Mandalay Pagan Myanmar
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précédente Lundi 24 janvier 2011. Yangon. La gare routière se trouve à une vingtaine de kilomètres de Yangon. Nous prenons un pick-up. Il est cinq heures, la ville s'éveille, il est cinq heures et j'ai bien sommeil ( ce n'est pas tout à fait comme la chanson de Dutronc ! ). « Les jeunes » vont au « Mother's Land ». Avec Ginette et Roland, nous allons à l'hôtel Pyin Oo Lin, derrière l'Hôtel de Ville. La cage d'escalier est crasseuse, les murs décrépis laissant apparaître des briques ou le linteau d'anciennes portes et fenêtres murées depuis. On a repeint par-dessus, je ne sais combien de fois d'un affreux rouge Bordeaux. L'hôtel se trouve au 4° étage. Dès que l'on pousse la lourde porte de bois, on a la surprise de découvrir un cadre agréable, presque luxueux : des cloisons de bois sombre, des meubles de bois massif, sculptés, de la moquette sur le sol... Il y a là un air rétro qui rappelle les romans de Kipling. Ma chambre n'a pas de fenêtre, mais je préfère, ainsi je n'aurai pas le bruit de la rue. En fin d'après-midi, nous retrouvons Delphine et Jérôme à la Paya Shwedagon. Je suis toujours aussi émerveillé. L'or du stûpa se détache sur le bleu du ciel en une masse étincelante. Je ne recommencerai pas à décrire ce que je vois ou ce que je ressens, je l'ai déjà fait le 31 décembre, et je serais toujours aussi élogieux pour cette merveille. Ginette et Roland étaient déjà venus durant la journée, il y a deux semaines, et lorsque la nuit tombe, ils découvrent une autre pagode. Il y a deux Shwedagon : celle de l'or étincelant sur fond d'azur, et celle du mystère insaisissable dans son écrin de nuit étoilée ! Le soir, j'abandonne « les copains » pour aller manger « mon » canard rôti au « Golden Duck ». Les serveurs me reconnaissent, alors ils me reçoivent comme un prince, s'affairant autour de moi, l'un approchant la chaise, l'autre époussetant la nappe, le troisième courant avec le menu... C'est comme ça le Myanmar : il suffit de revenir quelques semaines plus tard pour devenir un ami. Je demande un demi-canard. Il me faut bien ça pour assouvir mon péché de gourmandise. Car ce n'est pas que la faim qui m'amène en ces lieux, c'est surtout le désir de sentir fondre sur mon palais une viande tendre, juteuse et parfumée. Ah ! le canard de Golden Duck vaut largement le canard confit de chez moi, et, sans vouloir vexer personne, je dirais même que c'est meilleur !
Mardi 25 janvier 2011. Yangon - Bangkok. Je pars à l'aéroport en taxi, avec une voiture neuve et un chauffeur qui respecte le code de la route à la lettre. Par rapport au pays, l'aéroport est luxueux : carrelage étincelant, vitres propres, fresques colorées et de bon goût... Le trafic n'est pas très important, alors il n'y a pas foule. L'avion survole des plaines sans arbres, quadrillées de rizières, puis un delta où serpentent des bras de rivières étincelants au soleil. C'est ici que l'Irrawaddy et la Saloween se jettent dans le golfe du Bengale. Cette région a été balayée par le terrible cyclone « Nargis » il y a deux ans. Des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans logement, sans eau potable sans nourriture et sans aide, les rares routes donnant accès aux villages étant coupées. Pourquoi la junte militaire au pouvoir a-t-elle bloqué l'aide internationale occidentale ? Peut-être par peur d'une ingérence dans leur pays, peut-être tout simplement par mépris pour cette population de campagnards considérés comme des vilains ou des serfs au sens que nous donnions nous-mêmes à ces mots au Moyen Âge.
Maintenant que j'ai quitté le Myanmar, je peux écrire en toute liberté ce que je pense, sans crainte que mon message Internet ne soit bloqué. Je n'ai jamais été suivi comme on aimerait nous le faire croire en France. La police ne s'intéresse pas à chaque touriste, elle a assez de travail avec les Birmans fichés comme non sympathisants du pouvoir. Certaines personnes parlent et expriment ouvertement leur désapprobation face à la politique de la junte. On peut parler librement avec des Birmans sans qu'un espion ne vienne se glisser parmi nous. Nous avons beaucoup fantasmé là-dessus après les événements de 2007, car à ce moment-là, le pays était en état d'urgence, comme nous le sommes lorsque notre gouvernement déclenche le plan vigie pirate. Ce qui est flagrant par contre, c'est que la quasi-totalité des revenus du pays est détournée au profit d'une poignée de personnes dirigeantes qui s'enrichissent sans vergogne, allant même jusqu'à créer une capitale presque inaccessible où les étrangers ne sont pas les bienvenus. Le Myanmar a des ressources colossales : du gaz ( exploité par la France et exporté vers la Thaïlande ), des pierres précieuses dont la vente est totalement gérée par le gouvernement, les revenus de la culture du pavot qui ne vont pas que dans la poche des chefs de guerre de minorités... Malgré ces richesses, les routes, les voies ferrées, les bâtiments, les rues dans les villes, tout semble à l'abandon. Le pays est partagé en différents états dont les représentants ne sont pas capables de gouverner ensemble, alors la démocratie n'est pas pour demain, c'est une utopie occidentale. Le Myanmar fait penser à la Yougoslavie : ou il est gouverné par une main de fer, ou il éclate en guerre civile. Pour les Birmans, le principal problème ne semble pas être la démocratie, mais la corruption. L'avion survole les montagnes de l'état Karen. Pas une route ni un sentier n'apparaissent, pourtant, de place en place, des cultures sur brûlis, parfois un petit hameau isolé, trahissent une présence humaine. La Salowen serpente dans les montagnes, disparaissant presque sous les frondaisons, par endroits. Voici le patchwork des rizières éclatantes au soleil de midi : nous survolons la Thaïlande. Des routes apparaissent dans tous les sens, les villages se serrent autour d'un temple, je reviens dans un pays plus riche, cela se voit déjà du ciel. Ici aussi la junte militaire a pris le pouvoir en toute illégitimité, et la situation politique est plutôt instable. L'airbus A320 de Bangkok Airway se pose à l'aéroport de Sawanabhumi, décor futuriste de métal et de verre. Je me sens revenu « au pays », un peu chez moi, ici. Je comprends et je parle suffisamment pour pouvoir communiquer avec les habitants, et c'est ce qui me manquait en Birmanie. D'ailleurs, je cause avec le chauffeur de la navette et une de ses copines montée en cours de route jusqu'au soi 29 où ils me déposent. Ils s'amusent gentiment en parlant des vieux « farangs » ( occidentaux ) âgés parfois de plus de soixante-dix ans, se promenant main dans la main avec des petites Thaïes de vingt ans. Le soir, je vais dîner au « Suda » du soi 14, car j'aime bien ce restaurant un peu isolé de l'enfer de l'avenue Sukhumvit.
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Dernière modification: 21/11/2012