fors de Béarn (de Morlaàs)
Dernière modification:  28/07/2022


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LES FORS DE BÉARN

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Pourquoi voudrait-on nous faire croire que toutes les lois viennent de Napoléon? Bien avant Henri IV, le Béarn s'était doté de lois bien "modernes" et sociales...
 

 


Aux XIe & XIIe siècles règne le vicomte Gaston IV dit «le croisé» (1090-1131); Morlaàs devient la première capitale du Béarn. Naissent alors les fors de Béarn, les premières lois du Béarn.

 

Les habitants de la Seigneurie et Principauté de Béarn se gouvernaient à l'origine au moyen de Fors et Coutumes et pour se maintenir en liberté et dans le respect de celles-ci, ils élirent successivement plusieurs chevaliers comme seigneur : le premier de Bigorre, l'autre d'Auvergne et le troisième fils du prince de Catalogne qui régna et entretint le peuple dans ses Fors, Coutumes et Libertés. Et il leur rendit justice selon celles-ci et après lui ses descendants par ordre et succession héréditaire.

FORS ET COUTUMES DE BÉARN.

ARTICLE PREMIER  Le seigneur de Béarn à son nouvel avènement est tenu de jurer à la Cour, aux Barons, à la noblesse et à tous les autres habitants du Béarn qu'il leur sera seigneur fidèle. Et qu'il fera droit, conformément au droit, au pauvre comme au riche, sans distinction de personne et qu'il ne fera ni tort, ni préjudice aux personnes et aux biens. Et il les gardera et maintiendra dans leurs Fors, Coutumes, privilèges et libertés, tant en commun qu'en particulier. Et il tiendra pour ferme et inviolable ce qui sera ordonné par sa Justice.
ART 2  Et il est tenu de rendre justice à chacun dans le dit pays. Et quand il s'éloignera dudit pays et terres, qui de toute antiquité appartiennent à sa maison, il laissera un Lieutenant pour les administrer et qui ait pleine puissance de ce faire ainsi que de toutes les autres causes relatives à son service et au bien public.
ART 3  ART 4 : Le Prince défendra l'Église des vexations indues des laïques. Et il contraindra les magistrats subalternes à rendre justice à ceux qui porteront plainte.
ART 5.
Au Seigneur seulement et à ses officiers il appartient de rendre justice pour effusion de sang, et à aucun autre, sinon pour coups et blessures, comme il sera déclaré ci dessous.
 


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ART 5   Celui qui est accusé de trahison, s'il dément celui qui l'a accusé, offrant de se défendre, à la connaissance de la Cour; son honneur est sauf.
ART 6   Dans les affaires qui peuvent se prouver, il n'y a pas matière à combat.

 RUBRIQUE DE LA QUALITÉ DES PERSONNES
ART 1    Qui tient une terre à cens d'un noble ayant baile, jurat et cour est son homme s'il habite sur cette terre.
ART 2   Qui achète ou acquiert des biens immeubles sur la terre d'une autre communauté, bien qu'il contribue à toutes les charges, n'est pas voisin s'il n'est pas reçu par les voisins de cette communauté.
ART
3   La coutume est en Béarn que tout fils de voisin est voisin et aussi l'étranger s'il se marie avec la fille héritière d'un voisin. Il est seulement tenu de prêter serment de voisinage. Mais s'il se marie avec une fille qui ne soit pas héritière, il sera tenu de faire et d'observer toutes les formalités de voisinage, selon la coutume et le lieu où il voudra être reçu voisin. 
 


 

ART 4   Les cagots ne doivent pas se mêler avec les autres hommes pour des relations familières. Il doivent dorénavant habiter séparés des autres habitants et ils ne se mettront pas devant les hommes et les femmes à l'Église, ni aux processions, sous peine d'une amende majeure chaque fois qu'ils contreviendront. 
ART 5   Et il est interdit à tous les cagots de porter d'autres armes que celles dont ils ont besoin pour leurs métiers, sous peine d'amendes majeures pour chaque arme toutes les fois qu'ils contreviendront. 
Et les jurats auront la faculté de se saisir de leurs armes, lesquelles iront au profit du seigneur du lieu et de la communauté, par parts égales. 
ART 6  
Les lépreux ne peuvent s'établir davantage ni en d'autres lieux que dans les maisons qui leurs sont affectées pour leur domicile. Et dans chacune des léproseries ne doit demeurer qu'un seul lépreux avec sa famille. Mais ceux qui passent et repassent pourront s'y retirer et y rester pour deux jours seulement.

