Mandalay Pagan Myanmar

Retour au Sommaire du voyage

Retour à l'Index (page d'accueil)

Pour un meilleur confort de lecture: appuyez sur ( Ctrl - + ) pour agrandir le texte
et sur F11 pour voir les images Plein écran.

Cliquez sur les mots en couleur et sur les photos.

page précédente

Mardi 18 Janvier 2011.

Nyaungshwe.

L'hôtel est très douillet et très sympathique à première vue, mais on entend tout d'une chambre à l'autre et vers six heures, quand les clients se réveillent pour partir en randonnée, c'est un peu gênant. N'ayant rien à faire d'autre que de flâner dans ce gros village, j'aurais bien aimé me réveiller un peu plus tard, mais en fait, je ne suis pas venu ici pour dormir.

Je me console devant un déjeuner comme je n'en ai jamais pris : de véritables crêpes comme celles qu'on mange pour la Chandeleur, un sablé breton au beurre, du miel, des morceaux de pomme, de banane et de papaye, un délicieux café... Les choses les plus simples sont source de bonheur.

Je chausse mes brodequins et quand je pars vers le marché Mingala. Le soleil est déjà haut. Je ne remarque même plus les superbes temples se trouvant sur mon chemin. Quand la beauté devient répétitive, elle s'en trouve injustement dévaluée. Je croise un long défilé d'écolières, jupe verte et chemisier blanc se rendant au stade. Les « hello aouaryiou ? » fusent, les petits visages enfarinés s'ornent de sourires satisfaits : l'étranger a compris leur anglais, cela doit signifier qu'il est correct ! J'ai déjà dit que les enfants et les femmes se couvrent les joues et parfois tout le visage d'une mixture blanche comme du plâtre, le thanakha, ce qui leur donne un visage de clown blanc ou de Pierrot. Je persiste à affirmer que c'est affreux. Pourvu que le maquillage birman n'arrive pas chez nous comme une mode...

Le marché central ne manque pas d'intérêt : tous les pêcheurs apportent leur poisson frais; les petites tomates rouges arrivent dans de grandes hottes sur le dos de paysannes coiffées de chapeaux de paille ou de serviettes nouées en turban. Certaines femmes ont installé leur marchandise directement sur le sol. Je n'ose pas braquer ma caméra vers des gens avec qui je ne peux communiquer, pourtant, les vendeuses semblent flattées quand je choisis de les « fixer sur la pellicule ». Les billets crasseux passent de main en main. Parfois, le client les pose directement sur le poisson ou sur la viande... Je comprends maintenant pourquoi ils sont comme des chiffons sales !

     

Je quitte le marché et je me dirige vers le canal Nan Chaung. Le vrombissement des longues barques se fait plus précis. Je reste un moment sur le pont de bois pour les observer : elles passent comme de longues flèches entre les piles du pont pourtant rapprochées, et s'éloignent suivies du panache blanc de la gerbe d'eau que soulève l'hélice. Comme sur les « hang yao » ( longue queue ) thaïlandaises, le moteur actionne un long arbre d'hélice, et c'est en faisant pivoter le moteur que le pilote dirige la barque. Ce n'est pas du tout évident pour un néophyte. En longeant le canal j'approche de la Pagode Yan Aung Nan Hsu Tsaung Pyi. Elle apparaît en pleine campagne, à la sortie de la ville et elle domine la verdure des champs, hérissée de stûpas blancs. Je distingue nettement le grand Bouddha de huit mètres de haut. Je ne daigne même pas faire les cent mètres qui m'en séparent ; je prends un peu de distance avec les Bouddhas et les pagodes, car je pourrais bien me trouver atteint d'un début d'indigestion.

             

En rentrant à l'hôtel, je trouve un Français, Charles, et il est prêt à partager le bateau avec moi demain pour aller sur le lac. Il a cinquante-cinq ans, il voyage seul, il m'a l'air un peu spécial... Je ne sais pas si je fais bien de partir avec lui...

