Dernière modification: 16/04/2013
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Page précédente. Vendredi 15 février 2013. Koh Samet. De mon lit, sous la moustiquaire, j’entends les petits cris aigus des écureuils dans les branches des arbres au-dessus de mon bungalow. Il est six heures, le jour se lève. Des merles gris et noirs au bec jaune sautillent. Ils se réunissent par petits groupes de quatre ou cinq, et semblent former de petites cellules familiales. Même les merles, ici sont moins individualistes que chez nous. Soudain, un gros serpent marron avec des anneaux noirs, long de plus d’un mètre cinquante est sorti des hautes herbes et, tout lentement comme quelque chose qui coule, s’est laissé glisser le long d’un tas de sable. C'est normal, puisque je loge au "Naga" lieu où le serpent naja est vénéré ! De jeunes écureuils à la fourrure claire, le corps très allongé, se poursuivent en sautant de branche en branche et en grimpant le long du tronc des arbres à une vitesse fulgurante. Un adulte beaucoup plus gros, de couleur noire semble surveiller le secteur. Il se poste dans la fourche d’une branche à quelques mètres de moi, et il m’observe de ses petits yeux noirs comme des perles. Puis il s’enfuit soudain comme si je l’avais menacé, et je ne vois que les rameaux feuillus s’agiter dans les buissons. Un moment plus tard, ils reviennent et j’en compte jusqu’à six dans les arbres autour de mon bungalow. Plus tard, alors que je déjeunais au restaurant, j’en ai vu qui se poursuivaient en courant sur les fils électriques. Je passe ma journée à attendre que la chaleur tombe un peu pour pouvoir me promener sur la plage. On se croit un peu à Hendaye en juillet : il y a du monde, des baigneurs qui crient et s’esclaffent, des chaises longues et des parasols sur le sable, des marchands de crêpes... J’aime autant rester sur le balcon de mon bungalow d’où je n’ai pour compagnie que les écureuils et le bruit des vagues le matin, et les rugissements des scooters de mer l’après-midi. Le soir, je vais manger au village, une cuisse de poulet et quelques frites pour deux fois le prix du même plat à l’Emporium de Bangkok. Je ne mange pas de poisson, il est trop cher ( 9 euros ), et par principe, je ne veux pas contribuer à engraisser les patrons de restaurants qui sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Ils sous-payent leur personnel et affichent avec mépris des tarifs prohibitifs. Ils ont tellement joué à ce jeu à Koh Samui et à Koh Chang que maintenant ils se plaignent que les touristes se font plus rares et qu’il leur faut compter sur la détestable clientèle russe. Je ne veux pas jouer l’oiseau de mauvais augure, mais cette situation, je l’avais prédite à un patron d’hôtel que je connaissais bien à Koh Chang. Tant pis pour lui, j’ai la satisfaction de voir mes prévisions se réaliser ! Le tourisme, ce n’est pas le tonneau des Danaïdes, il arrive un moment où l'on voit le fond. Il existe de superbes plages immenses et vierges au Cambodge, à moins de quatre heures d’ici, et les devises pourraient bien partir là-bas, d’autant plus que les Cambodgiens n’étant pas fous, ils donnent un visa d’un mois ( contre quinze jours pour les Thaïs ) au poste frontière. Je ne veux pas jeter l’anathème sur ces Russes, mais il faut reconnaître que parmi tous ceux qui se croient en terrain conquis, ils sont tout de même les champions ! Vers vingt-deux heures, je longe la plage et une forte odeur de pétrole effleure mes narines ; ce sont les jongleurs et cracheurs de feu qui font leur spectacle que je trouve lamentable. Et la foule, attablée devant son assiette de fruits de mer, s’extasie en reniflant un air aussi parfumé que celui des avenues de Bangkok aux heures de pointe. J’ai même trouvé un soir à Yangon des jeunes jongleurs qui jouaient à empester une terrasse de restaurant sous le regard extasié de touristes séniles. Le poisson que l’on mange est presque toujours du poisson d’élevage nourri avec des farines plus ou moins douteuses, alors si l’on y rajoute une odeur de fuel, on a le compte ! Vers vingt-trois heures, alors que je m’étais réfugié sous ma moustiquaire pour échapper aux insectes qui semblaient avoir décidé d’un commun accord de me saigner à blanc, je suis réveillé par des coups sourds comme des coups de marteau sur un fût de chêne, couverts de temps en temps par un bruit de sirène strident. C’est la discothèque du « Naga » qui fait tout pour nous bercer ! Parfois on aurait pu croire que ce vacarme allait devenir de la musique, mais un marteau-pilon venait tout saccager : Ploup ! ploum ! poum ! ploup ! ploum ! poum !... Quand, épuisé par ce qui me semblait être un travail de forgeron, je finissais par sombrer dans un sommeil comateux, c’est la « lambada » qui revenait à la charge. Oh, pas celle des années passées qui vantait les qualités du café, non, une lambada au goût du jour, style « rap ». Cet infernal chantier a cessé à trois heures. « L’usine » a fermé, les « ouvriers » ont poussé des cris de bêtes qu’on égorge sur la route et sur la plage, puis le secteur a retrouvé son calme, et j’ai pu me laisser bercer par le chuchotement des vagues. La vie n’est pas