[ Les articles 4 et 5 sur les cagots étaient nettement distincts de l'article 6 consacré aux lépreux; fort sagement, le For distinguait entre ces deux catégories et ne prenait pas parti sur leurs origines. En dépit de la volonté royale de faire cesser la discrimination, le For continua à justifier les préjugés raciaux de la population. Les règlements allaient d'ailleurs dans le même sens du mépris des ordonnances royales. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, les cagots furent eux-mêmes les victimes résignées de la tradition. Mais en 1722 ceux de Nay, Pau, Igon et Bruges s'adressèrent au Parlement « pour faire deffence à tous les habitants du ressort de méfaire aucune différence injurieuse par rapport aux prétendus vices de naissance, de ladrerie ou cagoterie comme étant opinion superstitieuse dangereuse dans ses effets »... Par la suite, le Parlement trancha toujours en faveur des cagots lorsque leur était imputée leur soi-disant cagoterie ]

D'après Christian Desplat



 


 

LE SERMENT DE LOUIS XV AU FOR DE BÉARN (1723).

 

Depuis Henri IV, tous les rois de France prêtèrent le « sacramento mutuo », c'est-à-dire le serment de respecter les libertés béarnaises. Le Béarnais jura deux fois, à Pau ; son fils l'imita, dans la salle des états du château de Pau en 1620 ; son petit-fils jura à Saint-Jean-de-Luz à l'occasion des cérémonies de son mariage. Louis XV et Louis XVI prononcèrent le serment à Versailles entre les mains des députés béarnais. Voici, ci-dessous, une relation très détaillée de la dernière prestation de serment en janvier 1776. Le souverain prêtait le serment en personne et avant que les députés ne jurent à leur tour leur fidélité au prince.

(L’orthographe originale a été conservée, seule, la ponctuation est modernisée, pour une meilleure compréhension du texte)

"LOUIS par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Par le premier article des Fors et coutumes de notre pais de Béarn il est étably que les seigneurs souverains dudit pais à leur nouvel avènement jureront et promettront à leurs sujets de leur estre bons seigneurs et maistres, de les maintenir en leurs fors, coutumes, privilèges et libertés, et de rendre justice à tous sans distinction ny exception de personnes, et par l'huitième article des fors et coutumes les sujets sont aussi obligés à chaque mutation de seigneur de luy faire hommage et prester serment de fidélité, ainsi qu'il est plus au long porté par les. deux articles, et qu'il a toujours esté observé jusqu'à présent. C'est pourquoy, voulons à l'exemple de nos prédécesseurs et a ce qui a été porté par l'édit d'Union dudit Pais à cette couronne, garder et maintenir nos sujets de Béarn en leurs fors, coutumes et privilèges en considération de leur fidélité. Nous avons bien voulu prêter de notre part et recevoir de nos dits sujets le dit serment en tel cas requis et comme nos affaires ne nous permettent pas d'aller au dit pais pour y tenir en personne les états et procéder au dit serment en la solemnité que nos sujets désireroient, a ces couses sçavoir faisons que ce jourd'huy en présence des députés des trois ordres dudit pats de Béarn qui nous sont venus trouver en ce lieu, nous avons juré et protesté, jurons et protestons au DIEU VIVANT de maintenir et conserver tous nos sujets de nostre dit païs de Béarn en tous leurs fors, coutumes, privilèges et libertés, et qu'au même moyen avons recu et accepté les serments et soumissions, foy et hommage de leur fidélité qu'ils nous ont rendu par les dits députés testes nues à genouils et tous sans armes, tenans leurs mains droittes en haut, et ordonné pour mémoire de ce le présent acte en estre expédié et rendu public, SI DONNONS EN MANDEMENT a nos amez et féaux les gens tenant notre Cour de Parlement de Navarre établi à Pau, que ces présents ils fassent lire et enregistrer pour y avoir recours quand besoin sera, car tel est notre bon plaisir. EN TEMOIN de quoy nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes, DONNÉ à Versailles le 31° jour de may, l'an de grace mil sept cens vingt trois et de notre règne le huitième.

Louis

 

C. DESPLAT, « Le For de Béarn de Henri Il d'Albret (1551) », Pau, 1986.

 


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