Dernière modification: 20/05/2015

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Lundi 8 décembre 2014.

Muang Không - Phia Fay ( 83km ).

Réveil à quatre heures sans trop de mal. J'appréhende cette étape, car je dois parcourir plus de quatre-vingts kilomètres, et je crains la chaleur et le vent de face. J'avais demandé au piroguier de venir me chercher à cinq heures : il est fidèle au rendez-vous. Quand j'ouvre la porte de l'hôtel pour sortir dans la rue, il m'attend dans l'obscurité, s'empare de mon vélo, traverse le pont de planches, descend la pente herbeuse vers le Mékong, comme si nous étions vraiment pressés. Nous n'avons pour seule lanterne qu'une pleine lune qui donne des reflets sinistres à l'eau noire du fleuve. La barque glisse presque en silence, le moteur au ralenti, un air presque froid me fouette le visage. Le piroguier bâille en poussant des rugissements de fauve. Sur l'autre rive, autour du temple, quelques petites lumières éparses me laissent supposer que les moines, vêtus de leur robe safran partent quémander leur pitance. Tout près de l'eau, un pâle falot vacille puis s'éteint. Aucun signe de vie dans ce paysage couleur d'ébène et de vieil argent. Le ciel aussi est en noir et blanc avec des nuages éclatants autour de la lune. Cette traversée dure une dizaine de minutes : c'est un moment de bonheur. Je me suis plongé, encore ensommeillé, dans cette féérie ; j'aimerais ne jamais oublier ces instants. Nous atteignons la rive noire et sinistre. Le piroguier monte mon vélo le long de la berge et nous arrivons sur la route poussiéreuse où une vieille dame farfouille dans la faible lumière d'une petite ampoule éclairant sa petite épicerie. Je paye grassement mon piroguier qui croit ne m'avoir rendu qu'un service, et ne se doute pas qu'il a fait beaucoup plus !

Me voilà sur le chemin au goudron tout défoncé qui rejoint la RN13. Je m'éclaire avec « l'astre céleste » et si je devine les ornières recouvertes de terre jaune, je ne vois pas le relief, ce qui rend mon équilibre précaire. Dans les parties ombragées par de grands arbres, je me retrouve dans une obscurité totale. Il est vraiment difficile, en vélo, de trouver son équilibre dans l'obscurité, de plus quand le sol est irrégulier.

Il est cinq heures trente lorsque je rejoins la nationale 13. Heureusement, c'est le désert. Mes yeux se sont habitués à l'obscurité et je roule sur le milieu de la chaussée, car c'est toujours sur le bas-côté que se trouvent les pièges : grosses pierres ayant servi à signaler un véhicule en panne, tessons de bouteilles, épaisse couche de gravillons. Le clair de lune me permet de distinguer des taches sombres sur le revêtement, mais je ne sais jamais s'il s'agit d'un chien écrasé ou d'un simple raccord. Alors, je vais en zigzague, à quinze kilomètres à l’heure et pourtant il me semble avancer très vite. Soudain, un bruit de moteur me paraît très proche, derrière moi. Je me retourne : je ne vois rien. Par prudence, je reviens sur ma droite. C'est alors qu'une moto me double à grande vitesse, sans la moindre lumière. Le motocycliste fait comme moi, il roule sur le milieu de la route au jugé, juste là où je me trouvais il y a une minute. Heureusement que je suis revenu sur ma droite, car il aurait très bien pu me prendre pour une tache sur le revêtement ! Et alors nous aurions été décalqués sur la route, comme un tableau de Miro : lui, moi, la moto, le vélo... ça aurait fait une bien belle composition ! Le bruit de la moto s'est éteint dans le lointain, et maintenant, c'est un vrombissement d'avion qui arrive avec une lueur blanche, puis ce sont des phares éblouissants. Il s'agit d'un car de grande ligne, de ceux qui relient Vientiane à Phnom Penh en une étape. Le chauffeur allume toute une rampe de phares longues portées située sur le toit du car. Alors là, c'est comme si je plongeais dans le soleil ! Il a reconnu un étranger, il a la gentillesse de n'allumer que ses feux de croisement, et il me gratifie d'un effrayant coup de trompe prolongé au moment où il me croise. Je ne prends pas ça comme une manifestation de désapprobation, car des gens sans lumière il en a croisé toute la nuit, mais plutôt comme un signe d'encouragement. Je fais partie de la confrérie de ceux qui font la route de nuit, mais lui avec cinq mille watts et moi avec la lune pour lanterne.

