Bangkok
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Lundi 6 décembre 2010. Lube - Paris À cinq heures, il fait un peu frais quand Amédée vient nous chercher pour nous amener à la gare. Les gens sont moroses dans le hall de la gare : je pense qu'ils voyagent par force ! Nous, nous avons le moral, car nous allons vers un été qui va durer tout l'hiver ! Dans le train, jusqu'à Bordeaux, ça va, mais ensuite, un couple monte avec deux enfants en bas âge qui exaspèrent tous les passagers par leurs cris et leurs hurlements. Personne ne fait de remarques, alors je fais comme tout le monde, je supporte. C'est bien connu, les parents n'éduquent plus leurs enfants, et, en plus, ils se moquent du dérangement que ceux-ci peuvent bien occasionner. Je ne peux m'empêcher de penser à ces gamins de Thaïlande qui supportent sans broncher des heures de train dans un confort tout à fait médiocre. À Paris, il fait froid, humide et tout est gris. Nous prenons la navette jusqu'à Roissy, puis une autre navette jusqu'au Formule 1.
Mardi 7 décembre 2010. Paris - Le Caire Nous avons tout notre temps puisque nous ne décollons qu'à quinze heures. Il nous faut d'abord trouver le bon terminal, car le chauffeur de la navette nous « largue » n'importe où ! Il neige sur Paris, et nous avons la chance de pouvoir décoller juste avant que les autorités ne ferment l'aéroport ! Dans l'avion de la compagnie « Egypt Air », le repas est bon, le voyage jusqu'au Caire se passe bien. Bien sûr, nous n'avons ni apéritif ni vin pendant le repas, car nous sommes avec une compagnie musulmane. Le personnel est uniquement masculin. Je croyais que l'Égypte se vantait d'être un pays laïque... Pas sa compagnie aérienne ! La descente sur la ville du Caire, à vingt heures, est impressionnante. Aux portes du désert, nous descendons dans un océan de lumières vers une des villes les plus peuplées du monde. Nous attendons environ une heure au Caire, et nous décollons vers Bangkok avec un 777 dans lequel quelques hôtesses... Thaïlandaises viennent prêter main-forte à des stewards peu souriants. Encore un repas très acceptable arrosé de Coca ou de jus d'orange, et tout le monde dort !
Mercredi 8 décembre 2010. Bangkok. Nous arrivons à Bangkok à midi heure locale ou six heures chez nous. Le voyage a duré quinze heures, escale comprise. Jean-Paul, un Orthésien implanté ici vient nous récupérer à l'aéroport et nous conduit au Crown-Hôtel, sur Sukhumvit. La chaleur est supportable, le soir nous allons dîner, Amnoay et moi, au Suda, restaurant du soi 14 où nous avons nos habitudes. Nous avons le choix entre plus de cent plats, tous aussi savoureux les uns que les autres, et pourtant, nous commandons toujours les crevettes frites à l'ail, le foie de porc frit, les légumes frits, avec une bière avec de la buée sur la bouteille ! Amnoay est heureuse de se retrouver chez elle, et moi aussi je me sens chez moi ici... car c'est la 33° année que je viens.
Jeudi 9 décembre 2010. Bangkok. Après une nuit de sommeil réparateur, la soupe de légumes du déjeuner me met en forme. Je vais de-ci de-là, d'un grand magasin à l'autre, et je flâne sur l'avenue Sukhumvit. Il y a quelques années, quelques responsables bien pensants avaient eu l'idée ingénieuse de tracer une piste cyclable sur les trottoirs. Le piéton risquait donc à tout moment de se faire renverser, car si les cyclistes sont plutôt rares à Bangkok, les motos empruntaient cette piste, parfois à vive allure. Le problème a été résolu : les motos ne passent plus, car le trottoir a été envahi par les petits commerces. On a juste la place pour se faufiler parmi les étals de chemisettes, de chaussettes et de souvenirs en tout genre. Parfois on doit même descendre sur la chaussée de l'avenue, et alors là, ce ne sont pas que les motos qui risquent de nous percuter, mais également les bus et les taxis. Dans certaines rues les marchands de soupes installent leurs cuisines roulantes sur le trottoir, ainsi que des tables et des tabourets. Une bonne odeur de citronnelle et d'épices flotte par là-dessus. J'ai faim par gourmandise !
