Dernière modification: 02/05/2014

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Vendredi 14 février 2014.

Bac Ha.

Le temps est gris, on devine les montagnes cernant Bac Ha, mais les sommets ne se découvrent que durant de brefs instants. Il ne faut pas imaginer de hautes montagnes comme les Pyrénées, mais plutôt de hautes collines ou plus précisément ce qu'on peut appeler « moyenne montagne ». Bac Ha compte un peu plus de sept mille habitants. Elle est dominée par les ruines d’un fortin où, durant la colonisation, des militaires français devaient s’ennuyer sérieusement entre deux attaques de « pirates ». Aujourd’hui, la ville se tourne vers le tourisme avec de nombreux hôtels qui travaillent surtout durant le week-end grâce aux marchés des villages alentour amenant un flot d’Occidentaux ou de voyageurs asiatiques de plus en plus important d'année en année. Aujourd'hui, je suis pratiquement le seul étranger dans le village. Je n'ai rien à faire, car il fait trop froid pour aller dans les villages voisins en moto.

Je vais déjeuner au petit restaurant du coin, et le patron et sa femme me gâtent comme si j'étais un ami de longue date. J'ai droit à une superbe crêpe au miel, à un café filtre délicieux, et comme il fait froid, on m'apporte un brasero qu'on colle si près de ma table que je crains qu'il ne mette le feu à l'établissement.

Je flâne au bord du lac, mais l'humidité me ramène vers la place du marché presque déserte, et je vais visiter le temple chinois. Dans chaque petite pagode aux toits relevés aux angles, on trouve tout un fouillis d'objets et d'offrandes placé sur des petites tables gigognes ou autour d'une divinité à la longue barbe et aux moustaches de phoque. Cela ressemblerait presque à la boutique d’un brocanteur ! Les fidèles déposent des billets devant les statues, des bâtonnets d'encens et parfois des fruits. Tout est rouge et doré, avec parfois des idéogrammes étincelants dans la pénombre. J'aime la sérénité de ces lieux, loin des hurlements de sirène des camions et des pétarades des motos.

 

        

 

Je vais visiter le palais du Roi Hmong offert par les Français pour lui donner l'illusion d'une importance qu'il n'avait pas.

Ensuite, je me rends au marché où j'achète un anorak et une calotte chinoise ; j'ai moins froid, je suis un peu mieux !

 

     

 

     

 

 

Samedi 15 février 2014.

Bac Ha.

Toujours ce petit froid qui glace les os et donne l'onglée. Je me lève à sept heures et j'apprends que le bus me menant au marché de Can Cau n'arrivera ici qu'après neuf heures. Hier soir, j'ai rencontré un couple d'Agenais. Je vais déjeuner à l'hôtel Congfu avec eux, et pour quinze dollars chacun, j'affrète un véhicule privé, un 4X4 flambant neuf. Nous arrivons au marché à neuf heures. Le temps est un peu brumeux, mais il ne fait pas trop froid. À flanc de montagnes, dans un superbe cirque de rizières étagées, toute une population colorée où le rouge domine évolue parmi des baraquements aux toits de chaume ou de tôle. Les gens vont et viennent, les femmes portent soit un bébé, soit une hotte dans le dos. Elles sont coiffées d'un grand foulard roulé en turban, parfois d'un haut diadème où scintillent de petits pendentifs d'argent. Tous leurs vêtements sont tissés à la main de fils très colorés. Sur un pantalon souvent noir, elles portent une robe aux motifs en zigzagues de différentes couleurs, et parfois des guêtres multicolores couvrent leurs chevilles. Ce qui me surprend, c'est qu'elles portent des chaussures blanches au talon un peu haut. Ce genre de chaussure est tout à fait inadapté au terrain ! Les hommes sont vêtus à l'occidentale. Pour eux, le marché est une fête, ils causent entre eux, se regroupent autour d'une soupe de nouilles sous des hangars couverts de toits de tôle, ou autour d'un feu improvisé à même le sol. Certains fument le "bong", cette pipe à eau semblable à un long tuyau faite avec un gros bambou. Pendant ce temps, les femmes achètent des outils pour travailler dans les champs, et des produits de première nécessité qu'elles placent dans leur hotte d'osier. Elles rient, plaisantent entre elles, mais ne prêtent aucune attention aux touristes qui les harcèlent parfois avec leurs appareils photo. On peut voir de pauvres petits chiens tenus en laisse et vendus pour finir dans la marmite, comme ce petit cochon noir qu'on force à entrer dans un sac de jute, et qui hurle à fendre le cœur. Dans le secteur du marché au bétail, des buffles attachés à une pierre ruminent en regardant d'un air hagard les hommes silencieux qui déambulent en les observant. Parfois, c'est tout un groupe de personnes qui s'accroupissent en demi-cercle autour d'un animal pour discuter entre eux des défauts ou des qualités supposées de la bête destinée à travailler dans les rizières étagées que l'on devine, là-bas, de l'autre côté du brouillard.

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À onze heures et demie, nous revenons à Bac Ha où je mange une grande assiette de nouilles avec des gros morceaux de porc. Je reviens toujours au même restaurant, et l'on me soigne comme si j'étais de la famille. L'après-midi est brumeuse, le soleil ne veut pas paraître, et le froid humide ne quitte pas la région. Maintenant que j'ai un gros anorak, je suis content, je me moque bien du froid... Pourvu qu'il ne pleuve pas !