du tout comme les photos la suggèrent sur l’île « parc national » de Koh Samet. Samedi 16 février 2013. Koh Samet. Les Chinois fêtent leur Nouvel An, alors ils sont de sortie. Ils sont arrivés de Bangkok par tribus entières, avec leurs gros appareils photo. Ce n’est pas difficile de les reconnaître, ce sont ceux qui photographient n’importe quoi, notamment les sujets les moins intéressants et sous les angles les moins appropriés. Ils font des portraits de leurs amis dans des poses si ridicules qu’ils devraient avoir peur qu’on les voie ! Si un jour je suis invité chez des Chinois, prions le ciel qu’ils ne me montrent pas leurs photos ! Ils batifolent dans les vaguelettes du rivage, car que ce soit dans l’eau ou dans la nature, ils ne s’aventurent jamais bien loin. Je reste sur le petit balcon de mon bungalow. Devant moi, le décor n’est pas terrible : c’est tout un amoncellement de branches coupées, de planches entassées et de débris de plaques de fibrociment. Ici, sur cette île, il n’y a pas de traitement des déchets, alors on entasse un peu n’importe où, on brûle les ordures, surtout le soir, et ça empeste tout le quartier... C’est difficile à concevoir : on donne le permis de construire de nouveaux hôtels dans cette île qui est un parc national, et l’on n’a rien prévu pour l’évacuation des eaux usées ou des ordures ménagères. Chaque recoin un peu isolé, chaque ravin devient un dépotoir lamentable. Il me semble qu’en réduisant un peu les honteuses marges bénéficiaires de certains établissements et en instaurant un impôt « assainissement », on pourrait faire le nécessaire. Mais en Thaïlande, on ne pense jamais au lendemain... « maï pen raï » ( cela ne fait rien ). Il n’y a ici, qu’une piste si étroite qu’on peut à peine s’y croiser, si boueuse et défoncée qu’elle devient impraticable, et pourtant, on trouve des pick-up partout. Il doit y en avoir plus d’une centaine pour moins de cent kilomètres de piste. Et ils vont et viennent avec un ou deux passagers à leur bord, parfois vides... Ce serait plus simple de faire circuler une dizaine de navettes, cela éviterait de respirer les odeurs de fioul comme si l’on était sur l’avenue Sukhumvit à Bangkok, cela serait beaucoup mieux pour le parc national de Koh Samet, mais le principal souci du gouvernement, ce n’est pas de protéger la nature, c’est de vendre des voitures ! Il en est de même pour les motos. On peut en louer partout, il y en a plus de mille sur l’île, et tous les touristes vont et viennent en moto. Vers la fin de l’après-midi, lorsque le soleil se fait moins virulent, je me risque sur la plage, et je retrouve les Russes cuits à point, d’une belle teinte écarlate. Les Chinois, eux, ont passé la journée sous les arbres, car il ne faut surtout pas bronzer, la peau mate étant pour eux le signe d’une classe sociale défavorisée. Ils restent blancs et en sont fiers, et quand ils se baignent, ils vont à l’eau tout habillés, avec des vêtements à manches longues si possible. Par contre, l’obésité n’est pas un problème, alors ils ont mangé tout ce qui passait à leur portée, ce qui a fait le bonheur des petits marchands de brochettes ou de plats cuisinés. Certains ressemblent à leur bouddha, riant de bon cœur ! Je me baigne dans une eau si chaude qu’on y entre sans problème et qu’on souhaiterait un peu plus de fraîcheur. Les bains ne me rafraîchissent pas, ils me donnent soif ! Alors, quand la nuit tombe, j’achète une bière dans un « Seven Eleven » ( petite épicerie très répandue en Thaïlande ) et, comme j’ai pris soin d’emporter mon gobelet, je m’assieds sur le mur au bord du port, et je regarde les petits bateaux se balancer doucement, et j’écoute l’eau clapoter sous leur coque, et je suis heureux, car ni les barrissements des Russes ni les aboiements des Chinois ne viennent perturber ma solitude. Ce soir, dans la petite rue où les restaurants se touchent, je vois un poisson dont la taille et le prix me conviennent au « Barbados Terrace ». J’entre, le restaurant est complet, pas de table libre, sauf une, où un petit blondinet de huit ou neuf ans semble bouder, la tête dans ses mains. Je demande à m’installer à cette table, les serveurs ont l’air un peu gênés et proposent de me mettre à une table, dans un coin près des canettes et des bouteilles destinées à la poubelle. Faut pas exagérer ! Je dis au gamin de rejoindre ses parents dans le coin opposé de la salle et le gosse ne bouge pas. Alors, je vais pour m’installer lorsque la mère arrive, furieuse et agressive comme une guêpe en me disant « C’est mon enfant ! », dans un anglais à l’accent bien américain. Je n’ai pas écouté la suite et me suis assis lui disant que son enfant il avait sa place à leur table. Cette petite anecdote est caractéristique de l’état d’esprit de ces touristes qui se croient en terrain conquis, et les Thaïs plient l’échine... Du moment qu’ils payent ! Quand l’accès aux lieux est difficile, qu’il faut supporter plusieurs heures de voyage inconfortable dans un vieux bus ou un train cahotant, on ne trouve plus ce genre de bourgeois égocentrique. Mais malheureusement, les endroits difficilement accessibles se font rares, de plus en plus rares ! |