Vendredi 10 décembre 2010. Bangkok. Je voulais aller à l’Ambassade du Laos, du Cambodge et du Myanmar ( Birmanie ) et finalement je ne vais nulle part, car aujourd’hui, c’est jour férié pour une raison que personne ne semble connaître. D’ailleurs, la plupart des commerces sont ouverts. Je vais à Panthip. Il y a beaucoup de monde, mais les prix ont beaucoup augmenté, et il me semble que les gens achètent moins. Par contre, le commerce des copies de logiciels ou de DVD ne semble pas trop s’essouffler. Le système est toujours aussi ingénieux : on choisit son DVD dans un classeur où ne figurent que les pochettes, on paye, le vendeur téléphone, et un petit quart d’heure plus tard, un livreur apporte la copie. Difficile de saisir le stock : personne ne sait où est le matériel. La police ferme les yeux. Bien entendu, il est difficile de trouver des œuvres thaïlandaises : elles sont protégées. Après Panthip, je pars à Pratunam. Les trottoirs sont noirs de monde, les étalages prennent de plus en plus de place, il ne reste plus qu’un étroit passage où il est même parfois difficile de se croiser. Heureusement, dans cette multitude déambulant à pas lents dans un chuchotement de pieds qui traînent, personne ne bouscule ; les gens se frôlent sans aucun contact. On est loin du souk d’Afrique du Nord où l’on se retrouve secoué comme un sac de noix. En progressant dans cette foule compacte, je heurte un petit tabouret abandonné sur le passage. Au lieu de ne rien dire, il pousse un petit cri métallique qui alerte la vendeuse, une boule adipeuse sans âge qui, sans même se soucier de savoir à qui elle a à faire, me donne un coup de poing dans les côtes. Je lui conseille alors de ne pas laisser traîner son tabouret auquel elle semble sentimentalement attachée, et, ce disant, je pousse l’accessoire sous son étalage d’un petit coup de pied aussi précis que bien ajusté. Sur ce, elle me décoche un droit dans le bide. Alors, avec ma grosse chaussure de montagne, je lui écrase ses orteils posés en éventail sur la semelle de ses tongs. J’entends un « outch ! », puis plus rien. Pas le temps de m’excuser, j’en profite, pendant qu’elle danse la gigue sur un pied pour me faufiler parmi les « chalands ». Je dois faire ici une parenthèse pour dire que ce qui m’a inquiété, par la suite, c’est que dans mon réflexe d’autodéfense, c’est la méchanceté que j’ai utilisée spontanément ; et ça, je reconnais que ce n’est pas bien ! Le soir, nous allons manger au Suda ( soi 14 ), et je jette un sort à une assiette de calmars frits à l’ail et au poivre.
Samedi 11 décembre 2010. Bangkok. Nous allons à Chatuchak, le marché du week-end avec le « rot fayfa » ( métro aérien ). C’est l’hiver dans toute sa rigueur, l’air conditionné étant poussé à l’extrême : on se gèle. À la sortie, on se retrouve terrassé par la chaleur qui semble encore plus insupportable. Au marché, c’est la foule, comme à Pratunam, mais personne ne laissant traîner de tabouret sur mon passage, je n’écrase aucun orteil. Ici, on vend des animaux, du serpent à la mygale en passant par toutes sortes de petits chiens assommés par la chaleur. On vend des fleurs, des statues de Bouddha en bronze, de la vaisselle, des outils, des faucilles et des marteaux... J’arrête mon énumération qui finirait par ressembler à une chanson de Nino Ferrer. On trouve partout des vêtements à des prix défiant toute concurrence. Dans un vacarme de foire, des rabatteurs juchés sur des tabourets vantent leur marchandise. On a installé devant chaque boutique ouverte sur le passage, des haut-parleurs qui diffusent une musique inaudible se mélangeant à celle du voisin. Ici, les Thaïs semblent savoir où faire de bonnes affaires alors que le touriste ne sait où donner de la tête. On sort de Chatuchak avec la tête comme un melon et une poche plastique à chaque main. Le soir, nous allons manger au soi 7, sous le grand préau où une demi-douzaine de restaurants proposent des fruits de mer et du poisson à un prix encore abordable. Nous prenons des moules et un bar cuit devant nous dans un bouillon de citronnelle. Rien que pour ça, cela valait la peine de venir jusqu’en Thaïlande !
Dimanche 12 décembre 2010. Bangkok. La ville est calme, Amnoay est malade, car elle a bu un peu de bouillon dans lequel a cuit le poisson, et cela ne lui a pas réussi. Elle reste au lit toute la journée. Moi, je sillonne l’avenue Sukhumvit en mangeant par-ci par-là. Quand la nuit tombe, les cuisines roulantes s’installent sur les trottoirs, proposant toute une grande variété de plats. Par endroits, l’odeur de piment frit ou de « nam pla » ( jus de poisson faisandé ) est insupportable. Les Thaïs ont le don de faire une cuisine délicieuse avec des ingrédients qui sentent mauvais.
