Surin

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Mardi 14 décembre 2010.

Bangkok - Surin.

Ce matin, c’est le départ pour Surin. Amnoay ne trouve pas de taxi pour aller à la gare. Vu les embouteillages, aucun chauffeur ne veut aller à Hualamphon. Nous trouvons cependant un chauffeur qui accepte de nous y conduire en passant par le chemin des écoliers. Cela n’allonge pas beaucoup, et nous évitons tous les carrefours engorgés.

La gare Hualamphon est une véritable fourmilière. Les voyageurs y dorment, y mangent, y attendent un train qui ne viendra que dans cinq ou six heures... Ils se font même couper les cheveux sur le quai ! Les Thaïlandais voyagent énormément : le temps que dure le voyage ne compte pas pour eux. Le train n’a guère évolué depuis un bon demi-siècle, les voies sont toutes obsolètes, les rails cabossés, les aiguillages actionnés par une « tringlerie » mécanique qui n’inspire pas confiance. Les trains roulent sur des voies uniques, les omnibus s’arrêtant fréquemment sur une voie de garage pour laisser passer les « rapides ». Les accidents sont rares. ( Il y en a eu un justement aujourd’hui, dans le sud, mais la police pense plutôt à un attentat fomenté par les musulmans du sud ). Le train arrive, les voyageurs montent, s’installent à la place qui leur est attribuée, et se préparent à manger et dormir. Pendant le voyage, des marchands de boisson ou de nourriture ne cessent d’aller et venir. Nous ne sommes pas au mieux, car nous sommes installés dans le wagon où se trouve le moteur, un diesel rugissant, hurlant et dégageant une désagréable chaleur dès que le convoi ralentit et que l’air entrant par les fenêtres se fait plus rare. À chaque gare ou presque, des marchands montent, passent dans la travée en vantant leurs fruits ou leurs brochettes et descendent à la gare suivante. Ils reviendront au point de départ avec le train suivant. Entre Saraburi et Korat, le train monte sur le plateau par une voie tortueuse tracée dans la jungle. Parfois, les branches viennent fouetter les flancs du wagon : il vaut mieux ne pas se pencher au-dehors. Nous passons parfois entre deux parois rocheuses si proches que je pourrais les toucher en tendant le bras. Dans un pays comme le nôtre où la sécurité est devenue un principe, un train comme celui-ci ferait parler de lui !

Partis à dix heures, nous arrivons à Surin à cinq heures et demie de l’après-midi. Sept heures trente de trajet pour quatre cents kilomètres, c’est une bonne moyenne.

Thik et Tio tian, la belle-fille et la petite fille d’Amnoay viennent nous chercher à la gare.

Amnoay retrouve sa maison inaugurée l’an passé. Elle est heureuse comme une enfant le matin de Noël.

 

Mercredi 15 décembre 2010.

Surin.

La journée est vite passée : je n’ai rien fait d’autre que de me laisser aller à une flemme délicieuse en cherchant un endroit un peu frais.

 

Jeudi 16 décembre 2010.

Surin.

Au lever du jour, le paysage bleu sent la fumée, car les paysans font brûler les chaumes. Une sorte de brouillard dans lequel vont et viennent des aigrettes blanches estompe les lointains. C’est le meilleur moment de la journée, car il ne fait pas trop chaud, et à part les oiseaux, rien ne bouge.

Amnoay habite à six kilomètres du centre de Surin, alors nous prenons un « songtaew » ( véhicule pick-up dont la plate-forme est équipée de banquettes dans le sens de la longueur ) pour nous rendre au marché.

   

Nous passons devant les étalages de fruits : de belles mangues, des pommes appétissantes, mais insipides, des fraises venant je ne sais d’où, d’énormes papayes, des montagnes de pastèques, et le surprenant « fruit du dragon », rose dont on ne sait si c’est un fruit ou une fleur ! En cette saison, on est un peu frustré, car c’est surtout à partir d’avril-mai que les fruits sont beaux et délicieux. Nous allons prendre le déjeuner. On me sert une soupe tout à fait bizarre. Dans un bouillon rose, on a jeté des nouilles transparentes larges comme des oreilles d’éléphants, des cubes de sang de porc gélifié, des herbes diverses dont je me demande si elles ne sont pas tombées là par accident, des boulettes de viande hachée et de poisson, et pour terminer, des morceaux de méduses semblables à des feuilles de salade frisée. Bien sûr, l’ensemble fait un peu désordre et je commence prudemment à piocher dans le bol avec mes baguettes. Les nouilles gluantes sont difficiles à saisir, les feuilles de coriandre ou de choux dégagent un délicieux parfum, les cubes de sang de porc ont la consistance du tofu ou du flanc aux œufs. Je prends la cuillère chinoise courte et plate, et je goûte au bouillon. C’est à la fois sucré et indéfinissable. Hé bien l’ensemble est délicieux : je ne laisse que trois grains de poivre au fond du bol !

Une cousine rencontrée par hasard nous conduit à l’hôpital. Nous allons rendre visite à Yuthasat, le beau-frère d’Amnoay. À force de fumer et de boire du mauvais alcool, il a fini par se réduire à l’état d’épave. Il gît sur sa couche dans une chambre à six lits ouverte sur le couloir et séparée des autres chambres par une cloison qui n’arrive pas au plafond. Parmi les malades se trouvant avec lui, je n’en vois pas un capable de s’en sortir. Ce sont des personnes âgées décharnées ou des victimes de l’alcoolisme. Bien qu’il n’ait que cinquante ans, Youthasat ne me fait pas meilleur effet que les autres. Je ne suis pas certain qu’il me reconnaisse. Assis sur le lit, il regarde autour de lui, l’air hagard. Il a du mal à respirer, il n’arrive pas à parler et je pense qu’il a sa dose de tranquillisants.

