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Le matin, je fais quelques achats dans la rue, mais la plupart des boutiques n'ouvrent qu'à partir de dix heures. Le trottoir, le long du marché couvert, est un véritable patchwork. Les étalages de fruits et légumes ont laissé la place aux marchands de fleurs et de petits paniers ( kratong ). Pour qu'il puisse flotter, on construit son petit « kratong » autour d'une tranche de grosse tige de bananier d'une vingtaine de centimètres de diamètre. On y place des orchidées, des fleurs jaunes ou des roses, en prenant soin d'assembler le tout avec goût. Plantés sur le Kratong comme le mât d'un navire, une chandelle et deux bâtonnets d'encens. Certains « kratong » sont de véritables objets d'art. La fête du Loy Kratong marque la fin de la saison des pluies ; elle a lieu pendant la dernière pleine lune du mois de novembre.
Nous revenons à Surin par l'omnibus, un train de quatre wagons. La porte, au milieu du wagon, ne ferme pas. J'ai peur que l'enfant jouant sur le plancher ne tombe par l'ouverture béante, mais visiblement, cette idée n'effleure que moi... Ils ne sont pas fous, les enfants, ils ne vont pas se jeter dans le vide... C'est un peu pénible, car le bruit des machines est infernal, par contre, le côté agréable, c'est que nous avons le temps de bien voir le paysage : trois heures pour parcourir cent cinquante kilomètres, c'est une moyenne respectable pour la modique somme de soixante-deux centimes d'euros !
Aujourd'hui, Amnoay et toute la famille sont très occupés: ils font les petits paniers (Kratongs) sur lesquels ils placeront les chandelles et les bâtonnets d'encens lors du "loy kratong".
Le soir, le quartier résonne des mélodies de chants thaïs diffusées par des hauts parleurs poussés à leur dernière extrémité. C'est la fête du Loy Kratong et toute la famille se déplace jusque dans la cour du temple où une fête est donnée autour d'un plan d'eau jaunâtre, derrière le temple Coco. On achète son petit panier fleuri, on allume la chandelle et les bâtonnets d'encens, puis on va déposer le petit panier sur le plan d'eau en espérant que le vent le poussera loin du bord. Ces petites lumières flottant dans l'obscurité ont un côté magique pour les enfants, et leurs yeux brillent d'excitation dans la pénombre ou à la faible lumière d'un briquet. En poussant le petit panier, on fait un vœu qui se réalisera certainement ; alors on revient à la maison tout excité, comme si l'on avait rendez-vous avec la chance ! Sur l'estrade, des danseuses évoluent avec des visages souriants et des doigts si souples qu'on croirait qu'ils vont se casser. Assis dans l'herbe, les habitants du quartier rient, chantent et crient, tout heureux de se retrouver entre voisins. On mange des saucisses, des brochettes de poulet, des crêpes, des calmars desséchés aplatis comme des feuilles de papier, on boit des jus d'orange ou de canne à sucre ou bien de la bière Chang ou Singha. La fête dure jusqu'à minuit, et les petits kratong, poussés par le vent s'entassent dans un coin du bassin.
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Aujourd'hui, c'est le véritable jour du Loy Kratong. La fête a lieu à Surin, autour du bassin, près d'Anousavari. Il y a un monde fou, dans une folle ambiance de fête, dans les fumées bleues des grillades et de l'encens mêlées. Je me demande comment personne ne tombe à l'eau, à force de se pencher pour faire des vagues afin que le petit panier s'éloigne du bord. C'est la même chose qu'hier soir, avec beaucoup plus de monde ! C'est une fête de famille. On fabrique les kratong à la maison ou on les achète sur place, et on va au bord de l'eau faire des vœux de bonheur tous ensemble. Pour les enfants, c'est Noël !
La journée est passée calmement, sur la terrasse, à écouter de petits oiseaux jaunes et noirs chanter dans les arbustes, juste à côté de moi.
Le soir, nous sommes allés dîner dans un restaurant sur un étang, à quelques kilomètres de Surin. On nous installe dans un petit pavillon en bambou, juste au niveau de l'eau, on nous donne un sachet de boulettes semblables à des grains de poivre. C'est pour les poissons-chats. Effectivement, dès qu'on en jette une pincée dans l'eau, des centaines d’énormes poissons viennent s'ébattre à la surface dans un horrible bouillonnement. L'eau devient argentée tant les poissons forment un tapis grouillant à la surface. En s'élevant lentement à l'horizon, la lune rouge sang donne à ce décor un aspect irréel, presque inquiétant.