LES "PROVISIONS" EN BÉARN AU DÉBUT DU XIXe SIÈCLE.
(Ces textes proviennent d’archives privées, et ils donnent une idée sur
« les provisions qui se faisaient au début du XIX° siècle)
PROCEDE POUR CONSERVER LE LARD LE JAMBON ET AUTRES PIECES DE SALE ET QUI
A TOUJOURS REUSSI
Lard.(an 1804)
1°.- Le lard, après avoir été salé, doit se mettre dans le saloir de
pierre, pièce sur pièce, en observant de répandre une couche de sel sur
chaque pièce. Il est bon que la pièce qui se trouve immédiatement
au-dessus des autres soit placée couenne en haut.
2°.- Ledit lard doit demeurer dans le même état jusqu'au mois de mars
(lune vieille). Alors, il convient de préparer (dans un ou deux
chaudrons) une saumure où le sel (qu'on fait fondre dans de l'eau
chaude) ne soit pas épargné. On répand cette saumure sur le lard, de
manière qu'il en soit absolument couvert et, pour s'assurer qu'il ne
surnage pas, on peut l'assujettir avec de gros cailloux qu'on aura eu
soin de laver pour les rendre propres. Le lard demeure ainsi toute
l'année. Celui qui reste au bout de l'an au moment du renouvellement des
provisions se tire du saloir (pour faire place au nouveau) et se lave
bien dans un ruisseau clair ou rivière, puis on le saupoudre de farine
de milloc [maïs] qu'on tamise dessus et on le suspend.
Nota : l'eau de la saumure doit être de fontaine et non de puits.
P.S. : Au lieu d'eau chaude pour dissoudre le sel, il suffira d'agiter
fortement sel et eau (froide) dans un petit chaudron, verser promptement
ce mélange dans le saloir et recommencer ainsi jusque ce que la saumure
soit suffisante.
Jambons.
1°.- Les jambons, surtout les grands, doivent être bien salés. Ne pas se
contenter de jeter du sel dessus, mais les bien frotter avec le sel,
surtout à la partie des os. Salés qu'ils sont, il faut les mettre, non
dans le saloir avec le lard, mais dans un cuvier exprès avec les autres
pièces du cochon (excepté le coustou [mot béarnais désignant "la partie
de côtelette de porc conservée en salaison"] et esquiau [Mot béarnais
désignant "l'échinée, quartier du dos du porc".] qu'on peut mettre
dans le saloir). Quinze jours après la première salaison des jambons, il
est bon d'en faire une seconde. On les laisse ainsi dans le cuvier
pendant un mois. Puis on les suspend près de la cheminée de la cuisine
jusques vers le mois d'avril, époque du retour des mouches. Alors, on
les enferme dans un coffre où il faut mettre une assez grande quantité
de cendre pour que lesdits jambons soient séparés les uns des autres par
une bonne couche de cendre. Au temps des premiers froids et où les
mouches disparaissent, il est bon d'ôter les jambons du coffre et de les
suspendre.
Le 22 décembre 1803, tué un cochon de la maison et, le 23, neuf oyes. Le
29, empli de ce cochon et oves six pots étiquetés comme suit :
- n°1 : grand pot plein de cuisses et ailes d'ove (entamé le 6 janvier
1805) ;
- n°2 : tous les cous, tous les gésiers et quatre ailes ou cuisses
desdites 9 oves
(entamé et vidé en septembre 1804) ;
- n°3 : contenant le coustou, les oreilles et le museau dudit cochon
(entamé le 1er novembre) ;
- n°4 : la langue et les lombes dudit cochon (entamé le 30 octobre 1804)
;
- n°5 : contenant 4 canards et un peu de coustou.
- n°6 : contenant 6 ailes de dindon (des 3 1ers tués).
Le 11 janvier 1804, on a entamé le n°1 de l'année dernière contenant
toutes
les ailes et cuisses des premières oves de ladite année.
Le 21, tiré de Hedembaigt [Il s'agit d'une des métairies dépendant du
domaine] un petit jambon de Came de l'an 1803 pour l'exploiter.
Le 22, tué les 7 oves restantes.
Le 27, on a repassé le n°2 de l'année dernière pour être entamé et
exploité incessamment. Le même jour, on a apporté à Hedembaigt les
jambons du 1er cochon de la maison et celui de Coudagnot ; les autres de
Came y avaient été mis dans leur temps. Il y en a neuf en tout de l'an
XII [an XII : de fin septembre 1803 à fin septembre 1804] jusqu'à ce
jour ; il y a, en outre, audit Hedembaigt, 6 pièces de l'an XI, savoir 2
jambons et un camot [Mot béarnais désignant le jambonneau.] du
cochon de la maison et 3 jambons de Came.
Le 4 février, retiré de Hedembaigt pour l'exploiter en détail un jambon
de Came de l'an Xl.
