Dernière modification: 05/05/2014

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Lundi 17 février 2014.

Bac Ha - Sapa.

Lever à sept heures pour ne pas manquer le car qui doit me prendre à huit heures. Ici, il faut se méfier, car si les transports sont plutôt souvent en retard, il leur arrive parfois d'être en avance ! Le minibus est pratiquement neuf, le chauffeur conduit prudemment, pas trop vite, sans à-coups... ça va ! Il y a peu de passagers, je voyage avec une Allemande d'une soixantaine d'années qui fait un étonnant périple à travers le Vietnam et le Laos, et toute seule ! Elle s'est mieux débrouillée que moi, car elle paye son billet, dans le bus, 110.000 dongs, alors que moi, je paye 200.000 dongs en passant par l'hôtel qui a un peu forcé sur la commission. ( Tout est relatif tout de même, car la différence de 90.000 dongs cela ne représente que 3,21 € ). La route est en bon état jusqu'à Sapa : une route de montagne qui s'élève au-dessus de rizières étagées, dans des bois de pins mêlés à des bananiers. Soudain, un brouillard épais tombant des sommets dévale la pente où nous nous trouvons. La visibilité est tellement réduite qu'on devine à peine le camion qui nous précède. Hé bien le chauffeur bloque son Klaxon et fonce sans aucune visibilité pour doubler. Par chance, il n'arrivait en face que deux motos qui sont obligées de s'arrêter sur le bas-côté pour nous céder la place. Quand on est dans le bus, il vaut mieux ne pas réfléchir et, comme le chauffeur, faire confiance en son destin. Il ne faut pas imaginer que dans le brouillard opaque qui tend un rideau blanc à vingt mètres devant nous, un autre car peut avoir eu l'idée lui aussi de doubler un camion ! Je suis parfois inquiet, mais je n'ai jamais peur, car cela rendrait le voyage trop pénible, peut-être même impossible. Dans nos pays occidentaux, nous sommes de plus en plus esclaves de règles de sécurité qui nous gâchent parfois la vie et qui altèrent notre vigilance, au volant ou ailleurs, provoquant, paradoxalement, des accidents. Ici, chaque conducteur de véhicule conduit en s'attendant à ce que les autres usagers lui coupent la route ou arrivent en face. La preuve la plus évidente est que prendre une avenue ou une autoroute à contre-sens ne provoque pas forcément d'accident. Dans une ville, pour traverser, il suffit de s'engager sur la chaussée et d'avancer d'un pas régulier jusqu'au trottoir d'en face, sans regarder les véhicules arrivant vers soi. C'est très stressant au début, puis on s'y habitue.

Nous découvrons Sapa, une ville aux bâtiments hétéroclites, un fouillis d'immeubles de toutes les couleurs et de différentes hauteurs, dans une vallée dont la brume m'empêche d'évaluer la profondeur. Nous demandons au chauffeur de nous laisser près de l'église, ou du marché, il est tout à fait d'accord, mais arrivé à Sapa, il nous fait descendre non loin du stade en prétendant que nous sommes arrivés. Je descends, l'Allemande aussi, et quand nous regardons le plan dans notre guide, nous nous apercevons que nous sommes à plus d'un kilomètre de l'église. Je m'apercevrai, en cours d'après-midi que le bus allait jusqu'à la gare routière qui jouxte l'église. Je n'arriverai jamais à comprendre pourquoi les chauffeurs de bus sont toujours infects avec les voyageurs : problèmes sur le prix, problèmes pour nous laisser où nous désirons aller, manque de courtoisie... Ils rendent le voyage parfois difficile et souvent désagréable. Tous les voyageurs ont des problèmes avec les transporteurs routiers.

Je mets mon sac sur mon dos, et je me dirige vers le centre quand je remarque un hôtel qui me semble très correct : « Bao Ngoc Hotel ». Le prix de dix dollars me convient, la chambre est agréable, confortable, avec la télé française « TV 5 Monde ». Je me sens capable de rester deux ou trois jours ici.

