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UNE RIXE ENTRE DES HABITANTS DE BUROS
ET DES HABITANTS DE MORLAAS
LORS D'UNE BATTUE AUX LOUPS
DANS LE BOIS DE PAU (1779)

(Procès-verbal établi par Jean de Laclède, Maître Particulier des Eaux et Forêts de Pau, à la suite d’une rixe entre les habitants de Buros et les habitants de Morlaàs survenue lors d’une battue au loup dans la forêt Bastard (Bois de Pau)

La présence de loups est fréquemment attestée jusqu’au XVIII° siècle.

Pour la transcription, j’ai « modernisé » le texte dont l’orthographe différait de celle acceptée de nos jours, mais j’ai conservé les tournures de phrases de l’époque.

 

L'an mil sept cent soixante-dix-neuf et le treize avril, nous Jean de Laclède, conseiller du Roy, Maître particulier en la Maîtrise particulière des Eaux et forêts de Pau, nous étant rendus en exécution de notre ordonnance du sept du présent mois sur la lande du Pont Long, canton Sallié, avec Paul Balade notre greffier, Pierre Casaubon huissier et Louis Poublan garde forêt, nous aurions reconnu et vérifié que les paroisses commandées pour la chasse et huées aux loups avoient fait rendre les chasseurs. Cela fait, nous aurions fait défiler les chasseurs paroisse par paroisse portant fusils et les aurions postés autour du fossé qui encerne la forêt royale Bastard et à une distance d'environ quinze toises l'un de l'autre et, de suite, nous aurions porté les chasseurs destinés pour les huées et battues à l'extrémité de ladite forêt à l'Orient et aurions commis tant les jurats que Louis Poublan et Morthé, gardes, pour conduire et exciter les batteurs. Les huées ayant commencé auraient été vives, mais elles se seraient ralenties de suite et les chasseurs, loin de se diviser dans la largeur de la forêt, se seraient réunis en deux ou trois corps en fille, ce qui aurait empêché que les huées n'auraient pas été générales. Que, néanmoins, il aurait été tiré plusieurs coups de fusil, tant dans la partie vers le Nord que dans celle vers le Midi. Qu'il aurait paru quatre loups, mais, les chasseurs n'ayant pas battu et ayant défilé sans embrasser ladite forêt, les loups y auraient restés, n'étant pas forcés. Ce qui nous aurait déterminés à rallier quelques chasseurs batteurs, les autres s'étant répandus çà et là pour éviter le travail et aurions fait recommencer les huées par l'essaim que nous avions formé. Qu'il aurait été tiré quelques coups de fusil dans la partie vers le Nord où nous n'aurions peu nous transporter, étant occupés à veiller sur la ligne au Midi. Les batteurs ayant fini les secondes huées, nous aurions restés quelque temps pour attendre qu'on nous avertit s'il avait été fait quelque prise dans la partie au Nord, personne ne s'étant présenté, et, la chasse finie, lesdits Poublan et Morté, gardes, nous auraient représenté qu'il ne leur avait pas été possible de faire battre la forêt ni soutenir les huées, les chasseurs se refusant au travail et au bon ordre et les jurats n'interposant pas leur autorité, ce que nous aurions observé nous-mêmes dans le mouvement, ayant été forcés de courir dans ladite forêt pour exciter des chasseurs à reprendre l'exercice pour les secondes huées.