En revenant, j'ai un petit creux que je colmate facilement en demandant de me servir un petit-déjeuner comme celui du matin. J'ai envie de crêpes et du petit sablé breton au beurre. Si la gourmandise est un vilain péché, hé bien je le confesse : je suis le plus grand pécheur des rives du lac Inlé !

Le soir, j'ai demandé au jeune patron du restaurant Thoo Thoo Aug de me faire frire un poisson. Il est allé faire ses courses au marché spécialement pour moi, et il m'a préparé une jardinière de légumes, une soupe de légumes et tomates en velouté, une grande assiette de riz, et le poisson frit... Je n'ai pas très faim, à cause du « super goûter » de l'après-midi, mais je dévore tout avec appétit pendant que le patron me surveille discrètement avec le regard de tendresse que peuvent avoir les gens pour les personnes affamées qui trouvent enfin quelque chose à se mettre sous la dent.

À l'hôtel, les cloisons sont si fines que l'on partage l'intimité des voisins. Ce n'est pas le poisson qui m'empêche de trouver mon sommeil, mais une Française, dans la chambre voisine, qui ouvre et ferme sans arrêt la fermeture à glissière de sa valise. À chaque fois que je vais m'endormir : Ziiip ! elle ouvre. Ziiip ! Elle ferme.

 

Mercredi 19 janvier 2011.

Nyaungshwe.

Je suis réveillé à six heures : Ziiip ! Ziip ! Je change d'hôtel aujourd'hui, je vais au « Gold Star » juste à côté, car il a des cloisons en dur. Je prends une bonne douche très chaude, car je ne parviens pas à régler la température de l'eau, et cela m'inspire la réflexion suivante : Au XI°siècle, une guerre contre les Chinois nous aurait été fatale, car ils avaient des canons et nous, nous n'avions pas « inventé la poudre ». Au XXI° siècle, les Birmans n'ont pas « inventé l'eau tiède ». Quand on se douche, l'eau est trop chaude ou trop froide, les robinets mélangeurs, ils ne connaissent pas...

Pendant le déjeuner, j'apprends que j'ai ronflé comme un cochon et que Charles est venu frapper à ma porte. Je n'ai rien entendu, mais justement à cause de la mauvaise insonorisation, certains ont eu leur sommeil perturbé. Cela me fait une raison de plus pour partir dans un hôtel où les cloisons sont sérieuses !

    

À neuf heures trente, nous partons vers le canal, Charles et moi, et nous affrétons une barque. Douze mille kyats pour la journée, je trouve cela fort correct. Pas la peine de marchander, le prix est fixe. Charles n'écoute même pas le responsable de l'embarcadère qui nous explique où nous allons aller, il veut visiter des endroits où il n'y a aucun touriste. C'est possible, bien sûr, mais comme les endroits intéressants sont inévitablement touristiques, cela nous mènerait à louvoyer entre les jardins flottants et les pieds de tomates. Nous partons sur le canal, entouré de mouettes qui s'approchent en vol serré, jusqu'à nous frôler. C'est impressionnant, je ne peux m'empêcher de penser au film "les oiseaux" de Hitchkock. Nous débouchons dans la vaste étendue du lac. À l'horizon, les montagnes forment une ceinture bleutée. Quelques barques à moteur, suivies de leur panache d'écume blanche sillonnent les eaux glauques. Deux piroguiers sur leur frêle esquif rament en se servant de leur jambe. Ils se tiennent sur un pied, sur un plat-bord à l'arrière de leur petite embarcation, et avec leur jambe, ils entourent leur rame. Cette façon de se déplacer sur l'eau est unique au monde. Elle pourrait sembler mal commode, mais elle permet de garder une main libre pour poser une nasse en entonnoir sur un endroit supposé poissonneux, sans avoir besoin de s'arrêter. Ensuite, le pêcheur agite un trident par l'ouverture du sommet, non pas pour harponner le poisson pris, mais pour l'effrayer et le faire fuir vers les parois de la nasse. Il laisse alors descendre le filet qui emprisonne les poissons. Ce système permet de ne pas les blesser et de pouvoir les placer dans des enclos où on les nourrira d'herbes pour leur permettre de grossir et de devenir vendables. Tout cela est bien curieux, des pêcheurs qui rament avec la jambe, des poissons qui mangent de l'herbe... Je reviens sur ce que j'ai dit ce matin : les Birmans n'ont peut-être pas inventé l'eau tiède, mais ils ont inventé bien d'autres choses. Et c'est pour cela qu'un voyage ici est très intéressant : on va de surprise en surprise.