Je longe le lac brumeux et sinistre se perdant dans un coton gris donnant le frisson. Je vais manger une bonne portion de cochon de lait grillé à la broche, avec des frites et une bière. Je paye dix dollars, c'est un excès, mais c'est bon ! Je vais vers l'église. Je rencontre un jeune couple de Français avec qui je vais au marché acheter deux délicieuses mangues. Au moment où je me décide à revenir vers l'hôtel, une grosse averse m'oblige à me réfugier sous le porche de l'église. Je m'assieds sur les marches avec des femmes Mhong et un gamin déluré de six ou sept ans qui s'amuse à répéter tout ce que je lui dis ! Il est un peu sale, les mains noires et le visage barbouillé. Un couple de touristes s'abritant comme moi me regardent d'un air dédaigneux, presque dégoûtés. Je déteste ces gens qui viennent ici, payent une fortune pour se joindre à un groupe qui ira dans les villages photographier les « indigènes », et qui rentreront chez eux en se gaussant d'avoir « fait les tribus ». « Oh, mon cher, il y a une telle misère, ils sont sales, ils vivent comme des sauvages, ils croient aux fantômes...» Et ces bons touristes, se prenant pour des explorateurs, braqueront l'objectif de leur appareil photo à trente centimètres du visage des gens pour faire le bon portrait de la pauvre vieille ou du misérable vieillard. Et pour se donner bonne conscience, ils distribueront quelques bonbons ou quelques stylos ! On m'a même raconté que certaines personnes, lors d'une randonnée dans les villages de montagne, se sont plaints du manque de confort des lits, et du fait qu'il n'y avait pas d'eau chaude dans une salle de bains dont la propreté leur paraissait douteuse. Est-on certain que l'époque de la colonisation est bien révolue ?

 

     

 

Mardi 18 février 2014.

Sapa.

Je passe la matinée dans ma chambre, je lis, j'écris, je regarde la télé... Je ne fais rien de plus que si j'étais « chez nous » à Surin, en Thaïlande ou même à Lube, en France. Il fait très froid, même dans ma chambre, et j'ai les mains glacées. Je suis obligé de les mettre sous l'eau chaude de temps en temps. Dehors, et c'est la raison pour laquelle je ne sors pas, l'hiver accroche aux montagnes qu'on ne voit même pas, un brouillard glacial et humide qui n'incite guère à sortir. Pourtant, à deux heures, je vais jusqu'au marché. Sur la place de l'église, deux ou trois silhouettes noires se perdent dans des brumes grises poussées par un vent à décorner les buffles. Je descends quelques marches et je m'enfonce dans le marché sombre et humide. Des vapeurs chaudes montent d'une marmite posée sur un petit poêle à charbon ; c'est juste ce qu'il me fallait : une bonne soupe chaude. Et voilà que pour un euro j'ai un plaisir immense, une joie intérieure qu'aucun restaurant n'aurait pu me procurer. Manger une soupe brûlante dans ce marché sombre et humide, c'est comme trouver une piscine au milieu du désert... ça fait partie des plaisirs qu'on a du mal à expliquer. Les touristes se font rares, seules les silhouettes des petites femmes Mhong vendant des pacotilles ou des sacs tissés à la main sillonnent les ruelles pentues et désertes de Sapa. Elles m'abordent timidement, souriantes, sachant déjà que je ne vais rien acheter. Je n'ai pas l'allure de quelqu'un qui s'intéresse à des sacs à main tissés ou à des boucles d'oreilles en argent. La plupart parlent suffisamment français pour vendre leur petit artisanat, mais pas assez pour tenir une conversation. Dommage, car autant elles que moi, nous aurions le temps de nous raconter des histoires intéressantes, d'autant plus qu'elles me semblent très curieuses.

