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Pluies incessantes suivies de sècheresse...

Pau, le 16 août 1856,

Rapport sur la crise alimentaire.

A Monsieur le garde des Sceaux.

J'ai l'honneur de transmettre à Votre Excellence, ainsi que je l’avais annoncé verbalement, le résumé des documents qui m'ont été transmis, par les juges de paix et qui ont été contrôlés par les Procureurs Impériaux de ressort, sur la situation de la crise alimentaire. Elle est grave et elle se complique encore de la panique qu'une température exceptionnelle entretient dans la campagne.

La récolte du blé est en moyenne du tiers d'une récolte ordinaire. Il y a diminution considérable sur la quantité de gerbes, diminution même le rendement. À cet égard les prévisions même les plus fâcheuses ont été dépassées. Les localités privilégiées ont un peu plus du tiers ; les plus maltraitées ne retrouveront pas la semence. Toute la partie montagneuse du pays, tour à tour ravinée par les pluies et grillée par le soleil, est dans le désespoir. L'oïdium qui depuis trois années supprime toute vendange est arrivé à son maximum. Les propriétaires seront obligés de continuer à nourrir leurs cultivateurs. Les vignerons seront obligés de travailler sur les grandes routes ou de tendre la main. C'est dans un pareil moment qu'on serait heureux de voir ouvrir les ateliers du chemin de fer projeté de Dax à Pau. Les ouvriers habituels de la terre y trouveraient du moins le travail pour assurer leur nourriture.

Les pommes de terre ont été arrachées ; elles pourrissaient. Les haricots, les pois, les menus grains semés à leur place. Depuis soixante jours nous n'avons pas eu une goutte d'eau et le ciel ne nous donne pas l'espoir d'os avoir prochainement. Le maïs, seule nourriture du paysan est compromis. Dans les terres qui ne sont pas très profondes, il est complètement perdu. Dans les terrains argileux et sur les coteaux, on en désespère.

Les premiers foins ont été rares ; les seconds foins ont été rares, les seconds foins ont été brûlés. Les paysans privés de ressources et de fourrages n'ont pas pu se livrer à l'élève du bétail.

L'opinion publique est dans une vive perplexité. De nombreux arrivages sont, il est vrai, annoncés à Bayonne et à Marseille. Mais ici le maïs qui était à 13 francs au mois de mai est à 27 francs. Le blé est monté jusqu'à 42 francs. Les hautes et basses Pyrénées, en dehors du chemin de fer jusqu'à ce jour, auront une grande difficulté à s'approvisionner. On se rappelle combien les voies de terre furent vite effondrées et impraticables, lorsqu'elles durent être sillonnées durant la dernière crise alimentaire par de nombreux convois de blé.

Mais le blé arrivera-t-il avec facilité jusqu'à nous ? Où le paysan qui en temps ordinaire ne trouve de l'argent qu'en vendant son blé, se procurera-t-il l'argent nécessaire pour acheter les denrées indispensables à sa nourriture ? Il n'est pas comme l'ouvrier qui rapporte de sa journée de travail un salaire fixe qu'il peut convertir en pain. Aussi dans une conversation récente avec Mr le Préfet Laity, nous avons évalué au chiffre de 12 à 14

millions la somme nécessaire pour nourrir le seul département des Basses-Pyrénées ; j'entends la classe pauvre seulement.

Nous voyons par ces détails, Monsieur le Garde des Sceaux, que nous sommes menacés pour cet hiver non seulement d'une disette, mais encore d'une famine. Que Votre Excellence ne me taxe pas de m'effrayer outre mesure. Pour moi cet état de choses résulte de la sincérité et de la réalité de documents qu'on ne saurait taxer d'aucunes exagération.

Toutefois, les populations sont jusqu'à présent calmes et résignées : aucune mauvaise passion ne s'est fait jour parmi elles. Les recherches les plus actives dans les ateliers du chemin de fer de Bordeaux à Bayonne n'ont amené aucune constatation de propagande socialiste ou révolutionnaire. Je ne m'abuse pas et je me garde bien de conclure de l'impuissance de nos investigations à l'absence des Sociétés secrètes. Dans un pareil état de choses, j'ai renouvelé les instructions qu'à mon arrivée dans ce ressort, j'avais transmises à mes substituts. La situation était moins grave, mais elle était déjà difficile.

Je leur ai recommandé une grande attention sur la situation de l'esprit public et une surveillance sévère sur certains délits d'un ordre spécial. Les commissaires de police des villes et des cantons ont été astreints à faire régulièrement des visites chez tous les débitants de matières alimentaires.

 


 

 

Parquet de la cour impériale de Pau, le 22 janvier 1857

Monsieur le garde des Sceaux,

Cette crise pénible, sous laquelle les trois départements du ressort gémissent également, s'est compliquée l'été dernier des ravages causés par les inondations de l'Adour, de la Nive et des principaux cours d'eau qui amènent à la mer les neiges des Pyrénées ; le département des Basses-Pyrénées en particulier a ressenti et ressent encore les tristes effets de ce concours fâcheux de circonstances. La récolte des céréales en a été gravement affectée ; partout elle a été insuffisante et c'est à peine si elle a, en moyenne, atteint les trois quarts d'une année ordinaire. Celle du maïs a été encore plus fortement atteinte et par malheur c'est elle qui assure habituellement la subsistance des habitants de la campagne. C'est ce grain qui fait le fond de leur nourriture et de celle de leurs animaux domestiques ; elle est en général plus que suffisante pour faire face à toutes les nécessités et dans les bonnes années l'exportation peut y puiser largement. Cette année, c'est à peine si elle atteint les deux tiers d'une récolte ordinaire et ce déficit, joint à celui du froment, des autres céréales, des légumes qui servent habituellement de complément à l'alimentation des pauvres (tels que les haricots, les pommes de terre) qui ont également manqué, en même temps que l'absence complète de récolte de vin causée par les ravages persistants de l'oïdium, a jeté ce malheureux pays dans un état extraordinaire de misère qu'il serait inutile et injuste de dissimuler. Aussi les mercuriales du froment démontrent-elles que malgré les arrivages, les transports et les importations, cette denrée se maintient à un taux supérieur d'un tiers à celui qu'elle a dans le nord et particulièrement en Bretagne. C'est surtout, il est superflu de le faire remarquer, dans les campagnes que la misère due à ces causes accidentelles et si tristement concomitantes se fait plus cruellement sentir. L'ouvrier des villes plus près des secours, dont les besoins frappent plus vivement les yeux, dont les salaires se maintiennent à chiffre satisfaisant et qui trouve dans les établissements privés ou publics de bienfaisance les secours que nécessitent les maladies et autres accidents de la vie, est beaucoup moins à plaindre ; et cependant c'est lui qui obtient le plus de secours et puise le plus largement à cette source inépuisable de bienfaits de la charité officielle et privée. Le travail, du reste, ne lui manque pas et avec de l'ordre et de la conduite, il peut assez aisément se tirer d'affaire.

Dans nos campagnes, au contraire, et dans une année comme celle-ci, tout vient à manquer à la fois. Les petits propriétaires obligés de restreindre leurs dépenses par l'insuffisance des produits de leurs récoltes, ont suspendu les travaux ordinaires qui donnaient quelque aisance aux ouvriers agricoles ; ceux-ci se trouvent donc à la fois privés de récoltes et des ressources pécuniaires pour se procurer les denrées nécessaires à leur existence et qui ont atteint un prix exagéré. Les conséquences de cet état de choses sont faciles à déduire, et le cœur souffre à les constater.

Jacques Staes (Directeur des archives départementales)

 


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