Dernière modification: 15/05/2014

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Jeudi 14 novembre 2013.

Bangkok - Surin.

Nous partons à la gare en Taxi dès le lever du jour. Les embouteillages commencent à se former, mais cette fois-ci nous ne ratons pas le train. Nous traversons le quartier fait de cabanes de planches vermoulues et de tôles rouillées dans lequel les habitants ont réussi à recréer une vie sociale parallèle avec de petites épiceries, des gargotes où la soupe est moins chère que dans la rue, un salon de coiffure entre deux cloisons bancales. Pourtant, la délinquance n’est pas un gros problème dans ce gourbiville où l’on hésiterait à s’aventurer seul ! Les portes et les fenêtres du train sont grandes ouvertes, mais il vaut mieux ne pas se pencher au-dehors, car l’on risque de laisser sa tête sur un toit de tôle avançant comme une lame jusqu’au ras des wagons. Le train ne va pas bien vite, s’arrête, reste immobilisé plusieurs longues minutes le long d’une avenue où les motos font du slalom entre les taxis multicolores. Il nous faut une bonne demi-heure pour parcourir les cinq premiers kilomètres. Nous finissons par sortir de la ville et par nous retrouver pratiquement sans transition, dans un décor verdoyant, paysage de rizières tachetées du blanc des hérons ou des cigognes. La ville grignote la campagne, les immeubles poussent dans les friches, parmi les roseaux, au milieu des champs. Alphonse Allais avait raison : « on devrait construire les villes à la campagne » ! Nous avons l’impression d’avancer à bonne allure, mais à chaque fois que nous prenons de la vitesse, il faut décélérer puis freiner, car la gare suivante est déjà là. Nous avançons par sauts de puce successifs jusqu’à Ayutthaya où je retrouve une femme chauffeur de touk-touk charpentée comme un buffle que je connais depuis plusieurs années. Elle nous conduit à Bang Pa In à une vingtaine de kilomètres, dans son triporteur tout neuf. Ces touk-touk d’Ayutthaya ont l’air de grenouilles. Ils sont parfois peints de superbes images de cette ville qui fut la capitale du pays pendant quatre cent dix-sept ans, jusqu’à ce que les Birmans la détruisent en 1767. Bang Pa In est l’ancienne résidence d’été des rois de Thaïlande. On y trouve quelques bâtiments dispersés parmi des étangs où glissent d’énormes poissons-chats ou de placides tortues, un parc verdoyant et une salle du trône qui rappelle en plus modeste, la cité interdite de Pékin. Il fait chaud, nous avons du mal à nous montrer dynamiques. Nous reprenons un train cahotant jusqu’à Ayutthaya. Cela n’est pas ruineux : nous payons trois bahts pour vingt kilomètres ( huit centimes d’euros ! ). Il nous faut attendre une heure trente le train qui doit nous mener à Surin. Nous avons droit à un gros orage qui ne nous rafraîchit même pas. L’air me colle à la peau. Des touristes chargés de sacs énormes vont et viennent, des chiens galeux rôdent à la recherche d’une âme charitable, des Thaïs traînent leurs tongs... Le train finit par arriver avec une heure de retard. Personne n’a perdu sa bonne humeur, même pas les touristes qui, j’en suis sûr vocifèrent, en Europe, dès que leur train a cinq minutes de retard... Le climat se prête à la tolérance. Dans le wagon, jusqu’à Khorat, nous avons le choix entre des brochettes de poulet, des œufs frits avec un peu de viande et du riz, et le succulent poulet cuit sur le grill. On nous propose aussi des cacahuètes bouillies, de la mangue verte, des petits beignets de viande hachée ou de légumes, et toute sorte de choses non identifiées par nous, mais certainement délicieuses. Le paysage vert et monotone devient plus sauvage dès que nous dépassons Sarabury. Nous pénétrons dans la jungle. Les arbres nous offrent une belle couleur verte car ils ont été lavés durant la saison des pluies qui vient de se terminer. En mars le même paysage est sordide, la forêt étant couverte de la poussière de l’énorme cimenterie bordant la voie ferrée : la jungle arbore alors des teintes éclatantes de blancheur ou d’un gris sale. Le train monte sur le plateau de Nakon Rachasima, la locomotive diésel fume et s’essouffle, les branches d’arbustes bordant la voie viennent caresser le wagon. Il vaut mieux ne pas sortir la tête à la fenêtre, car l’on pourrait se retrouver le visage zébré comme par un fouet par les branches. Michel fait des photos des arbres, des oiseaux, des montagnes, des fleurs, des fils électriques... Il en a le temps, car nous ne dépassons pas le quarante kilomètres-heure. Nous nous arrêtons à chaque petite gare ; certaines sont si isolées qu’elles se bornent à un petit toit couvert de tuiles rouges posé sur quatre piquets. Un ivrogne bien imbibé de mauvais whisky se fait enguirlander par une marchande de boissons. Ici, les femmes ne se laissent pas faire. La Thaïlandaise me fait penser à ces chats siamois qui ronronnent sur nos genoux jusqu’au moment où ils plantent leurs griffes dans notre cuisse ou mordent la main tendue pour les caresser ! Le poivrot voudrait bien venir causer avec nous, mais les gens lui demandent de nous laisser en paix. Il obtempère. Il tient difficilement debout avec les cahots de la voie, mais, au risque de tomber à l’extérieur, il va s’asseoir sur le marchepied à la porte du wagon restée grande ouverte.