Le 6 février, on a tué le second cochon de la maison et les jours
suivants on a empli dudit cochon, des 7 dernières oves cinq pots
étiquetés et numérotés comme suit
- n°7 : contenant toutes les ailes et cuisses des 7 dites oves et deux
lombes (entamé le 21 mars 1805) ;
- n°8 : grand pot contenant coustou, qoula [Mot béarnais désignant
"la chair grasse, le lard entourant le cou du porc], museau et 2
cuisses et une aile de dindon ;
- n°9 : cinq ailes et 2 cuisses de dindon avec trois canards mulets
coupés par moitiés ;
- n°10 : contenant des lombes et la langue du second cochon ;
- n°11 : contenant les cous, culets et géziers des 7 dernières oyes,
deux oreilles et deux coustous du dernier cochon (entamé le 21 mars
1805).
Le 10 ou 12 mars, on a tiré du cuvier et transporté à Hedembaigt les
jambons et camots du 2e cochon de la maison tué le 6 février (total de
l'an XII, 9 jambons, 4 camots).
Le 22 mars 1804, on a retiré de Hendembaigt 1 jambon de Came de l'an XI
(reste 1 de Came, 2 de la maison et 1 camot).
Le 31 dudit, retiré de Hedembaigt le dernier jambon de Came de l'an Xl.
Le 7 avril, on a mis le lard dans la saumure.
Le 19 mai, on a mis dans la cendre au grand coffre du grenier du froment
les 9 jambons et 4 camots de l'an XII (de ces 9 jambons, les cinq sont
de métayers de Came). On a mis, de plus, 2 jambons de la maison de l'an
XI qu'on trouvera au-dessus des autres ; et le camot de ladite année a
été apporté à la cuisine pour l'exploiter incessamment. Total au coffre
: 15 pièces. Peu de jours après, l'un des jambons de l'an XI a été
entamé.
Le 12 juin, entamé le n°6. Le 5 juillet, entamé le n°9.
Le 30 juillet, tiré du coffre le dernier de nos jambons de l'an XI pour
le manger et le 19 août tiré un autre jambon de Came de l'an XII pour la
cuisine.
Le 11 septembre, tiré du coffre pour l'exploiter de suite un des camots
de l'an XII.
Le 4 octobre, tiré du coffre un petit jambon de Came pour l'exploiter de
suite.
Le 19 octobre, tiré du coffre un de nos jambons de l'an XII pour
l'entamer de suite.
Le 15 novembre, tiré du coffre un camot de l'an XII pour l'exploiter de
suite. Le 28 novembre, entamé le pot n°10 contenant des lombes.
ETAT DES PROVISIONS DE GRAISSE POUR L'AN XIII OU 1805.
Le 11 décembre 1804, on a tué 9 oyes et le 20 on a tué un cochon. Les
chairs desdites 9 oves et dudit cochon distribuées en 4 pots comme suit
:
- n°1 : grand pot contenant toutes les ailes et cuisses des 9 oves et
quelques lombes (entamé le 28 novembre 1805) ;
- n°2 : neuf cous desdites oves et quelques lombes dudit cochon (entamé
le 1er août) ;
- n°3 : six ailes de dindon et les deux oreilles dudit cochon (entamé le
1er octobre 1805) ;
- n°4 : tous les coustous et les goulas du cochon, tous les gésiers et
culets des 9 oves (entamé le 18 mai 1805).
Le 27 décembre 1804, avons tiré du coffre et suspendu à Hedembaigt 3 de
nos jambons, 2 de nos camots et 2 jambons de Came, le tout de l'an XII,
faisant sept pièces, la huitième (un jambon de Came) tirée pareillement
du coffre ledit jour étant restée à la cuisine pour y être exploitée dès
ce jour.
Le 7 janvier 1805, on a tué les sept oves restantes (gorgées pendant une
douzaine de jours) et le 29 on a tué le second cochon.
Ledit jour (29), on a tiré du saloir et transporté à Hedembaigt les 2
jambons et camots du premier cochon.
Le 4 février suivant, on a arrangé toutes les pièces des 7 dernières
oyes et du dernier cochon dans des pots numérotés comme suit :
- n°5 : grand pot contenant 3 canards, des coustous, des aoulas, la
langue dudit cochon et le museau (entamé le 28 août 1805) ;
- n°6 : un canard et les oreilles dudit cochon (entamé le 17 juillet) ;
- n°7 : toutes les ailes et les cuisses desdites 7 oves (entamé le 10
mars 1806) ;
- n°8 : deux canards, 7 cous d'oye, les géziers et 3 ou 4 culets (entamé
le 2 juin) ;
- n°9 : tous les lombes dudit cochon (entamé le 10 novembre 1805).
- outre les pots susdits, il y en a un autre sans numéro, de moyenne
grandeur, contenant de la graisse pure.
Le 1er mars, on a suspendu à Hedembaigt les 4 jambons et camots du 2ème
cochon de la maison tué le 29 janvier.
