. Je suis donc un peu fatigué de ces nouveaux bourgeois au comportement inacceptable. Ils sont peut-être très corrects chez eux, mais ils deviennent prétentieux ou mal élevés et se croient tout permis, surtout quand ils savent qu’ils ont un pouvoir d’achat supérieur à celui des « indigènes ». Tout cela m’a un peu fatigué, à force, et je ne suis pas mécontent d’abandonner mon petit paradis de Koh Samet.

Je quitte mon bungalow à huit heures, et je pars à pied sac au dos vers le port : vingt minutes tout tranquillement avec la bonne conscience de ne pas avoir pris de songtaew et de ne pas avoir contribué à la pollution du parc national. Il est huit heures vingt-neuf quand le bateau de neuf heures prend le large. Tant pis pour les passagers qui arrivent à l’heure juste ! Le bateau part, car il est complet ! Ceux ont acheté un billet à l’avance devront attendre 17 heures pour le prochain départ, ou partir avec une autre compagnie.

À Ban Phae, j’entends crier « Alain ! Alain ! » C’est Jean-Louis qui part à Koh Samet. Nous nous croisons. Je prends un songtaew, puis un autre pour aller à la gare routière des bus de luxe « Nakhon Chai Air » pour partir vers Surin ou Khorat. Les prix, et surtout les horaires, ne me conviennent pas ; je reprends donc un songtaew jusqu’à la gare routière de Rayong. C’est quand le voyage devient aussi compliqué que je me rends compte combien le fait de parler thaï peut m’avantager. Je suis aussi à l’aise qu’en France ou qu’en Espagne, et c’est un avantage, car ce n’est pas si simple, avec ces différentes gares routières, les grands bus air conditionné, les minibus, les racoleurs qui racontent n’importe quoi pour attirer un client de plus… Je prends un billet pour le car de Khorat qui part à 12 h 20. Il est onze heures, j’ai le temps d’aller manger une assiette de riz avec du poulet pour 30 bahts, soit 0.80 € ) J’assaisonne avec un soupçon de « nam kapi », une sauce piquante à base de crevettes confites, pour ne pas dire « faisandées »… C’est un régal ! Comme les plats si simples peuvent être délicieux ! C’est tellement bon que j’achète la sauce piquante « nam kapi » préparée par la cuisinière. Comme elle n’a rien pour la mettre, j’achète une petite bouteille d’eau au « 7 eleven » du coin, je bois l’eau, et l’on met la sauce à la place.

Le car est suffisamment confortable, l’air conditionné n’est pas poussé à fond, la télé n’est pas allumée, et la musique est tout à fait à mon goût, une musique de variétés thaïlandaise : des chansons d’amour romantiques et mélodieuses. De plus, le chauffeur est prudent. J’espère qu’il est en forme, car il est parti pour sept heures de route sans personne pour le relayer !

Dans le lointain, toutes les collines sont couvertes d’un maquis impénétrable. Le long de la route, les cultures sont vraiment variées : pas de rizières, mais des champs d’ignames dont les hautes tiges s’inclinent au moindre souffle de vent, des forêts d’hévéas, puis d’eucalyptus, puis des cocotiers, des champs d’arachides, des parcelles couvertes de canne à sucre, d’ananas, et, de temps en temps, un lotissement tout neuf dont aucune maison ne semble habitée… Peut-être que les Thaïs vont suivre le conseil d’Alphonse Allais : « Les villes seraient plus agréables si elles étaient construites à la campagne ».

 

     

 

Nous arrivons à Khorat à 19 h 30. Je suis enfin rendu à l’hôtel « Fathai » à vingt heures, soit exactement douze heures après avoir quitté mon petit bungalow de Koh Samet. Je pose mon sac dans un coin et je vais manger près du marché de nuit, au restaurant « Ratsima ». Ambiance feutrée, dans une grande salle ouverte sur la rue. Des tables et des bancs en bois brut, à peine poli, des globes du style des lanternes chinoises, pour éclairer sur la cloison en planches des photos de khorat autrefois, et le vidéoprojecteur qui diffuse un film avec Robert de Niro sous-titré en thaï (sans le son ). Nous sommes seulement six clients pour cinquante places… On me fait attendre presque une heure avant de me servir mon poisson frit. Heureusement, un guitariste joue des romances thaïlandaises. Ah ! Quel bonheur, après cette semaine diabolique, me voilà enfin en Thaïlande ! Un guitariste qui chante des chansons romantiques en thaï, ça vaut mille fois le « boum-boum » des discos pourris de Koh Samet ! de plus, la carte est écrite seulement en thaï, et les prix n’ont rien à voir avec ceux affichés à Koh Samet. Pourvu que les farangs ne viennent pas ici, car le guitariste sera obligé de se prostituer en jouant des airs occidentaux et le charme du restaurant pâtira de ce changement. Alors que les Mexicains, les Cubains ou les Philippins savent maintenir leur musique contre vents et marées, dans ce monde « moderne », pourquoi les Thaïlandais l’abandonnent-ils dès qu’il y a des Occidentaux ? Comme s’ils pensaient que leur langue et leur musique sont réservées à des initiés ; comme s’ils la considéraient eux-mêmes inacceptable pour les farangs. C’est peut-être la preuve que la mondialisation touche même la musique ! Quelle horreur ! Non contents d’imposer notre « démocratie », nous allons aussi imposer nos goûts, nos modes et notre art décadent ! C’est curieux, mais en écoutant cette musique thaïe, je trouve des analogies avec des airs de kantaldis basques des années 80 ! Le monde est petit !

 

Vendredi 22 février 2013.

Khorat ( Nakhon Rajasima ) – Surin.


Le farang, ce n'est pas que l'être bizarre qui se promène en short,
c'est aussi ce fruit dont le goût ressemble un peu à celui de la pomme.

Dernière étape jusqu’à notre maison dans la campagne. Je prends un car air conditionné qui « fait le laitier » tout le long du chemin. Arrêt, redémarrage, coup de frein, rugissement de moteur… nous avançons par saccades. Tant que la route est à deux voies séparées, je ne suis pas trop inquiet. Nous roulons à 110 km/h et nous doublons aussi bien à droite qu’à gauche, mais là où le spectacle commence, c’est après Prakhon Chai, lorsque la route redevient à deux voies. Nous doublons des camions tractant des remorques alors que d’autres camions ou des cars arrivent en face. Nous n’avons pas la place de passer à trois de front, mais le bus se rabat toujours de justesse. Il faut préciser qu’en face, les conducteurs se contentent de faire des appels de phares, mais ils ne se déshonorent pas en ralentissant ! Les Thaïlandais sont ainsi, ils ont le goût du risque et un sens de l’honneur exacerbé… deux qualités qui expliquent le nombre impressionnant d’accidents de bus. Quand nous arrivons à Surin, Amnoay m’attend à la gare routière, et je vais tout de suite manger une soupe de canard.

Nous revenons à la maison, il ne fait pas trop chaud, les soirées sont fraîches : je m’installe et je sais que pendant une semaine je ne vais plus bouger !

 

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