Les vêtements des malades et les draps sont propres, mais le sol est douteux et les murs maculés de taches. Des chariots vont et viennent avec des malades dont je ne sais trop s’ils sont encore en vie. Devant la porte d’entrée, un vieillard décharné, allongé sur une civière attend qu’on le prenne en charge. Je sais qu’il est encore vivant, car il ouvre les yeux de temps en temps. Alors se produit la chose la plus surprenante : un pick-up s’approche à reculons, on abaisse la ridelle et on charge le vieux à même le plancher, les gens qui l’accompagnent réussissant plus ou moins bien à le maintenir assis. Le songtaew démarre. En voilà un qui aura la chance, s’il supporte le voyage, de mourir chez lui ! Alea jacta est !

 

Vendredi 17 décembre 2010.

Surin.

    

Ce matin, il fait très froid : les gens sont ratatinés. La température a descendu jusqu’à treize degrés. Moi qui ne suis pas frileux, je me prends à frissonner. L’après-midi, il fera vingt-huit degrés, une bonne chaleur estivale.

Je vis ma journée avec l’école voisine. C’est un imposant groupe scolaire qui compte bien trois cents élèves. Le matin, à partir de huit heures, une noria de motos vient déposer les enfants. Je compte parfois quatre et même cinq passagers, le plus mal installé étant celui qui est monté le dernier, car il a les fesses qui dépassent à l’arrière du porte-bagages. La moindre ornière et il se retrouve assis sur la route. Parfois, des élèves arrivent seuls, à trois sur la moto, et le pilote n’a même pas dix ans. Personne ne porte de casque. Les accidents sont fréquents, mais je n’en suis guère surpris. Huit heures trente, c’est le lever du drapeau : une fillette chante l’hymne national dans un porte-voix, et c’est tellement faux que c’en est presque un outrage à la patrie. Les élèves rejoignent leur classe dans un bruit de foire, certains continuent à jouer dehors, alors que leurs camarades récitent tous en chœur, la leçon apprise à la maison. Ceux qui n’ont pas étudié peuvent avoir recours au playback. Les garçons sont vêtus d’une chemisette blanche, d’un short kaki et de chaussures de toile assorties. Les fillettes portent un chemisier blanc, une jupe bleu marine, des chaussettes blanches et des souliers noirs. En passant devant chez nous, les enfants éclatent de rire en me voyant comme si j’étais l’Auguste devant le cirque Medrano. Moi, ça ne me vexe pas : qu’y a-t-il de mieux, dans la vie que le rire des enfants ?

 

Samedi 18 décembre 2010.

Surin.

La fraîcheur du matin est dynamisante. Nous sommes levés à sept heures. Amnoay s’occupe des fleurs de son jardin, je travaille sur l’ordinateur, je lis, j’écoute de la musique. Il n’y a pas école aujourd’hui, donc la maison est silencieuse. En cette saison, nous bénéficions d’une température de rêve. Tout le monde se promène et je me laisse aller à ma flemme.

 

Dimanche 19 décembre 2010.

Surin.

Nous allons en voiture à Ban Kruat dans la province voisine de Buriram, avec Chulomphon, le fils d’Amnoay. Sur la route, peu de trafic, mais nous roulons cependant à 70 km/h. Chulomphon, très prudent au volant, conduit calmement. Cependant, il ne respecte pas les lignes continues. Il faut dire que la signalisation horizontale est très mal faite : on a une ligne continue alors que la visibilité est parfaite, et dans les virages, on a des pointillés. Je pense que la police ne se montre pas très sévère, et si par hasard on se fait arrêter, un petit billet gentiment glissé arrange tout. Le paysage est sec, surchauffé, poussiéreux. De petits tracteurs ont remplacé les buffles pour tirer la charrue, mais là où six personnes travaillaient, il n’y en a plus qu’une. Alors, une grande partie de la population rurale désœuvrée va tenter de trouver de quoi subsister dans les grandes villes. Le phénomène n’est pas récent, mais il va en s’aggravant, et cela n’augure rien de bon pour l’avenir. Les uns tenteront d’exercer un « petit métier » au bord du trottoir, les autres deviendront chauffeurs de taxi, quant aux filles, elles viendront grossir le lot des prostituées de Bangkok ou de Chiang Mai. Tous ces gens « déracinés » par force envoient chaque mois un peu d’argent à la famille restée sur place, au bout de la rizière desséchée, et cela permet aux plus vieux de subsister dans la province natale. Jusqu’à présent, le Roi, et surtout la Reine Sirikit, même si ce n’était parfois que du saupoudrage, soutenaient cette population paysanne. Aujourd’hui, les choses ont un peu changé, et le couple royal vieillissant n’a plus la confiance de la population rurale... Alors... je n’ose pas anticiper sur ce qui risque de se passer, mais les événements de cette année peuvent laisser penser qu’un changement pourrait s’opérer bientôt.

Le soir, à la maison, nous avons droit à une ambiance de fête. Pour la troisième soirée consécutive, la musique d’un mariage met le quartier en effervescence. À cinq cents mètres à la ronde, tout le monde va en profiter. Au fait, pas une seule chanson occidentale, et presque toute la musique est issue du répertoire provincial. Si la capitale, Bangkok, semble fortement occidentalisée, dans la Thaïlande profonde, les traditions ont de beaux jours devant elles !

 

Lundi 20 décembre 2010.

Surin.

À part aller au marché de Surin, je ne fais pas grand-chose. Il fait chaud.

 

 

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