 

Dimanche 16 février 2014.

Bac Ha.

Aujourd'hui, jour de marché à Bac Ha. Je me lève à six heures. Il fait un froid de glacière dans ma chambre. Dans la rue, le temps semble s'être un peu radouci. La place du marché est encore très calme. Elle est couverte de tentes bleues et les premiers commerçants installent leurs étalages. Quelques chiens rôdent : pour eux, c'est jour de fête aujourd'hui. Les premières femmes en costume traditionnel arrivent, leur hotte d'osier sur le dos. Certaines portent un bébé tellement emmitouflé qu'on ne voit que ses yeux. Il est dans une sorte de poche, derrière les épaules de sa mère. On l'a affublé d'un bonnet de laine aux couleurs vives. Depuis que je suis ici, je n'ai jamais entendu un enfant pleurer. Peu à peu le marché se peuple de gens des villages. Les femmes arborent avec fierté leurs tenues superbes, les hommes sont vêtus à l'occidentale. J'aimerais bien connaître la raison pour laquelle ils ont abandonné leurs vêtements traditionnels. Neuf heures : la foule est colorée, les costumes des femmes rutilants, des rires et des éclats de voix fusent de-ci de-là, les marchandages vont bon train. Vers dix heures, c'est la foule des touristes qui vient se mêler à celle des autochtones. Bien que je fasse partie de cette catégorie de voyeurs à la recherche d'une bonne photo, je ne me sens pas à l'aise quand je vois des Occidentaux braquer leurs objectifs vers ces gens qui finissent par ne plus y prêter attention. Quand je suis seul, ou presque, je fais un tour de marché pour observer les lieux, pour revenir par la suite faire des prises de vues. Je m'arrange pour que les gens m'aient déjà vu et repéré. C'est toujours mieux pour le contact que l'on peut avoir avec eux. Ici, cela n'est pas possible, nous sommes presque dans un zoo humain. Certaines femmes sont photographiées plusieurs fois par minute par des gens sans complexes qui approchent parfois leur appareil photo à moins de cinquante centimètres de leurs visages. Les pires pour cette forme de sans-gêne sont les Coréen et les Chinois qui y rajoutent une pointe de mépris !

Dans l'ensemble, je trouve le marché moins intéressant qu'hier, peut-être parce que je commence à m'habituer à la beauté de ces tenues magnifiques, peut-être aussi parce que le cadre est un peu moins intime. Hier, on était au milieu des montagnes, aujourd'hui on est dans une ville. Le marché est plus important, plus peuplé, mais c'est le problème de la qualité ou de la quantité.

L'odeur de sang ne m'incite pas à m'attarder dans le secteur des bouchers... heureusement, il ne fait pas chaud, alors les mouches sont à l'abri ! Par moment, il faut contourner d'énormes fagots de canne à sucre ou d'énormes pousses de bambou avec lesquelles on peut faire de délicieuses salades.

Je monte au marché aux bestiaux qui domine le secteur. On y vend principalement des buffles. Quand on parle d'un « regard bovin », c'est qu'on n'a jamais regardé un buffle dans les yeux ! Ces pauvres bêtes m'observent avec des yeux noirs, un regard profond qui trahit leur inquiétude. Elles sentent qu'il va se passer quelque chose, mais elles ne comprennent pas qu'elles sont là pour changer de propriétaire, alors quand je m'approche, elles sentent que je suis différent des gens qu'elles côtoient habituellement et cela les fait stresser encore plus. Autant le marché est animé et bruyant, autant ici c'est le calme et le silence. Marchands et acheteurs communiquent à mi-voix, des hommes tordent le mufle de ces pauvres bêtes pour observer la dentition. Ce sont toujours les hommes les acheteurs, mais parmi les vendeurs je remarque parfois des femmes.

Je vais manger une délicieuse soupe de nouilles au restaurant du marché, assis à une longue table de bois, parmi les villageois qui ne prêtent pas la moindre attention à moi : ils ont la tête penchée sur leur bol, à aspirer les nouilles qu'ils saisissent avec leurs baguettes. Ils ne se donnent même pas la peine d’ôter leur casque de motocycliste !

 

                    

                    

     

 

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L'après-midi, je vais à pied jusqu'au village de Thaï Giang Pho. Le soleil m'accompagne, et aussitôt j'ai trop chaud. On n'est jamais content ! Voilà huit jours que je n'ai pas vu le soleil ne serait-ce qu'une minute, et quand il sort, il me dérange ! La petite route cimentée qui mène au village est surtout fréquentée par des motos. Je traverse une petite forêt de pins, puis des rizières dans un immense cirque de montagnes. Quelques paysans labourent avec une charrue de bois au soc de métal tirée par un buffle flegmatique. Certains lopins de terre sont à peine plus grands qu'un jardinet. Au village, quelques pauvres chaumières s'accrochent à la pente, et sont reliées par un sentier poussiéreux. Sur une petite place devant la petite école, deux garçonnets jouent avec de grosses toupies de bois autour desquelles ils enroulent une ficelle, et qu'ils lancent avec force. Le deuxième joueur doit envoyer sa toupie contre celle de son camarade ; il doit la chasser, et elle doit tourner à sa place. L'adresse de petits gamins de cinq ou six ans est surprenante !

 


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