Sur ma droite, le ciel blanchit, puis une barre rouge souligne l'horizon : ça y est, je commence à voir plus nettement le paysage. Le soleil cuivré monte à l'horizon : il fait jour. Je peux enfin lire le compteur, sur mon guidon : je n'ai fait que neuf kilomètres.

L'air est frais, le soleil bien aimable et le vent légèrement favorable. J'ai tout pour être heureux, il ne me reste plus que soixante-dix kilomètres à parcourir soit un peu plus de trois heures de route si tout va bien. Je m'ennuie un peu, mais il y a toujours un animal sur la route pour me distraire. Les chiens errants, craintifs, sont en quête de quelques détritus jetés par la portière d'un véhicule et me regardent avec des yeux tristes. Ils ne sont jamais agressifs. Les chèvres traversent en famille avec les petits qui suivent en trottinant, les coqs et les poules picorent sur le bord sans s'aventurer sur la chaussée. Par contre, les petites vaches brunes aux yeux de biche se trouvent bien sur la route ; alors, elles y restent, immobiles, en plein milieu, indifférentes aux camions ou aux gros véhicules qui frôlent leur mufle. Mais le pire de tout, ce sont les indigènes à bicyclette. Ils vont tranquillement sur leur machine qui couine, et quand il leur prend la lubie d'aller de l'autre côté, ils traversent comme ça, soudainement. Alors, je comprends pourquoi il y a tant de dessins sur l'asphalte ! Les riverains ne se sont pas encore habitués à cette circulation de plus en plus importante, aux véhicules, notamment aux gros 4x4 qui vont de plus en plus vite. J'ai connu cette N13 dans les années 90, quand elle n'était qu'un chemin de terre parcouru par quelques rares camions... L'évolution va trop vite.

 

     

Observez bien: sur l'une des photos vous verrez une vache brune, sur l'autre le photographe...

 

Je finis par arriver à Phia Fay presque en forme. Quatre-vingts kilomètres en VTT c'est un peu fatigant, mais le pire, c'est le sac à dos. J'ai davantage mal aux épaules et au cou qu'aux jambes. Ce qui est pénible aussi, c'est le revêtement de gros graviers : c'est comme si je roulais sur une râpe à fromage.

Je retrouve le même bungalow qu'à l'aller, au "Tutavan G.H", mais la voisine a fermé sa boutique, alors il me faut revenir au village pour manger une soupe et acheter quelques bananes qui devraient suffire pour mon dîner.

L'après-midi après une courte sieste, je reste sur la petite terrasse devant la porte de ma chambre à regarder les poulets picorer dans la pelouse, les voitures passer sur la R13, et d'énormes fourmis rouges aller et venir en procession sur la balustrade. Ce sont de grosses paresseuses, elles ne transportent rien.

Détail amusant : d'après la carte je suis à Ban Thang Beng, d'après les bornes kilométriques à Phia Fay, et d'après les gens à Pa Thum Phon... C'est pourquoi on a parfois des difficultés à se faire comprendre quand on demande sa route !

 

Mardi 9 décembre 2014.

Phia Fay - Champasak. ( 36 km ).

 

  Au bout de la route, le sein au têton dressé vers le ciel de la "femme couchée", montagne qui domine le site de Wat Phu.

 

Aujourd'hui petite étape. Je flemmarde donc jusqu'à huit heures. La température est douce : 23° et il n'y a pas de vent. La route monte et descend en toboggans. Cela ne me déplaît pas, car ça me permet de me détendre en me mettant "en danseuse". Je suis tellement plongé dans mes pensées que je manque le croisement de Champassak. Quand je me renseigne, j'ai fait six kilomètres de trop. Je reviens sur mes pas, je traverse avec le bac le plus vieux et le plus vermoulu du secteur. Je m'installe à Saythong G.H. Le restaurant domine le Mékong et les petites barques des pêcheurs... C'est aussi calme qu'à Don Det.

 

    La sérénité d'une soirée au bord du Mékong...

