Traversée du Sahara

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Lundi 1er août 1977.

Gao - Ansongo (97km).
(Mali)

   

Les bords du Niger à Gao.

Ce matin, je récupère enfin l’assurance si nécessaire et si inutile, la police nous rend nos passeports, et l’on réussit à changer des francs à la banque… Il faut toute la matinée pour mener à bien ces quelques formalités de départ ! Nous mangeons comme des goinfres, et nous payons, à l’hôtel, une addition longue comme une file d’attente de cinéma ! Cinq jours de pension à l’hôtel Atlantide, ce n’est pas donné !

Nous nous étions habitués trop vite à la douche quotidienne, au repos sur le lit, au semi-confort, et quand nous retrouvons la tôle ondulée, six kilomètres après Gao, nous comprenons que le voyage continue. Nous traversons des palmeraies presque miteuses, des campagnes presque verdoyantes, nous louvoyons entre les ornières, nous vibrons sur la tôle ondulée, et Pancho répète inlassablement : « C’est quand même mieux que Bourem - Gao ! » Il se console en faisant appel à ses souvenirs, Pancho !

La température du liquide de refroidissement, dans le radiateur, frôle les cent dix degrés… Il nous faut donc mettre le chauffage et supporter de voyager dans un four ! C’est insupportable ! Dans le Tanezrouft, on acceptait les soixante-cinq degrés dans la voiture, car c’était le désert… Et en plein Sahara, il faut qu’il fasse chaud, sans quoi nous serions déçus… mais ici, nous aimerions bien être tranquilles, et avoir un peu plus de confort. Nous sommes dans une brousse sans aucun attrait, au milieu des buissons d’épineux, dans un Sahel au bord de la misère, à cause de la sécheresse qui sévit depuis quelque temps dans la région !

Tiens, la voiture a un comportement un peu bizarre non ? Aurions-nous crevé ? Hé oui ! Le pneu se dégonfle lentement. Nous nous arrêtons : une nuée de gamins arrivent en courant des quatre points cardinaux. Nous regonflons de façon à pouvoir fuir l’essaim sans cesse grossissant. Une centaine de mètres plus loin, nous voilà ensablés : les gosses nous rejoignent. Comment ont-ils la force de courir avec cette chaleur !

__« Dis Patron, cadeau ! cadeau ! Donne-moi stylo, cahier, bonbon… De l’argent !… »

__« Du fric ? et quoi plus ! Faut pas pousser non plus ! » répond Pancho un peu énervé. Alors, pour désensabler la voiture, il est seul à pousser ! Il y a des phrases qu’il vaut mieux ne pas prononcer !

 ...un défilé d'énormes chauves-souris au vol lourd... (molosses fructivores)

    

Mardi 2 août 1977.

Ansongo - Tillabery (231 km)
(Mali-Niger)

Doux réveil au lever du jour ; la nuit fraîche nous a redonné du courage. Nous déjeunons assis sur la couverture sous le regard intrigué d’un jeune scorpion qui payera de sa vie sa curiosité ! Nous reprenons la piste vers le Niger. À la frontière, nous déchargeons les voitures. Nous nous y attendions, alors nous prenons notre mal en patience, et nous gardons le sourire. Quand toutes nos « richesses » sont étalées autour de la 4L et de la 404, nous voyons arriver un douanier, sympathique, le sourire jusqu’aux oreilles. Il nous serre la main et commence son inspection :

« _Ça, qu’est-ce que c’est ?

__ De la vitamine C !

__Ah bon ! Et ça ?

__De la levure de bière !

__Ah bon ! Et ça ?

__Des nouilles !

__Ah bon ! Et ça ?

__Des élastiques !

__Ah bon ! Et ça ?… … »

Et ça dure un bon moment, car il inspecte tout notre matériel par curiosité, surtout ! Bien sûr, à force ça fait long, mais c’est le folklore, et il faut s’y prêter gentiment. Finalement, tout se passe bien ! En Afrique, le temps ne compte pas. Donc, il est très mal vu de s’impatienter. Satisfait de sa visite, le douanier nous serre la main, et c’est tout juste s’il ne nous remercie pas du bon moment qu’on lui a fait passer. Il nous laisse repartir jusqu’à l’autre frontière distante d’une vingtaine de kilomètres. Nous entrons au Niger, et le douanier est un peu moins curieux que son collègue malien ; il se contente de poser des questions. Il n’a pas envie de répertorier nos ustensiles ! Bon, ça va ! On peut continuer. Nous ne sommes que de passage…