À vingt-deux heures vingt au lieu de vingt heures, nous arrivons à Lam Chi, petite gare avant Surin. Amnoay, Lam ( sa sœur ) et Yuthasat ( son beau-frère ) sont venus nous chercher. Nous arrivons « chez Amnoay ». La maison a évolué : il y a l’air conditionné dans « la chambre des invités », et une grande parabole sur le toit. Noy, le chien, me reconnaît, mais les deux autres chiens sont morts. Ici, la vie est dure pour eux. Même si on leur donne à manger très correctement, on ne les soigne pas, on ne les caresse jamais ; ils font office de gardiens et non d’animaux de compagnie. Les Thaïlandais ne maltraitent pas les animaux, mais ils ne leur donnent pas les soins dont ils ont parfois besoin. On peut voir des animaux infestés de parasites, galeux, tout pelés, rongés d’abcès... Les personnes ayant mené une vie de dépravation ou ayant fait le mal autour d’elles sont réincarnées en animaux ; donc, ceux-ci sont souvent méprisés !

 

        

Vendredi 15 novembre 2013.

Surin.

Aujourd’hui, c’est « la fête des éléphants ». Nous nous rendons à Surin, assis dans la benne de la camionnette de Yuthasat. La ville est en effervescence : il y a des enfants, des vieillards, quelques touristes, une musique assourdissante sur la place du monument à Pra Si Naron Djang Wan fondateur de la ville. Lam et Yuthasat nous laissent dans la rue, car ils vont au marché. Pour eux, « la fête des éléphants » ne présente guère d’intérêt : ils ont déjà vu ! Moi aussi, j’ai déjà vu, mais j’en redemande ! Michel et moi remontons la rue vers la gare. Une musique rappelant à la fois une fanfare militaire et une « banda » landaise nous parvient du fond de la rue. Une masse colorée avance lentement : ce sont les véhicules disparaissant sous d’artistiques dispositions de fruits et de légumes représentant des châteaux, des temples, des scènes du ramayana... Tout cela est destiné à être dévoré par les éléphants dans quelques instants. Des musiciens, des soldats vêtus comme au temps des guerres du XVII° siècle, des danseuses aux habits chamarrés, des porteurs de bannières... et, derrière, comme une grosse masse grise, menaçante, la foule des éléphants qui avancent en balançant leur trompe, en tanguant légèrement, sans se toucher, sans se précipiter pour saisir un concombre, un petit régime de bananes ou une mangue offerts par le public accomplissant ainsi une bonne action. Maintenant, la rue semble s’être assombrie, envahie par cette marée grise ondulant placidement, avançant d’une démarche chaloupée. Ce ne sont plus dix ni vingt pachydermes qui défilent, mais près de trois cents, en troupeau serré, montés par leur cornac qui les guide en promenant son pic acéré sur le front de la bête. Parfois il faut taper un peu plus fort avec le côté pointu, allant même, en cas d’urgence, jusqu’à faire jaillir quelques gouttes de sang qui coulent le long du front de la bête. Il ne faut voir là aucune cruauté, mais simplement la nécessité de maîtriser cette force de la nature qui pourrait causer d’énormes dégâts et devenir extrêmement dangereuse si elle était livrée à elle-même. Le défilé atteint le monument où des danseuses et des musiciens cèdent la place. Dans une rue adjacente, on a disposé sur plusieurs centaines de mètres, des tables que l’on a recouvertes de pastèques, bananes, canne à sucre, ananas et autres friandises qui ne laissent pas les éléphants indifférents. Ils agitent leur trompe, balancent leur énorme tête et piaffent, en attendant que le cornac les autorise à se restaurer. Ils ne se servent jamais seuls, sauf pour ramasser de la nourriture tombée sur le sol, ils attendent qu’on leur offre une pastèque qu’ils prennent avec leur trompe comme on ferait avec une cuillère, et qu’ils enfournent dans une gueule paraissant petite en proportion de leur énorme corps. Je suis dans la rue, et je me retrouve cerné par plusieurs éléphants. Impossible de sortir par aucun côté. Leur ventre me frôle, mais ne me touche pas. Bien que lent, leur mouvement m’inquiète un peu. Pourtant, il me suffit d’apposer ma main sur le flanc à la peau rugueuse de l’un d’entre eux pour qu’il s’écarte, me laissant un passage suffisamment large pour sortir. J’aime ces animaux dont l’œil larmoyant, étonnamment expressif, me regarde presque avec tendresse. La préhension de petits objets avec leur trompe force l’admiration. Ils sont d’une adresse redoutable et peuvent même ramasser un billet sur le sol, et le donner au cornac au-dessus de leur tête.

