Procès verbal dressé par les gendarmes de la brigade de Morlaàs, relatif à la découverte des cadavres de dix résistants fusillés par les Allemands.
Découverte faisant suite aux combats d’Higuères-Souye du 10 juillet 1944.
12 juillet 1944 Brigade de Morlaàs
Ce jourd’hui 12 juillet 1944 à 10h30, nous
soussignés Estecahandy Pierre et Casaurang Jean, gendarmes à la résidence de
Morlaàs, à notre caserne, s’y est présenté M. Lacrouts Jean Baptiste, 37 ans
cantonnier demeurant à Morlaàs qui a déclaré :
« Aujourd’hui 12 juillet 1944, vers 9h, je cherchais des champignons dans le
petit bosquet lieudit « Marlère de Hillot » lorsque j’ai aperçu un tas de
branchage avec feuilles flétries, je me suis approché pour déterminer ce
qu’il y avait dessous. J’ai alors constaté que 10 cadavres d’hommes se
trouvaient alignés sous ces branches. Immédiatement, je me suis rendu au
village pour aviser M. le maire et la gendarmerie. Je n’ai connu aucun de
ces cadavres et j’ignore d’où ils sont.
Ces hommes
ont vraisemblablement été fusillés lundi 10 juillet vers 17h30 par des
troupes d’opérations, car à cette heure une fusillade a eu lieu dans ces
parages. Plusieurs enfants rentrant de l’école ont aperçu les camions de ces
troupes arrêtés au croisement de la R.N. 643 et Dle 38 et aussitôt les coups
de feu ont retenti. J’ignore pour quels motifs ces hommes ont été
fusillés ».
Nous nous
sommes rendus sur les lieux et avons constaté ce qui suit :
L’emplacement où ont été découverts ces 10 morts est situé à 2km au sud du
bourg de Morlaàs et à 100m au S.O. du croisement des routes Nle 643 et Dle
38 dans un petit bosquet. Dix cadavres d’hommes sont étendus sur un rang
portant plusieurs traces de blessures par armes à feu.
Monsieur le
maire de Morlaàs ainsi que plusieurs autres personnes se trouvant sur les
lieux et aucun de ces cadavres n’ayant été reconnu, nous les avons fouillés
dans le but de rechercher s’ils étaient porteurs de pièces ou objets
permettant de leur identification.
Le
signalement des cadavres est le suivant, pris dans l’ordre et partant de la
gauche vers la droite en faisant face à eux.
1° Taille
1,68 environ, 24 à 27 ans, portait le brassard tricolore avec inscription
P.B. 8.
Vêtu veste
marron avec rayures blanches. Crêpe de deuil au col de la veste, culotte
bleu marine avec basane jaune clair, ceinture de culotte (courroie de
mitraillette). A été trouvé porteur d’une lettre écrite par sa mère et en
provenance de Pau du 11 juin 1944, d’un mouchoir blanc avec initiales A.C.
dans un losange.
2° Taille
1,72m environ, âgé de 40 à 45 ans, cheveux grisonnants, incisive médiane
gauche aurifiée. Vêtu blouson de toile marron à fermeture éclair, pantalon
drap kaki, leggins et brodequins noirs. Portait une alliance or et un
baudrier de gendarme comme ceinture. A été trouvé porteur d’un carnet de
poche avec adresse suivante (imprimée sur la couverture) Grande pharmacie
centrale, 16 rue Curaterie, Nîmes. Plusieurs inscriptions se trouvent à
l’intérieur de ce carnet, entre autres deux adresses : a) Mme Aynard, 49 rue
Sully Nîmes, b) chef chefferie du génie n°3 rue Plaa, Pau et l’inventaire du
paquetage rendu par le M.D.L. chef Giral le 12 décembre 1942. 1 boite à
plumes contenant des saccharines, 1 mouchoir avec initiale R, 1 peigne
aluminium avec étui cuir, 1 glace de poche derrière doré.
3° Taille
1,70m environ, 32 à 37 ans. Vêtu d’un chandail bleu marine à col haut,
collant toile bleu, chaussettes de laine blanches hautes, sabots bois avec
une partie en cuir sur le dessus. Portait chevalière métal jaune avec
initiales B.P.
4° Taille
1,70m environ, 28 à 30 ans. Vêtu chandail militaire kaki, culotte drap kaki,
portait alliance en or.
5° Taille
1,58m environ, 28 à 30 ans. Portait brassard tricolore avec inscriptions P.R.
107 et alliance or. Vêtu complet bleu marine, chandail kaki, chemise bleu
marine et ceinturon militaire tressé. Il a été trouvé porteur d’un carnet de
poche à l’intérieur duquel sont portées des inscriptions, entre autres les
adresses suivantes : Jean Carpif ou Corpif, 66 Bd Mortier 20ième , André, 42
avenue de la Défense, Courbevoie (Seine) et un imprimé de facture avec
en-tête à l’adresse suivante : Q G Barraqué (successeur) spécialiste de
pré-salé n°1 rue Jacquart et 18 rue Terreux R.C. 552.014. Onze tickets de
voyage sur le métropolitain, 5 paquets de pansements, 1 flacon de
mercurochrome, 1 brosse à dents.
6° Taille
1,69m environ, âgé de 19 à 22 ans. Vêtu de 2 chandails, un rouge foncé et un
deuxième jaune clair et marron. Pantalon gris avec boucle au bas de la
jambe. Ceinture sport noire et blanche. Porte chevalière métal blanc.
7° Taille
1,70m environ, âgé de 30 à 35 ans. Vêtu chemise flanelle mixte blanche,
caleçon de bain marron avec rayures bleu, blanc, rouge.
8° Taille
1,70menviron, âgé de 30 à 35 ans. Vêtu chemise à carreaux blanc et bleu.
Tricot marron clair. Collant toile bleu, sandales bout cuir. Portait
chevalière métal blanc.
9° Taille
1,68m environ, âgé de 30 à 35 ans. Vêtu chandail kaki, culotte drap bleu
marine. Ceinture de culotte (bretelles de mousqueton). Portait brassard
tricolore P.B.18.
10° Taille
1,65m environ, âgé de 23 à 25 ans. Vêtu vareuse bleu marine, chemise bleu
foncé. Tricot gris (torse), pantalon foncé avec rayures rouges. Ceinture 3cm
de largeur avec rivets aluminium et pièces de monnaie de 10 centimes autour.
(N.D.L.R. 5
des 10 hommes appartenaient au corps franc Pommiès : René Cassagnes, Henri
Escale, le sergent Giral, les caporaux chefs Raymond Rouminières et Maurice
Gilbert)
Certificat
médical : Je soussigné Menjot Gaston, docteur en médecine à Morlaàs,
certifie avoir été appelé ce jour à constater le décès de 10 personnes du
sexe masculin dont on avait découvert les cadavres sur le territoire de la
commune de Morlaàs. J’ai constaté que la mort était réelle et constante
paraissant remonter à 48h environ et qu’elle était la conséquence de
blessures par projectiles de guerre.
Morlaàs le
12 juillet .
Source: archives de l’association.