Le 7 dudit, on a retiré dudit Hedembaigt, pour l'exploiter de suite, un
jambon de Came de l'an XII (nota : reste 6 pièces de l'an XII, savoir 3
jambons de la maison, 2 camots idem et un jambon de Came ; de l'an XIII,
les 8 pièces de nos deux cochons, ayant vendu les jambons de Came de
ladite année).
Le 22 mars on a mis la saumure dans le saloir de pierre.
Le 2 mai 1805, on a retiré de Hedembaigt et mis dans le coffre dans la
cendre treize pièces, savoir huit de nos deux cochons de l'an XIII
[de fin septembre 1804 à fin septembre 1805] et cinq de l'an XII,
savoir 3 jambons de la maison, un camot Idem et un jambon de Coudagnot ;
l'autre camot a été entamé ledit jour à la cuisine.
Le 13 juin, on a commencé un de nos grands jambons de l'an XII.
Le 30 juillet, on a retiré du coffre pour l'exploiter de suite un des
jambons de nos cochons de l'an XII.
Le 7 août, retiré du coffre un camot de l'an XIII pour l'envoyer à
Maneich qui me l'avoit demandé.
Le 21, retiré du coffre pour l'exploiter le dernier de nos camots de
l'an XII.
Le 8 octobre, on a retiré du coffre pour l'exploiter un des jambons de
l'an XII (il n'en reste plus qu'un de cette année).
Le 28 novembre, on a tiré du coffre les jambons et transporté à
Hedembaigt : savoir un jambon de l'an XII, trois jambons et 3 camots de
nos cochons de l'an XIII (le 2eme jambon de l'an XIII a été laissé à la
cuisine pour être exploité, s'étant trouvé entamé des souris).
An XIV, correspondant à 1806.
Le 13 décembre 1805, nous avons tué 8 oves (gorgées pendant 2 semaines
ou à peu près) ; elles étaient petites mais très grasses et se sont
couvertes amplement (la plupart étaient femelles et ont pesé, l'une dans
l'autre, de 11 à 12 livres).
Le 23 décembre 1805, nous avons tué l'un de nos cochons (femelle)
engraissé pendant l'année (II a pesé 270 livres).
Le 24 dudit, on a suspendu à Hedembaigt le jambon de Chusque (apporté et
salé le 6 dudit).
Le 27 dudit on a distribué en 6 pots numérotés comme suit la graisse et
les viandes du susdit cochon et des 8 oves :
- n°1 : grand pot contenant toutes les ailes et cuisses desdites 8 oves
;
- n°2 : 4 canards (se sont trouvés gâtés en août lors de l'ouverture) ;
- n°3 : tous les qoulas du susdit cochon (entamé le 19 juin) ;
- n°4 : tous les coustous oreille, museau et langue du cochon (le 18
mal) ;
- n°5 : tous les cous, culets et géziers des 8 oves (entamé le 25 avril
1806) ;
- n°6 : tous les lombes dudit cochon (entamé le 30 octobre 1806).
Le 23 janvier 1806, nous avons tué 10 oves et le 11 février un second
petit cochon. On a empli 5 pots numérotés comme suit :
- n°7 : grand pot plein d'ailes et cuisses d'oye ;
- n°8 : quelques ailes et cuisses d'oye, tous les culets et géziers de
10 oves et 4 ailes de dindon (entamé le 16 août 1806) ;
- n°9 : tous les goulas du 2° cochon (entamé le 15 octobre 1806) ;
- n°10 : tous les lombes et la langue dudit cochon (entamé le 19
novembre) ;
- n°11 : les cous desdites 10 oves ; tous les coustous, museau et
oreilles dudit cochon (entamé le 15 juillet 1806).
Le 4 mars 1806, on a apporté à Hedembaigt les derniers jambons de la
présente année consistant en 4 jambons et autant de camots des cochons
de la maison et 2 jambons, l'un de Chusque, l'autre de Charpente, en
tout 10 pièces de l'année. Il y a, en outre, audit Hedembaigt 3 jambons
et 3 camots de nos cochons de l'an XIII et un jambon idem de l'an XII,
en tout 17 pièces.
Le 16 mars, on a tiré de Hedembaigt le jambon de l'an XII pour
l'exploiter.
Le 17 avril, on a fait la saumure du lard.
Le 23 avril, on a ôté de Hedembalgt tous les jambons et mis comme de
coutume dans la cendre, à l'exception de 2, savoir l'un de nos cochons
de l'an XIII et l'autre, de Charpente, de l'an XIV, lesquels on a laissé
à la cuisine avec celui de La Maysouette pour les exploiter incessamment
(celui de nos cochons a été un peu entamé des souris). Partant, on a
déposé dans le coffre 4 jambons et 4 camots de nos cochons et un jambon
de Chusque, le tout de la présente année 1806, en outre 2 jambons et 3
camots de nos cochons de l'année précédente, en tout 14 pièces. [...]
Jacques STAES Directeur des Archives
départementales des Pyrénées-Atlantiques
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