La chaleur devient plus cuisante et ces animaux n’aiment ni rester au soleil, ni marcher sur un sol brûlant. Alors, la rue se vide ; il ne reste plus que des détritus jonchant le sol et d’énormes déjections qui seront récupérées pour être revendues aux jardiniers. Rien ne se perd ! Les fruits et légumes restant sur les tables sont récupérés par les gens nécessiteux et surtout par les propriétaires d’éléphants. Ils seront revendus aux personnes de la rue qui les offriront à manger aux éléphants.

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Samedi 16 novembre 2013.

Surin. ( Koko )

Nous allons à Surin, Michel et moi, et nous commençons par manger un poulet cuit à la broche à Koko, au bord de la route. Il n’est pas des meilleurs, car il est trop sec et en plus, alors que nous mangeons, une de ces vieilles « mamasan », ancienne  poule devenue maquerelle arrive et au moment de payer, le prix a augmenté d’un bon tiers. Dans la ville de Surin, il n’y a pas grand monde, car c’est le jour du spectacle au stade et tout le monde est allé voir les gros éléphants jouer au basket, au foot ou participer à la reconstitution de la bataille des Thaïs contre les Birmans. Au sujet de cette guerre fratricide entre ces deux pays voisins, les Thaïs ont tourné l’histoire de telle façon qu’ils se considèrent comme vainqueurs, alors qu’Ayutthaya leur capitale fut complètement détruite et que le pays en sortit exsangue.

Le soir, nous allons à l’autre bout du quartier de Koko pour assister à un liké. Il s’agit d’un spectacle offert gratuitement aux habitants des lieux par des personnes désirant effectuer une bonne action lors d’obsèques ou de fête familiale. Nous sommes accueillis par les organisateurs très chaleureusement avec des sourires, et par les gens du village avec des regards amusés et étonnés. Ils sont contents que nous nous intéressions à leur spectacle. Il s’agit de danses, puis d’une pièce de théâtre interprétées par des acteurs habillés comme des poissons dans des tenues aux paillettes scintillantes. De temps en temps des sketches comiques font rire le public aux larmes. En ce qui nous concerne, c’est dommage, mais nous ne saisissons pas la finesse de l’humour thaï. Plus la soirée avance, plus certains hommes sont ivres. Certains dorment sur leur chaise, d’autres par terre, d’autres font tellement de zigzagues et d’embardées quand ils se déplacent qu’on croirait presque qu’ils sont suspendus à des fils comme des marionnettes. Ceux qui nous ont accueillis aimablement quand nous sommes arrivés sont encore plus aimables quand nous repartons, car ils ont bu quelques whiskys de plus. Il est bientôt minuit et je pense que lorsque la fête se terminera vers le milieu de la nuit, il y aura beaucoup de monde dormant sur l’herbe!


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