Cela fait, nous nous serions retirés vers les quatre heures à St Sauveur de l'Ousse pour y prendre quelque nourriture, et, nous étant rendus ensuite dans notre Hôtel à Pau, nous y aurions trouvé un gros loup mort que des chasseurs de Morlaàs auraient porté à ce qu'on nous aurait déclaré et, de suite, Jean Cathala, jurat, et Anthoine Menjot dit Saubat, de Buros, se seraient présentés et nous auraient déclaré que lui Saubat et Theulé autre chasseur de Buros que nous avions placé dans la partie de la forêt au Nord avaient tiré sur le loup et l'avaient blessé à la première huée ; que les nommés Lacoste, Espagnou et Haget cadet, autres chasseurs de Buros, l'avaient suivi et tué avec une fourche de fer et un râteau dans un champ du Normand et qu'ils l'avaient remis aux autres chasseurs de Buros ; qu'ensuite, les nommés Vignou et Bourlat, autres chasseurs de Buros, l'ayant pris pour nous le représenter avec leurs camarades, des chasseurs de Morlaàs le leur avaient enlevé et s'étaient portés à des excès, de manière que plusieurs chasseurs de Buros étaient blessés par des coups de cuirasse de fusil et hallebardes et d'autres meurtris ; qu'ils nous priaient de nous transporter dans la maison d'Henry Vignau, aubergiste de la présente ville, pour entendre et faire visiter lesdits chasseurs blessés et meurtris. Sur quoi, nous aurions ordonné auxdits Cathala et Saubat, de Buros, de faire prendre le loup pour le déposer dans quelque lieu où l'odeur ne peut pas incommoder et de faire enlever la peau pour être déposée au greffe et remise ensuite à qui il appartiendrait. Cela fait, nous aurions envoyé chercher le Sr Casaux, maître chirurgien, lequel s'étant rendu avec nous dans la maison dudit Henri Vignau, nous aurions trouvé des chasseurs de Buros ayant du sang au visage, à la chemise et se plaignant, lesquels sont Jean Bourlat aîné, Jean Blancq dit Nabos, Anthoine Menjot dit Saubat, Paul Dardet de Baix, Pierre Sourthès de Haut, Jean Rousseu de Haut, Raymond Vignau et Pierre Hourcade, lesquels, après avoir prêté serment en nos mains ont déclaré ce qui suit. Jean Bourlat nous a déclaré qu'il lui avait été lâché des coups lorsqu'il portait le loup pour nous le représenter, qu'il a entendu dire que le Sr Loustalot aîné, de Morlaàs, les avait lâchés, n'ayant pu s'en apercevoir lui-même. Jean Blancq dit Nabos nous a déclaré que Labourdette fils, de Morlaàs, lui avait donné des coups avec la culasse de son fusil. Anthoine Menjot dit Saubat nous a déclaré que le fils aîné de Vignau, de Morlaàs, lui a donné plusieurs coups de culasse de fusil et que le fils aîné de Jean Courdé, de la même ville, a armé son fusil contre lui, mais que l'ayant saisi et s'étant débattus, lui Saubat a perdu son fusil et sa veste dans la mêlée. Paul Dardet de Baix nous a déclaré que le nommé Sendos, boulanger de Morlaàs, lui a donné sur la tête un coup de fusil avec tant de force qu'il l'a cassé, que le coup l'ayant étourdi il a perdu son fusil. Pierre Sourthès de Haut nous a déclaré avoir reçu plusieurs coups sans savoir qui les lui a portés, mais on lui a brisé son fusil qu'il nous représente et remet pour servir à telles fins que de raison. Raymond Vignou nous a déclaré que le Boué, de Morlaàs, lui a donné des coups de culasse de fusil dans le temps qu'il voulait porter le loup avec quelqu'autre. Enfin, Pierre Hourcade nous a déclaré avoir reçu plusieurs coups en voulant également donner son secours peur porter le loup, sans qu'il sache qui les lui a portés. Cela fait, le sieur Casaux, Maître chirurgien, aurait visité lesdits Bourlat, Jean Blancq dit Nabos, Menjot dit Saubat, Dardet de Baix, Sourthès de Haut, Rousseu de Haut, Vignau et Hourcade et pensé ceux qui ont été dans le cas de devoir l'être, de quoi il fera son rapport.

De quoi et de tout nous avons dressé notre procès-verbal, lequel nous avons rédigé ce jourd'huy au matin, quatorzième avril, ne l'ayant pu hier au soir, étant tard et excédé de fatigue, lequel nous avons fait écrire par notre greffier et avons signé avec lui.

Pau le 6 juillet 1779.

 

La plainte des habitants de Buros, conservée dans le même dossier que ce procès-verbal, fournit quelques détails complémentaires sur la rixe.et, en particulier, sur ses motifs : « ... Le loup ayant paru fut tué par ceux de Buros suppliants, qui le prirent pour le porter chez M. le Maître particulier. Nombre de particuliers de Morlaàs, jaloux apparemment de la prise des suppliants, leur enlevèrent le loup. Ces derniers ne voulant pas le lâcher furent excédés cruellement à coup de couteau de chasse, de Baïonnette et de crosse de fusilh... »

Jacques Staes (Directeur des archives départementales)

 


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