Charles photographie, peste contre notre batelier qui se place mal par rapport au soleil ( moi, je trouve au contraire que le contre-jour est beaucoup plus artistique pour ce genre de vues ). Nous passons devant des hôtels de luxe déserts. Le tourisme de luxe ne marche pas ici. Les quelques millionnaires birmans n'osent peut-être pas encore afficher leur richesse dans leur pays exsangue, et les voyagistes étrangers n'ont pas encore mis le Myanmar à leur programme. S'il n'y avait pas l'embargo, et si le régime politique était autre que celui d'aujourd'hui, peut-être que ce serait différent ? Charles veut aller dans les villages que l'on aperçoit sur le rivage. Il devient agressif avec le pauvre batelier qui ne comprend pas grand-chose à son langage et encore moins à son attitude. J'ai honte de me trouver avec un tel olibrius. Ce qui me réconforte, c'est que je me fais agresser moi aussi, parce que je veux visiter une fabrique de bijoux en argent ; ainsi, le batelier comprend que je ne suis pas complice de ce malotru. Il en est ainsi jusqu'à treize heures, puis quand je fais remarquer à Charles qu'il est asocial et caractériel, il reste muet, puis quelques instants plus tard, il redevient aimable et s'excuse. Malheureusement, son mauvais caractère reviendra me gâcher la fin de l'excursion. Quand nous revenons à Nyaungshwe, je me sens tout à fait soulagé. Je ne parle même pas des lieux que nous avons vus, nous l'avons fait dans de si mauvaises conditions que je compte sur la journée de demain pour visiter.

Je reviens à l'hôtel "Gold Star" où je retrouve avec bonheur les quatre aventuriers Delphine, Ginette, Jérôme et Rolland. Bon, demain je reviens sur le lac avec eux et je vais alors me promener en toute sérénité, j'en suis sûr.

Aujourd'hui, c'est le cinquante-cinquième anniversaire de Ginette. Je pars avec Nay Win, le patron de l'hôtel, en moto, pour chercher des fleurs. Nous allons à la sortie de la ville chez un fleuriste qui n'a que de petites marguerites. Nous repartons par un chemin non goudronné à travers la campagne. Je commence à avoir froid, la lune se lève au-dessus de la montagne et le soleil disparaît à l'horizon. Nous arrivons dans un jardin où quelques fleurs roses et blanches se battent en duel. Il n'y a que quatre roses, mais ça nous semble suffisant pour faire un bouquet. Nay Win ( le patron de l'hôtel ) est tout excité, nous reprenons la moto. Il conduit en chantant. Maintenant, j'ai réellement froid ! Je trouve la route longue jusqu'à l'hôtel. Quand nous arrivons enfin, tout le personnel se mobilise pour faire un joli bouquet dans un beau vase. Quand Ginette sort de sa chambre, nous lui souhaitons un joyeux anniversaire et faisons une photo de groupe avec Nay Win et les filles travaillant dans l'hôtel. C'est la fête !

Nous allons au restaurant Thoo Thoo Aung, le gars nous a préparé des poissons grillés, Rolland offre une bouteille de vin rouge local, nous sommes heureux, car nous nageons dans l'opulence.

 

Page suivante

Retour au Sommaire du voyage

Retour à l'Index (page d'accueil)

Dernière modification:  23/11/2012