La piste menant à Tillabery est assez défoncée par les pluies récentes. Heureusement, la boue a séché et nous passons assez facilement. Nous nous arrêtons à quelques kilomètres de Tillabery et nous installons notre camp au bord de la piste. La nuit, nous sommes dévorés par des moustiques gourmands qui ont du goût, puisqu’ils me préfèrent à mes petits copains… Je suis attaqué de toutes parts !

 

Mercredi 3 août.

Tillabery - Niamey (227 km).
(Niger)

   

Nous trouvons le goudron à Tillabery, après mille six cent cinquante kilomètres de piste, ça fait plutôt drôle ! C’est bizarre, cette impression de rouler sur du velours ! Le confort quoi ! Le paysage est typiquement africain : de la brousse avec des acacias s’étalant en forme de parasol, quelques épineux, des villages où les cases de terre ocre se blottissent sous de maigres arbres… mais il manque les girafes pour parfaire cette image d’Épinal !

Le ciel devient de plus en plus menaçant, l’horizon de plus en plus noir, et le paysage semble prendre des teintes vert tendre ! Nous nous dirigeons droit sur un orage. C’est sous des trombes d’eau que nous pénétrons dans la capitale : Niamey a fondu sous l’averse ! Trois cents appartements se sont écroulés, de nombreuses familles sont sinistrées, les rues sont transformées en torrents de boue, et des gens pataugent en essayant de déboucher les canalisations. Nous aurons tout connu au cours de ce voyage, de la sécheresse aux inondations !

Nous passons par les quartiers résidentiels : des villas cossues perdues dans la verdure, la poste, les ambassades, le palais de justice… tout le reste de Niamey n’est qu’un gros village aux rues mal asphaltées et aux impasses boueuses ! On ne voit qu’un immeuble, de hauteur plutôt modeste, au centre de la ville, et on n’a pas l’impression de se trouver dans une capitale !

Nous passons le reste de l’après-midi devant une bière fraîche au Bar Rivoli, lieu de rendez-vous de tous les touristes. Les boissons sont chères, mais on y rencontre des voyageurs qui colportent les dernières nouvelles concernant les différentes pistes d’Afrique Occidentale !

__« La piste de Ouagadougou ? Oh ! C’est infernal : des trous, de la tôle, de la boue ! »

Heureusement, nous n’allons pas par là !

__« La piste de Tamanrasset ? Oh ! Elle est pourrie : des trous, de la tôle, du fech-fech… »

Là, c’est plutôt ennuyeux, car c’est justement celle que nous sommes forcés d’emprunter pour le retour ! On nous donne au kilomètre près, tous les renseignements, toutes les petites combines qui rendent le voyage réalisable. Chacun est là, dans le bar, avec sa carte dépliée sur la table et son carnet de bord ! On se croirait au PC de quelque bataillon en opération de campagne !

Le soir, nous allons camper sur une colline dominant le fleuve Niger. Le décor est féerique, l’air frais respirable, et les moustiques un peu paresseux. Nous préparons quelques grillades sur un feu de bois, mais l’averse vient gâcher la fête en nous obligeant à nous réfugier dans les voitures.

 

Jeudi 4 août 1977.

Niamey.  (Niger)

Niamey, on en a vite fait le tour ! Nous avons du mal à trouver un magasin de disques ou de musique africaine… Nous allons au garage Renault pour faire relever la voiture qui touche presque par terre et qui cogne tous les cailloux de la piste. Cela nous prend la matinée ! Faire la correspondance, écrire les articles pour le journal local, ça nous prend l’après-midi ! Le soir, nous campons près d’une clinique, non loin des rives du Niger, en compagnie des moustiques. Quelle vie ! Par moments nous sommes si fatigués que nous ne savons plus trop où nous sommes, mais à aucun moment nous ne regrettons de nous être lancés dans cette aventure !
 

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