Lundi 13 décembre 2010. Bangkok. Il pleut à verse de bon matin, et cela n’est pas normal en cette saison. Quand le soleil sort, à neuf heures, il fait une chaleur humide que je n’aime guère. Nous allons à la poste du soi 23, il nous faut faire la queue pour acheter des timbres. Heureusement, personne ne cherche à resquiller, les gens sont calmes, et cette sérénité thaïlandaise me plaît beaucoup. Nous avons rendez-vous avec Jean-Paul au Chang Erawan, un temple-musée situé à Samut Prakan. Dans un sympathique petit jardin où coule une petite rivière peuplée de tortues et de poissons voraces, un riche Thaïlandais d’origine chinoise a fait construire un énorme éléphant à trois têtes, et, dans le ventre du pachyderme, il a fait aménager un temple. Depuis une dizaine d’années, il continue son œuvre en améliorant et en agrandissant peu à peu le parc. Pourquoi tant de générosité ? Je n’ose émettre d’hypothèses, je dirai simplement qu’il avait peut-être envie de se faire pardonner d’être devenu si riche. Ce n’est pas la première fois que la générosité éclate en œuvre colossale : au Mexique, dans la ville minière de Taxco, au XVIII° siècle, le Français Borda avait ainsi fait construire une cathédrale pour remercier Dieu de lui avoir apporté la fortune en lui faisant découvrir un des plus riches filons d’argent de la région. En entrant dans les lieux, nous sommes frappés par le gigantisme de l’imposant éléphant. Nous pénétrons dans le petit musée du sous-sol, où sont exposées quelques statues et des porcelaines colorées, puis nous montons dans le socle supportant l’éléphant par un monumental escalier en fer à cheval décoré d’apsaras, de porcelaines et de divers motifs colorés, le tout, sous une coupole ornée de vitraux représentant un planisphère. Je cherche une unité dans cette décoration, et je ne la trouve pas. C’est rococo, cossu, naïf et frisant parfois le mauvais goût kitsch, et pourtant l’ensemble est superbe. Il y a du Gaudi, du Facteur Cheval, des réminiscences d’art khmer et une forte influence thaïe dans cette œuvre. Nous montons ensuite par un escalier en colimaçon aux marches de bois rouge verni, situé dans la patte avant de l’éléphant, et, arrivés au sommet, une salle bleue, presque irréelle nous donne l’impression de pénétrer dans un milieu sous-marin. Au fond, un grand bouddha jette une note dorée dans cette ambiance onirique. Nous sommes seuls dans le ventre d’un éléphant, et je me demande si Jonah avait ressenti la même impression de sérénité dans le ventre de la baleine. Nous revenons sur Sukhumvit en taxi jusqu’à la station de métro de On Nut, et nous continuons par le « rot faifa » jusqu’à l’Emporium, ce grand magasin de six étages. À Bangkok, il faut savoir associer, dans ses déplacements, le métro et le bus ou le taxi, car la circulation devient de plus en plus problématique. Entre huit et dix heures le matin et aux alentours de cinq heures l’après-midi, les avenues sont tout simplement bloquées. On a créé tout un réseau de voies rapides, on a même construit des autoroutes sur les autoroutes déjà existantes, rien n’y fait. C’est un peu comme si le mal étant déjà fait aucune solution ne permet de remédier à cela. Ajoutons à cela qu’une grande partie des véhicules sont d’énormes 4X4 ( le Thaï, quand il est riche, il veut que ça se voie ! ) et on peut imaginer, lorsqu’on reste bloqué parfois vingt minutes à un feu comment est l’air qu’on respire ! Quand le feu passe enfin au vert, une meute hurlante de motos, de vieux bus bringuebalant et de touk-touks hargneux s’élance dans un nuage de fumée. C’est infernal ! Je me prends parfois à rêver à mon « beth ceü de Pau » ( beau ciel de Pau ). Bangkok se dit « Krung Thep » en thaï, ce qui signifie « cité des anges ». Ces anges sont affublés de grosses trompettes, car c’est à qui fera le plus de bruit : on fait ronfler la moto à l’arrêt, on démarre dans un crissement de pneus, on klaxonne sans raison, on place des haut-parleurs sur les trottoirs, et on monte le volume pour couvrir le bruit de la rue ou le bruit du haut-parleur voisin s’il y en a un. Dans cet abominable tintamarre, je me sens parfois fatigué, et pourtant j’aime bien. Je n’y vivrais pas, mais quand ça ne dure que quelques jours, j’arrive à supporter.
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