 

Mercredi 10 décembre 2014.

Champasak.

Jour de repos. Je suis levé à cinq heures trente et je regarde le soleil se lever sur le fleuve qui est très large à cet endroit ( environ 1,5 km ). Ce que je ne pourrai jamais faire partager à personne, c'est la féérie des changements de couleur avec une surprenante rapidité. Je suis seul, quelques barques de pêcheurs glissent silencieusement emportées par l'eau qui semble immobile.

 

     

 

Jeudi 11 décembre 2014.

Champasak - Paksé. ( 34 km ).

Je reviens donc vers Paksé. Lever à cinq heures, premières lueurs sur le Mékong, puis lever du soleil. Je ne m'en lasse pas ! L'air est frais ( 21° ), pas de vent, la route est tranquille, le revêtement parfait : j'avance à bonne allure. Les buffles et les petites vaches se promènent sur la route. Plus j'avance, plus la circulation est importante, jusqu'à devenir infernale à l'approche du pont. Je passe au « Sabaidee 2 » saluer Mr Vong, et je m'installe au « Nang Noy G.H ».

L'après-midi je vais au marché central et je le trouve bien animé : de nombreuses boutiques qui étaient fermées lors de mon précédent voyage ont ouvert, on y trouve de tout. Je mange une soupe de nouilles au premier étage. En réalité, ce marché ne fonctionne à plein régime qu'une semaine par mois. Les commerçants tournent sur plusieurs villes. Sur la place, les manèges attirent quelques rares enfants : tous n'ont pas les moyens d'acheter un ticket !

Le soir, un vent très frais souffle dans les rues de Paksé. Comme je n'ai pas envie, comme l'an passé à la même période, de me retrouver coincé ici avec une pluie diluvienne et des températures hivernales, je décide de repartir vers la Thaïlande dès demain. Je vais manger un bon steak-frites au « Daolin » car il me faut des forces et de la vigueur. Je dois reconnaître que la nourriture lao ne vaut pas celle de Thaïlande. Les plats sont parfois insipides, peu relevés, et l'on y trouve peu de viande. Le riz frit au poulet est surtout composé de riz, de gros morceaux d'oignons, de quelques petits bouts de carottes, et de petits morceaux de poulet, il n'y a que quelques lambeaux de viande. De plus, les plats, même sur les marchés, sont beaucoup plus chers qu'en Thaïlande. Je suis donc content, demain, de rentrer « chez moi ».

 

     

 

     

 

Vendredi 12 décembre 2014.

Paksé - Chong Mek. ( 45 km ).

Chose rare : je ne me suis réveillé qu'à 5 h 30. Moi qui voulais partir à six heures... Peu importe, car l'étape est courte. Je quitte « Nang Noi G.H » à sept heures. Dans les rues encore désertes, les bonzes vont par douzaines, à la queue leu leu pour permettre aux habitants de faire leur bonne action en leur donnant leur nourriture. Ces moines forment ainsi de petites guirlandes de couleur orange au long des rues. De-ci de-là, les gens attendent, à genoux sur le trottoir. Ils mettent quelques poignées de riz gluant dans le bol de chaque bonze. Puis les moines se regroupent, chantant des prières sur un ton monocorde avant de reprendre leur marche silencieuse, pieds nus sur l'asphalte poussiéreux. Ce ne sont pas les moines qui remercient, mais les fidèles.

 

     

 

Je passe le long pont sur le Mékong. La route est de plus en plus fréquentée au fur et à mesure que l'heure tourne, mais je ne suis pas inquiet, car les Laotiens respectent les cyclistes. Le paysage ne change pas : cabanes bancales, villages aux maisons de bois, petites villas récentes aux couleurs vives, vaches rousses, chiens faméliques, petits tracteurs boiteux... Le vent plutôt favorable m'aide à tenir mon 20 km/h de moyenne. Il ne me faut donc que deux heures pour atteindre la frontière. Les policiers sont charmants, on me délivre un visa gratuit de un mois pour la Thaïlande, le ciel est clair et j'ai le cœur en fête. Je retrouve le même hôtel qu'à l'aller, et je m'empresse d'aller manger un bon poulet avec du bon riz dans le restaurant voisin. Je suis heureux de retrouver la cuisine thaïe.

 

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