 

     

 

Je reviens tristement vers l'hôtel, car il n'y a strictement rien à faire sauf à se réfugier dans la chambre. Il est à peine quatre heures et on pourrait croire que la nuit va tomber. À Surin il fait trop chaud et je serais obligé de rester dedans de la même façon. Cela me console !

 

Mercredi 19 février 2014.

Sapa.

Je ne suis pas surpris, ce matin de découvrir qu'il a neigé durant la nuit. Les montagnes sont légèrement blanchies jusqu'au niveau de la ville. Il faut dire qu'ici, je suis au pied du plus haut sommet du Vietnam qui est le Fan Si Pan Peak, culminant à 3143 m. Je flâne dans cette ville sans charme, et pour me restaurer je jette mon dévolu sur un restaurant aux prix abordables. Non loin du feu de bois, je mange un plat de canard à la citronnelle... qui me redonne ma bonne humeur ! Demain, je veux partir à Diên Biên Phu, et à quelques kilomètres d'ici, je dois passer le col de Tramp Ton ( 1900 m ). Vu comment ils conduisent quand « la route est noire », je pense que ça va être du grand spectacle sur la neige ! Avoir un accident de car au Vietnam à cause de la neige, voilà une mésaventure qui peut paraître surprenante ! J'ai froid, je n'ai pas envie de sortir, car il pleut, et je ne sais trop où aller. Les touristes ont fui, la bourgade de Sapa semble vivre au ralenti. Dans ma chambre d'hôtel, je ne suis pas trop mal, mais comme il fait quinze degrés, pour avoir chaud, je suis obligé de m'envelopper dans une couverture ; moi qui ne suis pas frileux... j'ai les pieds comme des glaçons !

 

     

En fin d'après-midi je reviens sur les bords du petit lac. La lumière est d'une pureté extraordinaire, l'air se radoucit, la ville présente un meilleur aspect.

Les nouvelles de Thaïlande, vues d'ici, ne sont pas rassurantes. La police veut faire évacuer la rue à Bangkok, ( il serait peut-être temps de réagir ) et le plus inquiétant c'est que les manifestants de Nakhon Sawan, qui n'ont toujours pas été payés pour le riz qu'ils ont récolté, se joignent aux manifestants. On parle de quatre morts au moins ( certainement davantage ) et on évoque une inculpation de Yingluk Shinawatra, la première ministre pour négligence. Il était temps qu'on se rende compte qu'elle est tout à fait inefficace, et que ce soit pour la gestion des indemnisations après les inondations de 2011, pour la maîtrise du maintien de l'ordre dans la capitale ou pour la gestion de la crise agricole qui paupérise encore une fois actuellement, les paysans du centre du pays, elle fait preuve d'un laxisme stupéfiant. Elle est arrivée au pouvoir sans aucune expérience, on l'accuse d'être la marionnette de son frère Taxin Shinawatra ancien premier ministre, figure emblématique de la corruption, renversé en 2006 par des militaires tout aussi corrompus... Avec Suthep, ancien vice-premier ministre du précédent gouvernement arrivé au pouvoir sur un coup d'état, comme personnage le plus actif d'une opposition délabrée, on peut craindre que de ce panier de crabes ne sorte une junte militaire alliée aux grandes fortunes du pays. Suthep, essaye de tromper tout le monde en prétendant être le chef du « parti démocrate ». Il est ultraroyaliste, xénophobe, protectionniste, ultranationaliste arborant à outrance le drapeau national, et il attend son heure pour tirer son épingle du jeu. Quand on me dit qu'il n'y a pas d'extrême droite en Thaïlande, je rigole doucement. Suthep, on peut le classer parmi ces opposants politiques européens qui eux aussi se défendent d'être d'extrême droite. La Thaïlande a donc du souci à se faire. Elle devrait rivaliser avec le Japon sur le plan économique, elle plonge vers la récession et pourrait peut-être un jour se retrouver au même niveau que le Myanmar.


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